Dick s’approcha doucement de la vitrine qui contenait son ancien costume. La batcave était déserte, il n’y avait pas de trace de Batman et le jeune homme pouvait se promener tranquillement dans ce qui fut sa base secrète il fut un temps. Premier Robin du nom, il avait depuis longtemps abandonné sa première identité super-héroïque au bénéfice de Jason Todd, puis de Tim Drake. Il était devenu le justicier connu sous le nom de Nightwing et avait passé la main à ceux qui étaient devenus comme ses petits frères. Chacun à leur façon, ils avaient défendus leur costume et respecté l’héritage qui leur avait été confié. Mais parfois, dans les moments de doute, Dick aimait descendre dans la batcave pour contempler ce qu’il avait été. Bien sûr, c’était désormais un mannequin qui portait ses anciens oripeaux, mais quand même. A le voir, il avait l’air presque vivant. Dire que Bruce s’était donné la peine de mettre son ancien costume en vitrine... Le milliardaire avait un cœur et un amour à partager, il n’arrivait tout simplement pas à l’exprimer. En tout cas, ça faisait un petit quelque chose de revoir ce que furent ses habits et son identité pendant des années. Dick était nostalgique de cette période d’insouciance où il combattait les super-vilains au côté de son mentor et meilleur ami, ne se souciant guère des conséquences de ses actes ou du danger qu’il courrait à chaque instant. Surentrainé par Batman, Dick se croyait invincible, à cette époque. Aujourd’hui, il savait bien qu’il avait eu de la chance d’avoir survécu… Jason Todd n’avait pas eu cette chance et avait été abattu par le Joker.

Oui, ce vieux costume faisait ressurgir en Dick beaucoup de souvenirs. Il se voyait en train de combattre Double-face dans une vieille usine abandonnée, tandis que le supervilain avait mis pour un temps Batman hors d’état de nuire. Pour une fois que Robin sauvait Batman ! Il se voyait, tentant de résister au baiser empoisonné de Poison ivy, qui l’avait prise dans ses filets faute à son charme chimique. Il se voyait aussi combattre aux côtés des Teen Titans, formation de jeune héros dont il faisait parti et dont il était un des membres fondateurs. Il se voyait embrasser Koriand’r - alias Starfire, sa coéquipière - pour la première fois dans ce costume. Il avait vécu tant de choses en tant que Robin… Mais il avait passé la main depuis, pour voler de ses propres ailes. Nightwing… Dick avait cru que cette nouvelle identité héroïque lui apporterait tout ce dont il rêvait : l’indépendance, se retrouver enfin maître de son destin, loin de Batman. Et pourtant, le voilà qui revenait sur les lieux de ses premiers pas en tant que Robin, dans la Batcave, dans le repaire de Batman… Connerie de destin.

Soudain un grésillement se fit entendre et tira Dick de ses pensées. C’était la radio réservé aux membres de la bat-family. La voix de Tim se fit alors entendre :

Dick, rejoins moi s'il te plait.

Sa voix semblait étrangement lasse. Dick fronça les sourcils. La radio lui indiquait l’endroit où se trouvait son ami et successeur, à savoir sa propre chambre. Le jeune homme emprunta l’ascenseur qui menait au manoir Wayne, juste au dessus de la batcave. Puis il monta les escaliers jusqu’à l’étage et rejoint sa chambre. Il ouvrit la porte et découvrit Tim, dans son costume de Red Hawk, qui contemplait le vide, sa radio toujours dans ses mains. Son teint était cireux et il semblait mal en point. La première réaction de Dick fut de s’asseoir à côté de lui et de lui demander s’il allait bien.

