Il se tenait là, face à cet imposant édifice. Inspiré par le style gothique de l’ancienne époque, le complexe scientifique de Daggett Industries fut bâti près du port de Gotham pour faciliter l’exportation des spécialités pharmaceutiques que le laboratoire produisait. Achilles avait rendez-vous avec Roland Daggett à 9h30, au sommet de la tour. Il n’avait plus eu de nouvelle depuis qu’un agent du directeur était venu lui proposer une place de chercheur. C’est donc un peu méfiant qu’il entra dans Daggett Industries. Un sol tapissé de marbre blanc l’accueillit, entouré par quelques plantes d’intérieurs biens entretenues. On pourrait presque oublier que le crime règnait à l’extérieur de ces murs.

« Daggett Industries vous souhaite la bienvenue, que puis-je faire pour vous ? »

Une jeune hôtesse d’accueil se tenait derrière un comptoir en ébène, toute habillée de blanc. Elle affichait son plus beau sourire vers Achilles.

« J’ai rendez-vous avec Monsieur Daggett »

Elle tapota rapidement quelque chose sur son clavier, puis releva ses yeux emplit d’un bonheur à peine exagéré, pour dire d’une voix stridente.

« Oooh oui, Monsieur le Directeur vous attends. Vous pouvez le rejoindre en empruntant l’ascenseur au sommet des escaliers. Vous n’aurez qu’à aller au dernier étage. »

Sans accordé un regard de plus à cette greluche, Achilles suivit le chemin indiqué. Dans l’ascenseur, un air de musique classique était diffusé. Il reconnut le Printemps de Vivaldi… Il détestait ce compositeur. Le temps de l’ascension, Achilles réfléchit sur cette offre inopinée. Une possibilité de travaillé avec du matériel de pointe, sans contrainte éthique, c’était trop beau. Ce Roland Daggett ne devait surement pas savoir le genre d’expérience que menait Achilles. Arrivé au sommet, une secrétaire l’accueillit.

« Bonjour Professeur Milo, Monsieur Daggett est prêt à vous recevoir. Je dois néanmoins m’assurer que tout ce qui se dira dans ce bureau restera strictement confidentiel. »

« Bien évidemment »

La secrétaire le guida vers une double porte en chêne qu’elle ouvrit. Un immense bureau se découvrit à lui, avec une splendide baie vitrée donnant sur la grandiose et ténébreuse Gotham. Au mur, se côtoyait des peintures de la renaissance et des portraits du dirigeant de l’entreprise. Assis dans un fauteuil en velours se tenait Roland Daggett, directeur de Daggetts Industries.

« Cher Professeur Milo, c’est un plaisir de vous rencontrer. Venez, asseyez-vous. Désirez-vous un verre de porto ? »

« Directeur Daggett » Il lui serra la main puis s'assis « avec plaisir ».

« N’en abusez cependant pas, nous sommes ici pour parler affaire *rire*. Vos démêlées avec l’université, puis votre petit attentat au laboratoire d’Insectar sont arrivés jusqu’à mes oreilles. Je suis attristé de voir qu’une personne aussi brillante que vous soit ainsi rejetée par la communauté scientifique. »

Il marqua une pause pour tremper ses lèvres dans le liquide ambré. Cet homme était parfaitement confiant dans ses paroles.

« Voyez-vous, Daggetts Industries est une entreprise pharmaceutique. Nous proposons donc à la population un moyen de se soigner, en échange d’argent. Cependant, vous l’aurez compris, pour que les gens viennent acheter nos produits, il faut qu’ils soient malades… Et c’est ici que vos compétences m’intéressent particulièrement. Dans ce bâtiment même, nous disposons d’un laboratoire de microbiologie et de biologie moléculaire. Malheureusement, mes employés actuels ne sont pas assez talentueux que pour me produire des petites grippes minables ou des gastro-entérites. Rien de suffisamment méchant pour permettre à Daggetts Industries de faire exploser ses ventes. J’ai besoin d’un homme de compétence, qui sache créer des entités destructrices. Il faut que la population se tourne vers moi pour la protéger.»

