Blackbat courrait. Elle courait comme si les chiens étaient à ses trousses. Cependant, elle n'était absolument pas en danger. A vrai dire, elle cherchait quelqu'un. Un visage. Une amie.
Cela faisait un mois depuis son affrontement avec le Joker. Cela faisait un mois que Cassandra, sans véritablement se l'avouer, s'était renfermée sur elle même dans un mutisme profond. Mais cette solitude devait prendre fin. Elle avait trop combattu cet isolement pour que les ténèbres de son cœur ne la tourmentent encore en toute impunité.

Depuis son retour à Gotham, il y avait eu Tim, Angela, Jason... et malgré un certain réconfort, elle se sentait perdue. Quelque chose lui manquait. Quelqu'un. Elle. Alors ce soir, la chauve-souris était partie en quête d'un signe, d'un mouvement, d'une rumeur... Elle était partie sur le talon de la justicière Spoiler, Stéphanie, qui avait été durant ces dernières années sa véritable et seule meilleure amie. Les deux jeunes femmes ne s'étaient pas revues depuis la disparition soudaine de Cassandra, des mois auparavant. Leurs rires, leurs discussions, leurs embrassades n'étaient plus que des souvenirs. Mais ces souvenirs étaient bons. Et ils lui manquaient.

Elle sauta sur le mur le plus proche et griffa les pierres pour grimper. Lorsqu'elle atteignit le balcon le plus à portée de mains, elle prit appui sur ses jambes et se projeta pour mieux attraper la gouttière en zinc. Elle escalada encore jusqu'à ce que ses doigts chassent d'abord le vide, puis touchent les petites plaques d'ardoise sur le toit. Elle se hissa et s'accroupit sur son perchoir. Ses visières blanches balayèrent le panorama que lui offrait la vue. Gotham semblait endormie et la nuit semblait froide, mais la vigilance de Blackbat l'avertissait du moindre mouvement, de la moindre lumière, du moindre son et de la moindre vibration...
Elle capta un mouvement sur un toit. Une ombre passait. Une silhouette encapuchonnée. Elle. Stéphanie.

Les yeux de Cassandra s'ouvrirent en grands. Intérieurement, elle souriait. Elle quitta sa position et se jeta dans la direction de son amie. De toute évidence, Spoiler était en pleine patrouille, et suivait ses propres pistes. Elle la suivit de près sur deux kilomètres puis elle décida de raccourcir la distance qui les séparait. La justicière au costume mauve ralentit bientôt sa course et s'arrêta pour faire le guet. En observant ses gestes, Cassandra comprit qu'elle espionnait un homme qui évoluait dans une ruelle voisine. Ce fut l'occasion d'atterrir et d'aller à sa rencontre.

— Besoin d'aide ?

En réalité, elle ne savait pas quoi dire. Mais en tant que justicières toutes les deux, elles se comprenaient. Le travail avant tout.

— Hmmm....pas vraiment, je saurais...... je...je...

Les visières blanches de Spoiler s'était arrondies et devinrent deux grandes billes rondes et brillantes. Cassandra esquissa un sourire. Elle était rassuré; etc comme elle n'avait rien a craindre, et qu'elle était en parfaite confiance en présence de son amie, elle leva retira son masque de son visage. Elle se rapprocha de Stéphanie et commença à plier les genoux pour s'accroupir. Elle posa une main chaleureuse sur l'épaule de la jeune femme, et de l'autre main elle ramassa les jumelles qui étaient tombées parterre.

— Je....surveille un jeune qui a un comportement suspect et....qui est entré dans ce bâtiment: tu veux y participer ?

Dans un premier temps, elle hocha la tête pour acquiescer.

— Évidemment.

Ensuite, elle s'agenouilla parterre et inspecta le dit-bâtiment à travers les jumelles qu'elle avait prise. Elle promena son regard rapidement entre les différentes fenêtres des différents étages. Toutes étaient pour la plupart privées de lumière. Aucun bruits ni aucun mouvement à l'intérieur ne semblait alertant. Du moins pour le moment. Elle rendit ensuite ses jumelles à Spoiler, tourna sur elle même pour s'accouder au rebord du toit depuis lequel elles observaient.