« Tim, qu’est-ce qui se passe ? J’ai senti qu’il y avait un truc qui n’allait pas dans ta voix… Tim ? »

Tim n’allait visiblement pas bien du tout. Il était évident qu’il n’avait pas quitté son costume depuis plusieurs jours. Il était sale, souillé, déchiré par endroits, et des traces de lutte y étaient visibles. Tim s’était battu, et l’affrontement semblait avoir été violent. Dick eut peur que son ami ait été blessé durant le ou les combat(s) qu’il avait mené et chercha des yeux la moindre plaie ouverte qui aurait expliqué l’affaiblissement de Red Hawk. Mais rien de tout cela, Tim ne semblait pas avoir de lésions ou de blessures : physiquement, malgré un teint pâle comme la mort, il allait bien. Mais qu’est-ce qui avait pu, dans ce cas, provoquer cette étrange lassitude qui avait pris possession du jeune justicier ? Il était éprouvé, fatigué, épuisé, même. Depuis combien de temps n’avait-il pas dormi ? Voir son petit frère dans cet état était un vrai choc pour Dick. Tim avait la tête sur les épaules, il était réfléchi, savait mener des actions intelligentes et brillait par son courage et ses capacités de stratège. De tout point de vu, Tim avait été un bien meilleur Robin que lui, mis à part en acrobatie, mais pour ça Dick était imbattable. Le jeune homme ne perdait que rarement son sang froid et, s’il avait toujours été sensible, savait garder la tête froide et connaissait ses limites. Il savait donc très bien quand il fallait que son organisme se repose. Hors, il souffrait d’un manque visible de sommeil. Quelque chose clochait…

Je ... Je ne vais ... pas ... très bien Dick. Je ... me suis ...

Le ton de Tim était faible, sa voix, blanche. C’était presque un murmure. Dick posa une main sur le front de son ami. Il était fiévreux.

« Ne bouge pas, Tim. Cça va aller, je suis là. »

Mais Red Hawk ne l’écoutait pas. Il continua à parler. Sa voix trahissait son émotion et Dick sentait qu’il se livrait tout entier. Il avait besoin d’être écouté. Il avait besoin de se confier à lui.

Je ... me suis battu avec une criminelle.... J'ai été beaucoup ... trop ...

Tim tournait de l’œil. Il était en train de tourner de l’œil, là, sous les yeux impuissants de Dick qui, voyant l’état de son ami ne put que le prendre à bras le corps pour éviter qu’il ne s’effondre. Bon sang, mais que se passait-il ?

« Tim ! Tim ! »

Mais déjà, Tim ne l’entendait plus. Il murmura quelque chose, un mot : « violent », avant de sombrer dans l’inconscience. Immédiatement, Dick l’allongea sur son lit et se rua dans le couloir pour appeler l’homme de la situation.

« Alfred ! Venez vite, Tim ne va pas bien ! »

Le majordome fut à l’étage en moins de deux, une trousse de pharmacie dans la main. Il ausculta Tim à l’aide d’un stéthoscope, puis prit sa tension. Il fit la moue en voyant le résultat de cet examen.

« Comment va-t-il, Alfred ? »

« Maître Tim n’a pas dormi depuis plusieurs jours. Son organisme est tout simplement à bout. Il doit se reposer. Je vais lui donner quelque chose qui fera baisser sa fièvre. »

Dick acquiesça aux paroles du majordome, qui fit une injection dans le bras de Tim. Puis il se tourna vers Dick.

« Dois-je prévenir maître Bruce ? »

« Non. Je vais rester auprès de lui jusqu’à ce qu’il se réveille. »

Alfred quitta la pièce et ce fut le début d’une longue attente pour le boy Wonder. La nuit défila, puis la moitié d’une journée, avant qu’enfin, Tim n’ouvre les yeux. Dick se pencha immédiatement sur lui.

« Tim. Tout va bien, je suis là. »

Tandis que Tim se mettait sur son séant, Dick s’assit sur le rebord du lit, prêt à l’écouter.

Un objet est envoyé dans les airs, un léger sifflement se faisant entendre juste derrière les deux jeunes hommes.

"Richard."

Je parle deux secondes après avoir lancé la petite bouteille d'eau vers mon premier fils. Je suis sur le pas de la porte, à quelques mètres des deux combattants que j'ai aidés à former et à faire grandir. Je refuse d'avancer plus.

"Qu'il boive lentement. Soutiens sa nuque. Vérifie ses pupilles."

Je sens la présence d'Alfred avant d'entendre ses pas. Mon fidèle ami se tient à un mètre de moi, tenant un plateau comprenant une autre bouteille, des barres chocolatées et un sandwich jambon/fromage - les éléments essentiels pour retrouver la forme et remettre à plat tous ses besoins nutritifs.