« Ce sera avec un grand plaisir que j’offrirais à Gotham ses pires épidémies, monsieur Daggett»

« Parfait, je suis sûr que nous allons bien nous entendre. ANDREA ! » la secrétaire entra dans le bureau. « Peux-tu faire visiter les laboratoires au Professeur Milo? »

« Bien, Monsieur Daggett. Professeur Milo, Suivez-moi »

Achilles termina rapidement son verre, puis se leva pour suivre Andréa. Elle sortit du bureau et se dirigea vers un couloir à droite du bureau. Ils se trouvèrent rapidement face à une porte métallique, protégé par un code numérique. Andréa entra le code, ce qui eut pour effet d’ouvrir la porte. Une grande passerelle se présenta à eux, entouré de plexiglass, et surplombant les laboratoires. C’était une sorte de grand couloir agrémenté de différentes salles au plafond transparent, qui permettait d’observer les scientifiques depuis la passerelle. Certaines disposaient de sas pour décontaminer le personnel.

« Comme vous pouvez le constater, nous disposons de tout le matériel dernier cri. Nous possédons également des échantillons de la plupart des virus, en passant de la grippe jusqu’au génome de l’Ebola. Monsieur Daggett préfère que vous ne touchiez pas encore à ce dernier. Le but est de rendre malade la population, pas de la tuer. Ils sont stockés dans une salle blindée protégé par un mécanisme d’incinération en cas d’attaque terroriste. Tous les accès vous seront donnés lorsque nous aurons signé les contrats. »

Après avoir parcouru du haut les laboratoires, ils descendirent à leur niveau. Andréa lui présenta les différents scientifiques qui travaillaient ici, ainsi que les machines. Elle lui fit également visiter la salle des tests, où ils disposaient de souris, rats, lapins, chiens, primates et humains. Elle précisa que ces derniers n’étaient que des clochards ou des petits criminels qu’Arkham leur fournissait. Ils arrivèrent enfin dans son bureau, plutôt spacieux, et doté de la plupart des appareils nécessaire à une manipulation génétique. Andréa lui tendit alors le contrat. Achilles ne sourit pas, pourtant en touchant ce bout de papier, il sut qu’il allait pouvoir montrer au monde ce que la science pouvait faire de pire.

A peine familiarisé aux lieux qu’Achilles convoqua l’ancienne équipe qui s’occupait du développement des virus. On lui présenta le projet en cours : un simple virus de la grippe de type A, sans grande ambition. Ce n’était qu’une simple copie résistante aux vaccins actuels. Achilles tourna rapidement les pages du dossier, visiblement contrarié.

« Que comptiez-vous faire avec un virus pareil ? Faire tousser le maire ? Vous disposez d’un superbe matériel, et c’est tout ce que vous êtes capable de pondre? »

Il comprit pourquoi Daggett avait besoin de lui, ses scientifiques étaient décidément bien peu ambitieux. Il fallait retravailler tout le virus, sur tous les aspects. Un silence pesant s’installa, le temps qu’il reprenne son calme.

« Bien, nous avons besoin de deux choses : premièrement, un haut degré de contagion. Votre virus va se loger dans les profondeurs des poumons, comment voulez-vous qu’il se répande efficacement ? Nous allons modifier son hémagglutinine pour qu’il se fixe dans les voies supérieures. Au moindre toussotement, l’hôte libérera des millions de particules virales. Deuxièmement, il faut qu’il fasse peur. Une grippe telle que vous me la montrez-là ne tuera que quelques grands-pères desséchés. Il faut frapper la population pour qu’elle se précipite sur les vaccins et les traitements antiviraux que nous fournirons. Je m’occuperais de cet aspect-là, contentez-vous de rendre ce virus plus contagieux. »