— RAS pour le moment, dit-elle. Cet homme était seul ? Que sais-tu de lui ?

Elle avait détourné son attention sur Stéphanie, et la regardait avec un grand intérêt.

— Je ne sais rien sur lui, son comportement a attirée mon attention et c'est pour cela que je le suis et vu qu'il y a de la lumière au 3e étage, j'aimerais bien savoir pourquoi il était si.....méfiant: vu qu'il n'a pas arrêté de se retourner comme si on le suivait avant d'entrer là dedans.

Cassandra écouta attentivement les observations de Stephanie. Sans sourciller, elle posa son index sous son menton, comme pour réfléchir. Les indices semblaient minces... mais Spoiler avait toujours eut du flaire.
Elle observait encore son amie et s'apprêtait à dire quelque chose quand celle-ci prit la parole la première :

— Je.....Je voudrais savoir, Cass......Je peux paraître indiscrète....mais tu étais où pendant tout ce temps ? demanda-t-elle avec hésitation.

Les orbites de Cassandra s'ouvrirent en grand. Elle demeura sans rien dire. Elle s'était préparée à cette question. Mais pas si tôt.
Elle soupira brièvement, passa sa main dans ses cheveux pour se rassurer. Puis elle se rapprocha de Stephanie et s'assit parterre, les jambes croisées et les mains posées sur ses genoux.

— Je... Hm... Je devais faire le point... j'avais perdu... l'envie de me battre. Pour Gotham. Pour lui.

Elle faisait bien entendu référence au chevalier noir.
Cependant elle n'en dit pas plus, en considérant que sa présence face à Spoiler suffisait. Et pendant une seconde, une infime seconde, Cassandra forma dans son esprit les images de son traumatisme, le meurtre de Canon. Son amie était-elle au courant ? Ses muscles se crispèrent, mais la chose était invisible à l'oeil nu. Alors elle chercha à faire bonne figure, et posa un main réconfortante sur le bras de sa meilleure amie.

— Je suis rentrée à la maison. C'est tout ce qu'il faut savoir.

Elle termina sa phrase lorsqu'un mouvement lointain attira son attention. Plus loin, dans l'immeuble qu'elles observaient depuis un moment déjà, une silhouette se dessina dernière les carreaux d'une fenêtre. Sans rien dire, Cassandra releva sa main du bras de Stephanie pour mieux la poussa sur le côté, afin qu'elle puisse également remarquer ce qu'elle avait vu.

—Il y a du mouvement. C'est le type que tu suivais, pas vrai ? Que fait-on ?

Avant que Spoiler ne confirme quoi que ce soit, elle renfila son masque sur son visage, et activa sa vision thermique. Cinq hommes se trouvaient dans une même pièce.

— Hhuugghhh.......J'aurais pas pensée que ca se fasse aussi vite.
— On aurait rien pu faire, dit Cassandra sans hausser la voix, en posant calmement une main sur l’épaule de Stephanie.

Le coup de feu avait sans aucun doute été entendu par le voisinage. Cassandra s’attendait à ce que bientôt la fréquence radio de la police s’affole et, au loin, perdu dans le labyrinthe que formait les rues sinueuses de Gotham, commencèrent à briller les lumières des gyrophares d’une première voiture de patrouille.

— Deux sont en bas et on ne sait pas combien ils sont à l'étage, dit Spoiker. Tu suggères qu'on fasses une entrée magistrale ou bien qu'on passe par la petite porte pour mieux surprendre en coulisse, les ennemis ? Honnêtement, je conseillerais la petite porte pour empêcher l'arrivée de renforts, qu'en dis-tu ?

— Nous devons intervenir durant les premières prochaines minutes. Deux sont en bas et deux sont à l’étage. C’est gérable.

Elle sortit son grappin et le jeta sur le réverbère le plus éloigné et le plus accessible.

— Je m’occupe des deux hommes à l’étage...