"Au cas où vous iriez trop vite en besogne, Alfred ne m'a pas prévenu : même si je vis au Bat-Bunker, ce Manoir est celui de mon enfance... je connais ceux qui y vivent et qui le visitent. Et il est hors de question que je laisse un de mes fils dans cet état quand il a l'intelligence de revenir enfin chez lui."

Je sais très bien que mes rapports avec eux sont compliqués. Richard ne supporte pas mes manières avec son amie psychiatre, Timothy a accepté de se sacrifier dans une mission d'infiltration mais je sais très bien qu'il s'enfonce dans des voies que je ne peux cautionner.
Par mes actions, je les ai malheureusement poussés à me tourner le dos - et je le savais. Je voulais qu'ils se développent, qu'ils grandissent encore et qu'ils trouvent en l'autre un allié et un appui pour s'en sortir. Je suis heureux que Tim soit venu voir Dick, mais je ne peux pas les laisser dans ce moment-là.

"Il est temps de discuter. Tous ensemble. Et de mettre les choses à plat."

Cela suffit, définitivement. Je me suis aliéné trop d'amis, trop de proches.
Il est temps que je fasse un vrai effort, et que je m'ouvre encore.
Il est temps que je sois un vrai père pour eux.

Tim venait de se réveiller en hurlant. Apparemment, le jeune homme avait fait d’affreux cauchemars durant son long sommeil et ils le poursuivaient encore maintenant, alors qu’il était bel et bien réveillé. Dick ne connaissait que trop bien ce genre de rêves. Après qu’il soit sorti du coma, le justicier avait passé des nuits atroces, peuplées de cauchemars plus horribles les uns que les autres, dominés par la mort et les regrets. Il avait laissé mourir cinq enfants des mains d’un monstre psychopathe, et il ne se le pardonnerait jamais. Chaque nuit, pendant des mois, son inconscient lui rappelait les terribles moments qu’il avait vécu : la découverte macabre des enfants assassinés, la surprise des coups de feu, la douleur des balles pénétrant la chair de son dos, un rire atroce s’élevant dans l’air… l’angoisse l’avait tenu haleine pendant des mois, oui. Mais aujourd’hui, Dick allait mieux. Grâce à Wendy, une psychiatre anglaise avec qui il s’était lié d’amitié, avant que leurs rapports deviennent plus étroits encore, le jeune homme avait réussi à éloigner le spectre du Saint Samaritain et les fantômes de ses échecs passés. Grâce à elle, il avait repris le goût de vivre.

Aussi, Dick comprenait très bien ce que vivait Tim, et ce n’était pas pour le rassurer. Alors que ce dernier relevait péniblement la tête pour demander de l’eau, Dick sentit une présence derrière lui. Il se retourna et découvrit Bruce dans l’encadrement de la porte, une bouteille d’eau dans les mains. Il la lui lança après l’avoir interpellé, et Dick l’attrapa à la volée. Alfred ne tarda pas à débarquer tandis que les deux hommes s’observaient sans mots dire. Il portait un plat où se trouvaient des barres chocolatées et un sandwich. Le majordome le déposa sur le bord du lit et Dick suivit les conseils que venaient de prononcer son mentor, plus par automatisme qu’autre chose.

« Tout est normal, Bruce. Il est juste épuisé. »

Dick était encore sur la défensive et son ton trahissait un certain mécontentement de voir débarquer Batman. Si Tim avait décidé d’aller le voir lui plutôt que Bruce, c’était pour une bonne raison. Les relations entre Tim et Bruce étaient compliquées, peut-être même plus que celles qu’entretenaient Bruce avec Dick. Red Hawk avait claqué la porte du manoir Wayne après que Batman ait été convaincu d’être à l’origine de la mort de Quincy Sharp. Depuis, il officiait au sein des justiciers d’état, corps de justiciers au service du maire Maximilian Schreck. Si officieusement il était un infiltré au sein de cette organisation, cela ne voulait pas dire que tout allait bien entre les deux hommes.

Quand Bruce s’expliqua quant à sa présence ici, puis qu’il invita les personnes présentes à discuter, Dick se tourna vers lui.