Il laissa ces incapables derrière lui pour rejoindre son bureau, où il commença à mettre en place son idée. Milo s’inspira d’une protéine déjà existante et commença à écrire le gène correspondant. Il maitrisait tellement bien le code génétique que ça correspondait presque à une seconde langue pour lui. Une fois le gène synthétisé, il l’injecta dans une cellule souche, qui se mit à produire comme prévu la protéine qu’il désirait. Le gène était stable et s’introduisait parfaitement dans le génome d’une cellule, sans la tuer. Il était déjà 20h30, cela faisait plus de huit heures qu’il travaillait sans relâche. Ses « confrères », qui travaillait à six sur le virus, venait tout juste de finir. Achilles décida de continuer à travailler seul au laboratoire, il était trop enthousiasmé par sa tâche pour laisser sa création à moitié terminée. Il quitta son laboratoire, équipé de son gène fraichement mis au point, et se dirigea vers les salles protégées. Il enfila la tenue de protection et pénétra dans le sas de sécurité. De puissant jet de désinfectant sortirent des murs et nettoyèrent la combinaison, puis la substance se vaporisa. La deuxième porte s’ouvrit, lui permettant d’entrer dans le laboratoire. Sur une table se trouvait une culture du nouveau virus. Achilles vérifia que les scientifiques avaient correctement fait leur travail. Il adapta le gène pour qu’il puisse s’insérer dans celui du virus, puis l’incuba sur des cellules humaines pour vérifier que l’opération ne l’avait pas tué. Une heure après, son « bébé » s’était correctement développer dans les cellules, qui étaient devenues de vraies usines à virus. Il en isola une partie qu’il plaça dans un vaporisateur.

« Tu n’es pas la pire chose que je pouvais faire, mon chéri, mais tu auras l’honneur d’inauguré mon action sur ce monde. Mais avant toute chose, nous allons te tester sur un de ses miséreux. »

Il quitta le laboratoire, en repassant par le sas et son interminable procédure de stérilisation, puis se dirigea vers les salles de tests sur humain. Une dizaine de petite chambre se faisait face, équipé de miroir sans tain pour permettre à l’expérimentateur d’observé tranquillement. Il n’y avait que deux communications vers l’extérieur par chambre : une porte à code verrouillant l’accès et un petit sas permettant de faire traverser des objets vers l’intérieur. Un panneau de contrôle permettait également de surveiller les constantes du sujet et de faire varier les conditions dans lesquelles il vivait, notamment la composition de l’air. Achilles plaça donc le vaporisateur dans le réceptacle de l’une d’elles, puis dispersa le virus dans la cellule. Il ne lui restait plus qu’à attendre que sa création s’installe dans les poumons de sa victime. Il était 0h42 du matin.

À 8h30, ses collègues arrivèrent. Achilles les invita à venir voir les résultats sur le cobaye. Ce dernier était écroulé au sol, transpirant à s’en dessécher et crachant du sang. Face à ce spectacle, Achilles ne put s’empêcher un léger sourire. Sa création remplissait à merveille son rôle. L’un des scientifiques osa briser le silence qui s’était installé face à l’observation de l’agonie du sujet.

« Comment se fait-il qu’il crache ses poumons ? Qu’avez-vous fait à ce virus ? »

« Je l’ai rendu un peu plus… intéressant. Je lui ai fourni un gène qui force la cellule infectée à produire une élastase, enzyme qui dégrade la structure des poumons. La population de Gotham ne pourra ignorer une telle menace. »

« Mais n’est-ce pas un peu trop violent ? »

« N’oubliez pas que le test s’est déroulé sur un sujet malnutri. Les personnes qui mangent mieux seront capable de se défendre plus efficacement, le temps d’incubation sera plus étalé, et l’apparition des symptômes les plus graves n’arriveront que plus tardivement. »

« Rrrr…Aidez….moi…rrr »

« Il n’a pas l’air d’aimer ça en tout cas *rire* »

Achilles se détourna de cette scène réjouissante et retourna à son bureau, il prépara le dossier qu’il allait soumettre à monsieur Daggett. Il ne restera plus qu’à l’équipe du département de développement de vaccin de faire leur travail.