Qu'est-ce qu'ils me voulaient encore ? Comme si je n'avais pas assez à faire avec ma nouvelle équipe.

Un expert en étude du comportement taillé en allumette. Ce n'était pas avec ce jeunot qu'on allait arrêter des criminels. Sans oublier le consultant en relation publique.

C'était trop de demander des flics sachant tenir un flingue ! J'allais devoir faire un sacré ménage.

Enfin lorsque que cette connerie serait réglé.

Je me dirigeais alors vers le responsable de l'accueil.

"Bonjour lieutenant. Félicitation pour votre nomina.." Commença-t-il à dire.

"Ouais c'est çà." Coupais-je en tendant le papelard. "Vérifie moi plutôt ce truc."

Mon  confrère tapota sur son clavier, puis expliqua :
"Tout est en ordre. Cette convocation est viable."

"Viable ! Attends on me réclame en salle d’interrogatoire ! Je ne suis pas un putain de criminel !"

"C'est ce qui est indiqué." Répliqua l'autre en pointant son écran.

Je n'avais rien à attendre de plus de ce planqué.

"Du temps de Gordon, c'était autre chose !" M'exclamais-je avant de partir.

Même les bleus s'écartèrent de mon chemin. Mon état d'esprit était suffisamment clair.

Ces foutus escaliers m’essoufflèrent un peu et en rajoutèrent à ma mauvaise humeur.

A ces foutues salles d’interrogatoires. Aucun de mes meilleurs tuyaux n'en étaient sortis.

C'est dans la rue qu'on résout les affaires.

Bien décidé à monter mes crocs, j'entrais sans même frapper (pour le moment).

"Me voilà." Annonçais-je.

Mary déplaça la pile de dossiers jaunes sur un coin du bureau et s'empara des serviettes noires beaucoup plus fournies qui la guettaient jusque là dans les sous-scellés. Chacun d'autre eux étaient verouillés du sceau de leur dernier lecteur. Seule dans la salle d'interrogatoire, la caméra à priori éteinte, elle s'autorisa un soupir et brisa le sceau du premier dossier de la pile. Le GCPD avait bien sûr une grande partie de ses secrets et de ses données personnelles disponibles sur l'Environnement Numérique de Travail mais Mary ne faisait pas confiance à l'Internet pour ces choses là et préférait les pages manuscrites, dont la création avait été un labeur, ce qui impliquait la volonté d'y inclure de la vérité, afin de ne pas gaspiller de l'encre pour rien.

Ces dossiers noirs, plus volumineux et mieux gardé que les autres, s'intéressaient aux hautes sphère de l'administration municipale et des gardiens de l'ordre. Après deux semaines passées à interroger des inspecteurs, des quasi-stagiaires et autres recrues sans titres, elle allait enfin passer aux hommes importants, autant que les Toreno et autres Andrew Blake qu'elle avait traité au début de la Grande Enquête Anti Corruption. Le tout premier concernait Harvey Bullock, le responsable de la brigade criminelle, homme pour le moins controversé au sein de l'organisation judiciaire.

Homme pour le moins intéressant pour une psychologue et interrogatrice. Connu pour être irritable, Bullock ne tarderait pas à entrer dans la salle d'interrogatoire comme une tempête et Mary prépara son parapluie : un sourire et une position assise qui donnait d'elle l'impression d'une collègue décontractée plus qu'une psychologue mandatée pour juger les membres de la police. Comme prévu, Bullock entra, enveloppé dans sa fierté bourrue légendaire et salua par deux mots très explicites sur son idée de la Grande Enquête. La missionnaire de Talia ne se laissa pas décourager et invita le policier à s'asseoir devant elle, en relisant rapidement les lignes les plus importantes de son dossier.

Avant de plonger son regard dans celui de l'inspecteur :

- Monsieur Bullock... J'irais à l'essentiel. Pourquoi êtes vous entré dans la police ? Quelles sont vos buts en tant qu'agent de l'ordre ?

La bêcheuse me faisant face me déplut instantanément. Qu'est-ce que c'était que ces questions hypocrites sur mes motivations ?

Je préférais les rats habituels de l'inspection interne. Eux au moins ils se foutaient pas de moi. Ils allaient droits au but en me traitant de ripoux et me balançant leurs accusations foireuses.

Enfin j'avais promis à Gordon de me calmer un peu. Et le vieux n'avait pas tort au fond. Au point où j'étais parvenus, il serait stupide de tout gâcher sur une impulsion.

En plus mon statut de chef me rendait plus difficile à emmerder.

Je m'assis à contrecœur, et la laissais fouiller dans ses papelards avant de répondre :

"Je suis devenu flic pour protéger et servir. Et mes buts sont de protéger et servir."

Quoi ! Je faisais un effort par rapport à d'habitude. Et puis c'était de la légitime défense. Elle se foutait de moi, j'en faisais de même. A la différence que j'étais bien plus direct.

En attendant sa réponse je me rendis compte d'un truc. Déjà il y avait cette pile de dossiers. Même moi je ne pouvais pas rassembler autant de documents.

Et puis cette femme ne ressemblait pas tellement à une membre de la police des polices.