« Bruce, je ne sais pas si c’est vraiment le moment pour une discussion. »

Le message était clair. Si Tim voulait rester seul avec Dick, Bruce devrait s’en aller. Dick attendit alors la réaction de Tim, savoir s’il souhaitait parler de ses problèmes en présence du Batman.

Les souvenirs de ma dernière entrevue avec Talia me reviennent en mémoire. Elle m'avait promis vengeance et haine, et avait visé directement mes proches. A l'époque, j'avais songé à Rachel et à la petite à naître, mais maintenant, en entendant les révélations de Timothy, je comprends mieux.
Talia m'a frappé au coeur ; mais pas là où je le pensais.

"Timothy a besoin de repos - tant physique que spirituel. Timothy a besoin de se retrouver avec ses proches... sa famille. Il l'a, désormais."

Mon regard est fixé sur Richard, évidemment. Il m'en veut encore et refuse mon implication dans cette entrevue, et je le comprends. Il pense que cela ne concerne que les deux frères, quand je sais réellement que cela vise toute la famille. Ce n'est pas seulement le retour de l'amitié et de la confiance entre eux, c'est le retour de Timothy chez lui et son besoin d'être pardonné. Je ne peux pas partir, pas maintenant.

"Timothy... ta mission s'achève maintenant. Red Hawk n'est plus, tu retrouves pleinement ta place ici. Tu retrouves ta véritable place."

D'une poche intérieure de ma veste, j'arrache et jette vers mon fils un vêtement qu'il connaît bien - la chemise de son premier costume de Robin.
En vérité, je l'avais amené ici car je désirais, avant sa révélation, qu'il arrête tout, et j'espérais l'amener à la raison en exhibant ce souvenir commun que je sais cher à son coeur. Je n'en ai pas eu besoin, mais j'aurais préféré qu'il en soit autrement.

"Pour le reste..."

Mon regard a quitté Richard pour fixer son frère de coeur, si pas de sang. Les mots se bloquent dans ma gorge, mon esprit se fixant essentiellement sur les souvenirs de mon entrevue avec Talia et les images que je développe dans mon crâne après les aveux de Red Robin.

"Nous jugerons par la suite. Timothy a vécu des moments terribles, mais rien n'est absolu : je gérerai Sélina, nous retrouverons Dark Hawk, et Talia..."

Un éclair de haine passe dans mes yeux, et je le retiens. Elle a menacé ma femme et ma fille à naître. Elle a menacé ma famille. Et elle a corrompu un de mes fils, ravageant son esprit et les bases mêmes de sa personnalité. Cela ne restera pas impayé.

"Talia payera. Pour tout."

Les révélations de Tim clouèrent Dick sur place. Ainsi c’était Talia Al Ghul qui était derrière toute cette histoire, la source du malaise et du pervertissement de Tim… La fille de Ra’s Al Ghul, son héritière autoproclamée à la tête de la ligue des assassins, cette dangereuse secte d’éco-guerriers souhaitant remodeler le monde selon leurs idéaux de pureté. Elle était accessoirement l’une des rares femmes que Bruce ait jamais aimé, et ça, ça comptait beaucoup au yeux du boy Wonder. Il savait à quel point l’information que venait de leur livrer Tim ferait du mal à Bruce. Talia et lui avaient vécu une histoire d’amour passionnée, quelque chose de fort, d’indescriptible. Bruce lui avait donné sa confiance. Une erreur. Une grave erreur. Car Talia restait la fille d’un des pires ennemis de Batman et cet amour qu’il avait ressentie pour elle, elle avait pris un malin plaisir à le retourner contre lui. Sa vengeance prenait forme sous leurs yeux : Tim en avait été la victime. Il avait été manipulé, et ce constat était aussi amer pour lui que pour Dick. Celui-ci savait que Tim était le membre de la bat-family le plus raisonnable et le plus intègre. Le voir basculer dans la violence n’était vraiment pas une chose rassurante.

