19 heures 20.
Les quartiers de la police privée de New Gotham City, et une antenne du G.C.P.D.



La nuit est calme.

New Gotham City est une ville vide, quasiment morte. Les services privés de la mairie ont depuis longtemps déserté les lieux, laissant uniquement une vingtaine de membres du G.C.P.D. au sein de la petite antenne locale. Ces agents s'ennuient généralement, et essayent vainement de suivre les nouvelles de la "vraie ville", en espérant que les collègues n'ont pas trop de souci avec les tarés et autres monstres qui peuplent la cité. Heureusement, il n'y a rien de tel ce soir-là.

C'est rare mais en ce début de soirée, tout est calme dans Gotham City.
Ca ne peut pas durer.

Une horde de monstres fait soudainement claquer ses bottes devant le bâtiment de l'antenne locale du G.C.P.D. Tous viennent de se rejoindre de différents endroits de la ville, tous se ressemblent : blousons en cuir cloutés, t-shirts blancs, pantalons en cuir, bottes épaisses et protégées, cheveux en crêtes colorées et d'étonnants viseurs rouges sur les yeux.



Ils se précipitent en avant, et commencent à frapper les portes, les fenêtres, les murs du bâtiment. Immédiatement, les agents à l'intérieur ferment toute sortie et lancent les sécurités, mais les Mutants sont trop nombreux : les cinquante jeunes hommes et femmes se fichent d'être blessés, se fichent d'être touchés et s'acharnent.

Cris, hurlements, promesses de mort et de torture : tout y passe. A peine armés de barres de métal ou de couteaux, ils poussent, ragent, frappent et attendant que les murs tombent sous leur poids et sous leur haine.
Les vingt agents appellent à l'aide... mais l'aide ne viendra peut-être pas à temps.

Les Mutants sont là - et ils veulent dévorer le coeur de ces policiers.

Vingt minutes sont passées depuis le début des hostilités.
Vingt minutes d'enfer.

Michael Akins, ancien commissaire du G.C.P.D., remplacé par l'éternel revenant James Gordon, a été placé dans ce placard doré il y a déjà plusieurs mois. Forçant sa nature, il n'a pas rechigné à cette nouvelle affectation et n'a montré aucune rancoeur, aucune révolte ; comme toujours, il a fait son devoir et a tenté de motiver ses troupes sous son commandement, dans un endroit calme et ennuyeux.



Les mâchoires serrées, les mains crispées, Akins regarde la vingtaine d'hommes et de femmes sous son commandement - et il ne sait plus quoi faire.

Une foule déchaînée de monstres, de jeunes psychopathes se précipite contre leurs grilles. Malgré leurs défenses, il sait très bien que le bâtiment ne tiendra plus longtemps et que les secours n'arriveront pas à temps. En dehors des difficultés inhérentes à la grande distance entre ce qui reste du G.C.P.D. et eux, Michael sait très bien que leurs collègues ont autre chose à gérer.

Son groupe n'a pas vraiment le temps de s'occuper des informations, mais il a entendu que d'autres groupes de ces psychopathes sont en train de s'en prendre à d'autres cibles dans la ville. L'hôpital, notamment, est pris à partie et même si certains essayent de le défendre, les nouvelles ne sont pas bonnes.

Personne ne viendra les protéger. Personne ne viendra les sauver.

Michael Akins pousse un long soupir. Il voit ses vingts collègues, il voit leurs visages terrifiés, il les voit s'accrocher à leurs armes et essayer, discrètement, de joindre leurs proches pour leur dire adieu.
Ils ont peur - et ils sont persuadés de mourir d'ici quelques minutes. Ils ont raison.

Dans sa carrière, Michael Akins a commis beaucoup d'erreurs, qui l'ont notamment mené à ce placard et à cette situation. Il aurait dû mieux gérer le côté politique de son activité, il aurait dû mieux comprendre comment fonctionne la ville et quels sont les différents pôles de puissance à flatter. Il aurait dû assurer ses arrières, et il aurait dû peut-être faire plus d'efforts envers une certaine catégorie d'acteurs dans cette ville.

Son regard se tourne lentement vers la porte menant à l'escalier, qui permet d'accéder au toit. Ses mains tremblent, son souffle est court et une monstrueuse boule naît dans son ventre.
Il a peur - mais il n'a pas le choix. Au fond, il sait d'ailleurs qu'il ne l'a jamais vraiment eu.