Un instant plus tard sa silhouette disparue derrière la cheminée du bâtiment en question. Cela laisser le champ libre à Spoiler d’intervenir à sa manière, le but étant de rabattre les deux tireurs de la rue jusque dans le bâtiment, pour qu'ils ne s'échappent pas.

Une seconde plus tard, Blackbat réapparue. Elle était habillée de visières rouges cette fois. Elle mordit un masque à gaz entre ses dents et se rapprocha de la gouttière en zinc et se jeta dans le vide, les bras devants. Plongeant de cette manière, elle roula sur elle-même en balançant ses jambes vers l’avant. Ses pieds vinrent frapper la fenêtre qui se brisa en mille éclats de verre. Les morceaux volèrent dans toute la pièce, griffant et lacérant de façon superficielles les deux hommes à l’intérieur et qui, prit par la surprise, eurent à peine le temps de se protéger avec leurs bras.

Cassandra venait d’atterrir sur le bureau central, alors elle jeta une bille de gaz qui plongea la pièce dans une épaisse fumée.

La pièce était maintenant remplie d'un épais nuage opaque et gris. La lumière, celle qui émanait de l’ampoule nue qui pendait au plafond, commença à grésiller frénétiquement et finit par mourir. Le résultat fut l'explosion de la petite fiole de verre, dont les morceaux atterrirent plus bruyamment parterre que le bruit que faisait Cassandra en marchant. Par endroit apparaissaient les silhouettes d'une épaule et d'une tête ou d'un bras, ceux des deux hommes perdus dans la pièce, un espace qu'ils ne reconnaissaient plus. Leurs mouvements étaient désorientés, car tous les repères spatiaux avaient été brouillés et ils ne pouvaient plus s'y déplacer correctement.

Cassandra les observa silencieusement à travers la visière rouges de son masque. Celle-ci possédait une scanner thermique qui la rendait tout à faire omnipotente sur la situation. Elle voyait tout.

— Putain...kof kof......cough cough cough..... Toussa le premier homme.
— Je vois plus rien, Boss.......cough cough...... Tui répondit le second.
— Je vais me charger.....kof.....d'elle.

Avec la souplesse d’une féline, Cassandra se laissa glisser sur le côté du bureau. Penchée vers l’avant pour échapper à la vue de ses proies, elle remarqua que le sous-fifre, celui qui avait appelé l'autre « Boss », avait sortit une arme de sous sa veste. Il devenait donc un danger - sa priorité.

Elle se précipita dans sa direction et fit en sorte de se retrouver dans son dos. Avant même qu'il puisse réaliser quoi que ce soit, elle l'avait attrapé violemment en pressant sa main contre sa bouche et ce, pour l'empêcher de crier, tandis qu'avec l'autre main, elle écartela son bras pour mieux le désarmer. Lorsque le revolver tomba sur le sol, elle plia le bras de l'homme dans son dos et fit suffisamment pression pour qu'il perde connaissance. Et lorsqu'il devint un poids mort, elle plia doucement les jambes et déposa son leste parterre.

Quand cela fut fait, elle rejoignit le Boss près de la seconde porte de l'appartement. Il semblait chercher à s'enfuir, mais s'était tout simplement trompé de sortie. Cassandra sauta en l'air et lui donna un violent coup de pied qui le projeta contre le mur opposé. Les pieds de combattante n'avaient pas encore touché le sol qu'elle entendit un toussotement derrière la porte. Un autre malfrat avait-il pu échapper à sa vision ?? Impossible, pensa-t-elle d'abord.

Néanmoins, s'il s'agissait d'un homme armé, il fallait vite le vaincre : elle attrapa donc la poignée dans sa paume et expira lentement en préparant son poing à l'attaque ; avec une force presque surhumaine elle déboita la porte dont les gonds s'étaient arrachés du bois. Mais elle stoppa net son attaque et plissa les yeux. Ce n’était qu’une petite fille. Surprise, Cassandra ouvrit de grands yeux et la regarda fixement sans rien dire, avant d'abaisser son bras. Puis, elle plia le genou et accroupie parterre, posant ses mains sur ses cuisses.

— Hum… c’est bon, petite… tu ne… crains plus rien.