La réaction de Bruce à l’énoncée des paroles de Red Hawk ne se fit pas attendre. S’il resta plutôt stoïque, ses paroles, elles, révélaient une certaine douceur et une réelle attention à l’égard de ses deux protégés. Tim avait besoin de repos, oui. Il en avait beaucoup bavé, avait dépassé les limites et tabassé des criminels. Dick ne pouvait pas lui jeter la pierre tant lui-même avait été tenté de le faire. Depuis qu’il était sorti du coma, Dick n’avait eu que le Saint Samaritain en tête. Il voulait le retrouver. Il voulait lui faire payer ses crimes. Il voulait le… tuer. Mais grâce à Wendy, Dick avait calmé ses pulsions meurtrières et une discussion précédente avec Bruce l’avait rassuré à ce sujet : Le Saint Samaritain ne ferait plus de mal à personne. Aussi, Dick pouvait reprendre une vie normale, bien qu’il se sente encore fragile psychologiquement. Il faudrait un certain temps avant qu’il récupère totalement du drame terrible qu’il avait vécu mais avec de la patience et Wendy à ses côtés, il pourrait y arriver. Même s’il doutait de ses sentiments pour elle - et il s’en voulait beaucoup pour ça -, il avait besoin d’elle. Ce n’était pas très noble de sa part, il avait parfois l’impression de l’utiliser, mais il ne pouvait pas se voiler la face : elle n’était pas Barbara. Mais ils étaient heureux pour l’instant et Dick ne comptait pas tout gâcher.

« Si tu as besoin de parler de toute cette histoire, Tim, je serai là, à l’écoute. N’hésite pas. Je suis là pour ça. »

Je me tournai vers Bruce.

« On est là pour ça. C’est à ça que sert une famille, pas vrai ? »

Enfin, Bruce termina en disant qu’il réglerait le problème Talia Al Ghul… Dick ne préférait pas songer à ce qu’il lui réserverait. Mais si elle menaçait sa famille - Bruce, Tim, Alfred -, il prêterait volontiers main forte à Batman.

"Timothy... tu n'as pas à demander à redevenir Robin."

Je fais un pas de plus en avant. L'instant est fort, indéniablement. Et même si la décision de mon fils fait tomber les plans que nous avions construits ensemble vis-à-vis des Justiciers d'Etat, je suis soulagé. Le voir souffrir, de loin, m'était devenu insupportable.

"Pour Alfred, pour Richard... pour moi, tu n'as jamais cessé d'être Robin."

J'esquisse une ombre de sourire en posant une main sur l'épaule de Richard, et en tendant l'autre à son frère.

"Nous faisons tous des erreurs. Pendant trop longtemps, je me suis considéré au-dessus de la faiblesse humaine alors que, par bien des aspects, je suis un des plus dignes représentants de l'Humanité, dans ses plus grands défauts et ses plus fortes déceptions. Et j'exigeais la même chose chez mes proches, car je considérais qu'ils ne pouvaient faillir dans notre mission. J'avais tort."

Ma voix est calme, douce. Pour la première fois depuis longtemps, je dis ce que je pense à mes élèves - mes fils. C'est agréable.

"Nous commettons des erreurs : toi, Richard, Alfred, Lucius... moi. Ca ne nous rend pas plus faibles. La seule chose qui nous rend plus faibles, c'est de refuser notre part d'Humanité qui nous enfonce - qui nous rend faibles."

Mon ton s'endurcit, mon regard devient plus sévère. A un autre moment, tout ceci aurait été calculé, préparé - manipulé. Mais pas maintenant.
Tout ceci est pensé et ressenti. Et, encore une fois, agréable.

"J'en ai assez d'être faible. J'en ai assez de me laisser dicter par de mauvais choix. J'en ai assez de voir mes proches souffrir. Il est temps de nous accepter tels que nous sommes, et de relever la tête. Pas seulement Robin, Nightwing et Batman. Mais Timothy, Richard et Bruce."

Un léger sourire apparaît sur mon visage - différent des précédents. Plus tendancieux, plus fort, plus... prédateur.

"Et je plains sincèrement les pauvres fous qui oseront et ont osé s'en prendre à nous."

Evidemment, ces quelques mots sont faits pour jouer sur leur ego, leur besoin de vengeance et leur fierté - mais pas que. Ils sont pensés, également.
Si j'avais de l'humour, j'aurais annoncé le retour du Dynamique Trio. Mais je n'ai pas d'humour. Malheureusement pour nos ennemis.