Discrètement, Michael Akins abandonne son arme et s'avance vers la porte, qu'il ouvre. Ses pas sont lourds, la montée de chaque marche est difficile mais il sent que c'est ce qu'il faut faire... ce qu'il doit faire.
Au bout de quelques secondes, l'ancien commissaire arrive sur le toit, et entend la cacophonie de ces jeunes psychopathes. Ses mains tremblent encore plus, mais il les force à arracher un immense voile en tissu qui recouvre une chose informe, entreposée là par ses soins et sans que personne ne le questionne jamais.

Un nouveau soupir franchit ses lèvres quand il le branche. Pendant quelques longues secondes, il regarde la forme, et se demande s'il fait bien - mais les hurlements, les insultes et les promesses de torture suffisent à le décider.

Ils vont tous mourir. Personne ne viendra les protéger. Personne ne viendra les sauver. Personne ne l'a jamais fait, ici.
Sauf lui.

Michael Akins appuie sur un bouton, et la vieille machine s'active, libérant un flot de lumière... libérant un symbole que la police et les officiels de la ville ont interdit depuis des mois.



Il n'a jamais eu confiance en lui, il n'a jamais cru en son efficacité et en son rôle, mais Michael Akins a toujours pu compter sur le Batman pour sauver ses hommes et pour empêcher les monstres de continuer leurs horreurs. Maintenant, alors qu'il est rejeté, qu'il est haï, qu'il est accusé de crimes que l'ancien commissaire n'arrive pas à croire... il est le seul à qui il peut demander de l'aide. Et Michael Akins sait qu'il est le seul qui répondra.

Dix minutes après avoir allumé le signal, Michael Akins est partagé entre la peur et l'excitation.

Ses troupes continuent de combattre difficilement contre la horde de Mutants, sans que les renforts puissent les rejoindre. La situation est critique dans toute la ville, et la vingtaine d'agents abandonnés dans New Gotham City n'intéressent personne - même pas le Batman, apparemment.

Même s'il sait que le Chevalier Noir peut mettre du temps avant d'intervenir, l'ancien commissaire avait eu l'espoir d'une arrivée rapide du protecteur pour les sortir de là. Il continue de se méfier de lui, mais il est pleinement conscient que le justicier est leur seul espoir de survie ; et cet espoir s'efface à mesure que les minutes s'écoulent et que les Mutants s'approchent des dernières pièces encore tenues par le G.C.P.D.

Serrant fortement son arme entre ses mains, tétanisé par la peur, Akins essaye de rassurer ses troupes, mais sans y réussir pleinement. Tous savent ce qu'il vient de faire, tous savent qu'il a bien fait, mais tous savent aussi que le Batman ne leur doit rien : après lui avoir autant tourné le dos, après lui avoir autant craché dessus, il n'a aucune raison de venir aider la police qui lui a toujours posé des problèmes.

Alors que la porte devant eux est sur le point de céder, alors qu'ils se préparent tous à combattre jusqu'au dernier... un miracle arrive.

Des cris de douleur s'élèvent derrière les murs du commissariat, tandis qu'un bruit d'enfer se fait soudainement entendre. Des dizaines de balles sont tirées depuis une machine extraordinaire, qui vole juste au-dessus du bâtiment et s'en prend avec acharnement aux Mutants qui essayaient de tuer définitivement tous les policiers présents.
Rapidement, Akins se rapproche du toit et voit enfin l'origine de tout ça - et il sourit. Il a eu tort de perdre espoir pendant quelques instants.



Au-dessus du commissariat s'élève le Batplane, le magnifique avion du Batman qui continue de s'en prendre aux Mutants. Pendant de longues minutes encore, ces derniers essayent de se protéger, de combattre, mais ils se rendent compte qu'ils ne peuvent rien face à la puissance de feu de l'appareil.
La queue entre les jambes, les Mutants s'échappent alors, fuient sous les balles en caoutchouc du Batplane. En quelques secondes à peine, le groupe s'échappe et abandonne définitivement l'annexe du G.C.P.D., dont les membres peuvent enfin souffler - pour le moment.

"Attention, attention : la zone n'est pas sûre. Veuillez évacuer la zone et quitter le quartier durant l'intervention."

Au loin, dans la Batcave, Alfred Pennyworth donne ses instructions aux policiers, qui obtempèrent. Contrôlant de loin le Batplane, il suit les ordres du vrai Batman, qui lui a demandé de venir secourir le G.C.P.D., qui l'a tiré de sa léthargie au sein de son Manoir.
Devant les écrans de la Cave, Alfred voit Akins et ses troupes disparaître rapidement, abandonnant New Gotham City ; plus aucun habitant n'y est encre, et les Mutants ont disparu. A voir maintenant si Bruce Wayne parviendra à trouver leur trace et à les arrêter définitivement... Alfred, lui, est prêt à l'aider mais ne sait pas quoi faire. Pour le moment.