Elle ne donnait pas assez dans le dominant. Bref il se passait quelque chose d'important.

Ça ne sentait pas bon.

Ces salauds de la mairie allaient-ils profiter du départ de Gordon pour bousiller son œuvre et moi au passage ?

Quand je pensais aux tarés dans nos rues. Et c'était nous pauvres flics qu'on venait faire chier.

Après on s'étonnait que Batman soit si populaire. Lui il n'avait pas les mains attachées derrière le dos par des putains de bureaucrates !

Sous la tempête, Mary ne se laissa pas déstabiliser et répondit à Bullock d'un sourire lucide qui laissait entendre qu'elle avait compris et intégré ses sous-entendus, mais qu'elle ne comptait pas répondre à la provocation, ni dévier le moins du monde de son but. Elle ne savait que penser, perdue entre deux options. Soit Bullock pensait qu'il était au dessus des autres, au fait de son expérience et de ses faits d'armes, et que les questions et l'enquête anti-corruption étaient donc de attaques personelles, soit il n'était pas d'accord avec le système global au départ. Pourtant, c'était la seule façon que la Mairie avait trouvé pour se débarasser du chancre de Gotham, et Dieu savait que Bullock était toujours un des premiers à se plaindre de la corruption dans les rangs des forces de l'ordre. Inutile de l'attaquer là dessus, son dossier semblait dire que lorsqu'il avait pris une voie, il était inutile d'essayer de l'en éloigner.

Elle préféra tenter de creuser un peu plus les intentions du policier et garda le regard dirigé vers ce dernier, ses yeux bouillonants de colère et sa mine comparable à un enfant piqué dans sa fierté. Bullock avait vu beaucoup de choses dans sa carrière, perdu beaucoup d'hommes et était probablement devenu très méfiant. Elle ne manqua pas de l'inscrire dans son carnet, à côté de "conflit avec l'autorité".

- Nous tentons d'aiguiser le GCPD, monsieur Bullock. Pour cela, nous devons nous assurer que tout le monde, y compris vous, se dédient à la loi. C'est le prix pour une agence comme vous et nous en avons toujours rêvés, sans corruption et sans entraves à l'expression de la justice et de la paix à Gotham. La perte du commissaire Gordon est dèjà une assez mauvaise nouvelle, le pire serait d'être infiltrés, gangrenés de l'intérieur.

Vous avez quelque chose à déclarer, à ce sujet, monsieur Bullock ?

La garce ! Alors qu'elle notait, je ne sais quelle saloperie sur mon compte, elle me tenait en même temps un joli discourt bien politiquement correct.

Seul le passage sur Gordon me plut, même si ce ne devait pas être très sincère.

Toutefois elle osa aborder clairement le sujet de la corruption. J'en étais presque surpris.

Je ne devais pas non plus m'attendrir. Il ne fallait pas se laisser piéger. Peut-être était-ce une ruse quelconque.

Comprenant que cet entretien ne se réglerait pas avec un simple claquage de porte, je m'assis et ôtais mon chapeau.

"Ce n'est pas dans mes fonctions." Répliquais-je un peu plus calme. "Je suis pas de la brigade interne. Quant à mon intégrité vous avez déjà du lire et relire mes états de service. Je connais les gens comme vous. Vous adorez la paperasse."

Je la fixais les bras croisés dans l'attente de sa nouvelle carte. C'était un peu comme un interrogatoire, sauf que les rôles étaient beaucoup plus flou et l'usage d'une bonne beigne proscrit. Dommage il n'y avait rien de mieux pour accélérer le mouvement.

C'était quand même dingue quand j'y repense. Moi et la pet-sec étions censés être dans le même camp.

Je crois que même le joker n'aurait pas imaginé une farce aussi stupide que cette situation.

Bullock était intouchable. Il évitait les questions avec une sorte d'agilité grincheuse, une intelligence dans sa méchanceté qui rendait toutes les demandes de Marie glissantes. Elles le touchaient à peine avant de s'évanouir dans les coins ombragés de la salle d'interrogatoire. Aucun doute, Bullock en était le maître et elle n'arriverait pas à l'en déloger le moins du monde. Il était temps d'abandonner.

- Très bien, monsieur Bullock. Très bien. Vous pouvez.. disposer. Bonne chance pour conduire le GCPD. Je vous conseille de rencontrer le commissaire pour.. Enfin... faites ce que vous voulez, j'imagine

Elle tapota les feuilles sur le bureau pour homogéniser leur position et les rangea dans un dossier jaune qu'elle coula dans son sac à main, avant d'aller éteindre les lumières. La journée avait été difficile...

- Aurevoir.

Enfin elle me foutait la paix.

Et bien elle avait mit le temps à comprendre ! Heureusement que ce n'était pas une vraie flic avec une intuition pareille.

"Vous imaginez bien." Répliquais-je à son affirmation.

N'empêche qu'elle n'avait pas tort. Tôt ou tard j'aurais à faire au nouveau commissaire. Autant régler cela au plus vite.

Je me levais et soulevais légèrement mon chapeau en signe d'au revoir.

"A la prochaine." Ajoutais-je cynique.

Je croyais bien dire. Car ce type d'emmerdeur ne vous lâches pas facilement.