(HJ/ Je me suis un peu "lâché" sur les émotions dans ce post, je ne sais pas encore si ça rend bien mais si c'est "trop", n'hésitez pas à me le dire. Je ne suis pas habitué à gérer cet aspect avec Batman, car je n'ai jamais pu jouer longtemps avec des Nightwing ou Robin. Merci de me le permettre, et d'incarner aussi bien vos personnages ! /HJ)

[très bon post, Bruce ]

La surprise se peignit sur le visage de Dick lorsque Tim exprima à Bruce son désir de redevenir Robin, à savoir reprendre le costume rouge si caractéristique et redevenir le partenaire de Batman. Ça, c’était du scoop ! Tim ne s’était pas concerté avec lui ou bien Alfred avant de prendre sa décision, et il l’envoyait de but en blanc à Batman, dans l’espoir qu’il réponde favorablement à sa demande. Le jeune homme avait besoin d’un encadrement, et qui mieux que son ancien mentor pouvait le lui apporter ? Il avait peur de craquer, de devenir violent, de perdre le pédale. Avec un garde-fou comme Batman à ses côtés, les risques qu’il fasse de nouveau du mal à quelqu’un étaient limités. Il pourrait apprendre à contrôler ses pulsions, à ne pas commettre des erreurs qui pourraient lui être fatales. Du côté de Bruce, il y avait aussi des avantages à la renaissance du Dynamic duo. Il pourrait compter sur un allié permanent, intelligent et extrêmement bien entraîné. De plus, Tim pouvait lui apporter une stabilité dont il semblait manquer, Tim pouvait être le garant de la santé mentale de Batman, l’empêcher de franchir la ligne rouge à nouveau. Pour Dick, c’était positif. Mais évidemment, ce n’était à lui de prendre la décision qui s’imposait. Il n’avait aucun droit là-dessus.

Aussi fut-il soulagé quand Bruce accepta la demande de son acolyte. Tim redevenait Robin, rôle qu’il n’aurait jamais du quitter. Quelle émotion se lisait sur le visage d’un Bruce presque… rayonnant ! Le milliardaire avait définitivement abandonné son masque de froideur et regardait ses fils adoptifs comme si il ne les avait pas vu depuis longtemps. On avait l’impression qu’il redécouvrait ses amis, et ça avait l’air de lui faire du bien. Et le discours qui suivit la décision de réintégrer Tim laissait croire que Bruce semblait vouloir se « lâcher » et parler « vrai » à ses amis. Il reconnut ses erreurs, expliquant qu’il avait longtemps été vaniteux de croire qu’il valait mieux que la plupart des gens qu’il côtoyait ou qu’il affrontait. Il s’était pensé au dessus de la faiblesse des hommes alors qu’il avait lui-même succombé plusieurs fois à la violence, et donc à la faiblesse. Voir Bruce se comporter ainsi avait de quoi estomaquer le jeune Grayson. C’est bien simple : il n’avait jamais vu son mentor parler ainsi. Ou tout du moins ça remontait à très longtemps. Son attitude coïncidait avec sa future paternité, et ça n’était une coïncidence. Bruce avait envie de renouer avec sa famille alors qu’elle était sur le point de s’agrandir.

Sans s’en rendre compte, Dick s’était mis à sourire aux propos de son mentor. Il l’écoutait et se sentait rassuré, confiant en l’avenir, confiant en sa famille. Bruce croyait en ses fils. Il croyait en eux comme seul un père peut le faire. Lui qui avait été si froid et si distant redevenait leur père, leur modèle, leur mentor. Il redevenait le chef de la famille, leur leader. Et il allait les mener au combat… bientôt.

« Je n’attendais pas ça de toi, Bruce. » murmura Dick en regardant son ami droit dans les yeux.

« Merci de ta confiance. »

"Demain. Voire après-demain."

Mon ton est toujours calme et sympathique, mais mes paupières se sont rétrécies quelques secondes quand mon sens de l'observation m'a apporté des données... étonnantes.
Timothy a été formé comme moi, Richard et Jason à l'art du déguisement et du spectacle, et il sait comment se comporter pour cacher ses sentiments et monter un personnage totalement différent du sien. Cependant, il est maintenant usé, fatigué et vidé, et son trouble est évident. Comme l'étreinte tout sauf amicale et fraternelle qu'il vient d'offrir à Richard.

Je sais ce que vient de vivre mon fils, je me doute dans quel état tant physique que psychologique il se trouve et j'imagine quelles raisons peuvent dicter une telle réaction. En vérité, je ne me suis jamais intéressé à l'identité sexuelle de mes proches, du moment qu'ils agissaient dans le respect de l'autre et de valeurs simples mais indispensables.
L'étreinte que Timothy vient d'offrir me semble plus proche d'un contact avec un homme qui l'attire qu'avec un homme qu'il considère comme son frère. Et si, en soi, cela ne me dérangerait guère, je sais très bien que Robin n'est pas homosexuel : ses multiples expériences avec Stephanie, Cassandra et récemment Etincelle me prouvent le contraire. Un homme peut se cacher longuement sa nature, mais à ce point ? J'en doute sincèrement.

Timothy doit être troublé, ravagé par ces chocs.
Je pose une main rassurante et ferme sur l'épaule de Richard, en le poussant légèrement en arrière pour que l'étreinte s'arrête naturellement et qu'aucun n'ait à se sentir coupable ou agressé. J'esquisse un sourire sympathique envers Robin, reprenant une voix douce pour accompagner mes gestes.

"Tu dois te reposer. Tu vas dormir ici ce soir, et Richard ira se reposer dans ton lit ou dans une autre chambre du Manoir. Nous te laissons, maintenant. Dors, reprends tes forces et discutons demain."

Après un signe de tête vers Timothy, je fais signe à Richard de me suivre à l'extérieur. Sortant de la pièce, encourageant mon premier élève à fermer la porte derrière lui, faisant quelques pas sur la moquette de l'étage, je laisse volontairement plusieurs mètres entre nous et la chambre où se repose Robin pour entamer une nouvelle conversation, à voix beaucoup plus basse.

"Que dis-tu de tout ça ?"

(HJ/ Je t'exclue, Tim, car je pense que nous ne pouvions pas plus avancer tous les trois. Je propose que Dick me réponde, que je relance et qu'il conclue pour après nous occuper d'un sujet à deux ou trois après cette histoire précise. /HJ)

La réaction de Tim à l’égard de Dick surprit beaucoup ce dernier. Très perturbé ces derniers temps par des évènements épuisants et stressants, le jeune homme s’abandonnait dans les bras de celui qu’il considérait comme son grand-frère. Son accolade n’avait plus rien de fraternel et Dick préféra mettre ça sur le compte de l’émotion et de la fatigue. Il n’aimait pas se savoir, tout d’un coup, l’objet des attentions de son ami et s’écarta doucement de lui, tandis que Bruce lui posait une main amicale sur l’épaule pour l’inviter à le suivre en dehors de la pièce. Le milliardaire avait décidé de laisser Tim se reposer un peu pour se remettre de ses émotions. Cela ne pourrait que lui faire du bien. Dick emboita le pas de son mentor en fronçant les sourcils, encore troublé par l’attitude de Robin. Il referma la porte derrière lui et s’éloigna d’elle de quelques pas. Bruce souhaitait lui parler en privé. Depuis que les deux hommes s’étaient quelque peu confrontés il y avait quelques jours, depuis que la situation et les conflits latents entre eux s’étaient aplanis, depuis que Bruce s’était enfin montré plus humain que la chauve-souris, ils étaient redevenus plus proches. Dick avait l’impression d’avoir réintégrer la famille et ça lui faisait du bien. En plus du soutien que lui apportait Wendy, Dick avait besoin de sentir son père adoptif le soutenir et communiquer avec lui. C’était indispensable pour qu’il se sente de nouveau bien dans sa vie et à Gotham. Il avait besoin de savoir que Bruce veillait sur lui, en quelque sorte.

"Que dis-tu de tout ça ?"

La question, posée à voix basse, invitait à la réflexion. Visiblement, Tim avait été complètement retourné par sa rencontre avec Talia. Il n’allait pas bien, c’était une certitude, il semblait même complètement paumé. Dick avait beau connaître son ami, son abattement, sa terreur et sa colère contre lui-même, ne lui ressemblaient pas. C’étaient des choses qu’il n’avait jamais pensé voir chez Tim. Obnubilé par ses propres soucis, Dick n’avait pas vu ce de Robin, de son petit frère. Il s’en voulait d’avoir été ainsi égoïste.

« Je ne sais pas ce que lui a fait Talia, mais à le voir dans un tel état, ça ne me rassure pas du tout. Elle lui a complètement retourné le cerveau. Tim dans la ligue des Assassins… c’est du délire. Si elle a pu atteindre Tim comme elle l’a fait, en plein cœur, ça montre à quelle point elle est… dangereuse. Que comptes-tu faire pour la stopper ? »

C’était une question piège. En sachant la relation que Bruce avait entretenu avec la fille de Ra’s Al Ghul, la passion qui avait animé et uni ces deux êtres, il serait difficile d’obtenir une réponse tout à fait sincère de Batman. Qu’il le veuille ou non, Talia avait fait partie de sa vie et il l’avait aimé. Plus que tout. Mais bien sûr, sa mission primait avant le reste et il s’était éloignée de la tueuse, la rejetant dans les abysses d’où elle venait. Mais là voilà revenue, et Dick ne savait vraiment pas comment son mentor allait réagir face à ses attaques.

"La traquer. La trouver. La stopper."

Je détaille mon programme avec le rythme d'une mitraillette. Faisant les cent pas dans le couloir de l'étage, tournant autour de Richard et des tables disposées avec soin par Alfred, je garde les yeux dans le vague en réfléchissant aux différentes pistes s'ouvrant de moi - et aux solutions à adopter pour enterrer définitivement Talia Al Ghul.

"Elle est venue il y a quelques semaines au Bat-Bunker, espérant renouer nos liens et s'emportant grandement quand j'ai refusé. Elle a menacé mes proches. J'ai pensé qu'elle évoquait Rachel, mais... je n'ai pas imaginé qu'elle puisse s'en prendre à Timothy. Et qu'il soit abattu par ses méthodes."

Une autre erreur, aux conséquences terribles. Ma culpabilité m'agresse à nouveau, essayant de me prendre à la gorge en convoquant les souvenirs de Jason et de mes autres proches qui ont subi les affres de ma double identité.
Mes poings se serrent par réflexe, je pousse un long soupir. Elle doit payer.

"Je vais utiliser mes sources pour remonter la trace des activités de Timothy ces derniers temps. J'aurais besoin que tu fasses un travail de fond sur l'ordinateur central pour me faire gagner du temps et découvrir toutes les activités informatiques, comme des achats, la présence sur des vidéo-surveillances, de Timothy. Ensuite, je découvrirai le repaire de Talia, et..."

Ma marche s'arrête, mes yeux se posent finalement sur le visage de mon premier élève. Je le sais troublé, je le sais fatigué, mais je le sais surtout animé de la même rage que la mienne. Cela ne peut rester impuni.

"Et nous nous occuperons d'elle. En famille."

Je sais que le lien filial et fraternel est très important pour Richard, même si je n'en ai pas toujours eu conscience et si j'ai pu le blesser en ne répondant pas à ses attentes. Maintenant que nos rapports se sont améliorés, je me refuse de le blesser à nouveau en l'écartant de cette quête pour châtier Talia Al Ghul.

"Je... veux ton aide pour la faire tomber et annihiler toute menace qu'elle pourrait créer contre nous. Je ne supporte plus les dangers que font courir les Al Ghul sur nous, et j'en ai assez de reporter la fermeture de ce dossier. Il n'est que temps de passer à autre chose."

Ma vie personnelle a déjà oublié Talia Al Ghul, le reste de mon existence se doit également de la supprimer définitivement.

"Lance les premières analyses dans l'ordinateur quand tu le pourras... mais le plus vite possible est le mieux. Nous mènerons cette campagne en famille, Richard, car l'un des nôtres a été touché dans sa chair et son esprit. Et nous la châtierons en famille."

Je fais un signe de tête entendu à Richard avant de poser, à nouveau, une main rassurante et paternelle sur son épaule. Je le fixe pendant quelques secondes, avant d'esquisser un maigre sourire et de me détourner pour descendre les escaliers et disparaître dans le Manoir. Les au revoir n'ont jamais été une réussite pour moi, et je préfère les éviter.

(HJ/ Merci pour ce sujet, messieurs. /HJ)