Cassandra se sentit gênée par la présence de l’enfant. Elle renfrogna son nez sur sa figure. Elle attendait impatiemment l’arrivée de Stephanie, qui était bien plus à l’aise avec ce « genre » de personne.

— Il est où....grand frère ?

Cassandra dévisagea la petite fille qui ne pleurait plus. Les morceaux du puzzle se regroupaient… Blackbat échangea un regard intense avec Spoiler, un regard qui n’avait pas besoin d’être accompagné de paroles inutiles. Cette petite fille était désormais orpheline. Son destin n’appartenait plus qu’à elle-même... et cela était dramatiquement familier aux deux jeunes femmes réunies autours d'elle.

— Les hommes en bas... ? Demanda Cassandra.

Stéphanie tenait la main tremblante de l'enfant dans ses paumes chaudes et rassurantes.

— Chuut....on s'en occupe, ne t'inquiètes pas, dit Stéphanie avec une voix presque maternelle, afin de réconforter la petite fille.

Son amie se releva, et lança un regard insistant dans sa direction. Cassandra demeura silencieusement encore quelques instant, mais elle finit par souffler brièvement en laissant retomber ses épaules. Elle se décida enfin et vint à leur hauteur.

— Hum... Mon amie à raison, tu es hors de danger. Sois courageuse.... quel est ton nom ? dit-elle en s'attrapant le menton entre le pouce et l'index.

Tandis qu'elle posait cette question, elle tourna la tête vers Stéphanie, et lui susurra à oreille « Est-ce qu'elle va bien ? La police ne va plus tarder... son frère est euh... "parti"... que faisons-nous d'elle ? ». Elle tentait de ne pas avoir une expression grave sur le visage, mais la réalité pouvait la rattraper à tout moment. « Il est vraiment mort? Tu as regardé? ».

Stéphanie venait de la dévisager avec un air d’amusement mêlée à de l’exaspération.

— On va pas l'emmener chez l'une d'entre nous, lui répondit Stephanie. Je pourrais pas m'occuper d'elle et te connaissant, je doute que tu puisses y arriver ; je t'apprendrais si tu veux à l'avenir ; ne le prends pas mal en tout cas, tu me connais.

A cela, Cassandra hocha d’un signe de la tête. Sur ce point les deux jeunes femmes étaient d’accord, l’enfant devait être remis entre les mains d’un individu responsable et capable.

— Nous pouvons la laisser au soin des policiers… proposa la jeune chauve-souris.

— Je pense qu'on va l'amener chez quelqu'un qui saura s'en charger, argua plutôt son amie. J'ai une connaissance dans Gotham qui l'aideras et qui est en contact avec la police. Ça évitera de passer devant « la pizza » pour la petite.

La voix la justicière s'était abaissée afin que la fillette n'entende rien. Cassandra s'était penchée pour écouter. Comme elle ne voyait rien à redire à la proposition de Spoiler, elle acquiesça en levant ses deux mains en l’air. « Pas besoin de la "pizza", en effet. », répondit-elle en parlant toujours à voix basse. Elle sentit soudain quelque chose la toucher. Du moins ce "quelque chose" avait-il des doigts, des mains, deux bras, un corps entier. Alors Cassandra fronça légèrement les sourcils – la petite fille avait serré sa main dans la sienne et ne la lâchait pas. Aussi, l‘enfant jetait sur elle des yeux brillants de gratitude, néanmoins gonflés par la fatigue, la peur et le chagrin.

La chauve-souris releva la tête, cette fois-ci pour écouter par la fenêtre brisée. Des pneus venaient de crisser sur le bitume du trottoir. Des pas pressants se laissaient entendre dans la ruelle pourtant inhabitée et sombre, et gravissaient déjà les marches du vieil immeuble. « Qui les a appelé ? » se demanda la justicière noire pendant qu'elle guettait l'arrivée imminente de la police. « Ça n'est pas bon, ils ont du découvrir le cadavre sur le trottoir. Il auront sortis leurs armes et seront prêts à faire feu. » pensa-t-elle.

— Tu préfères eux ou bien prendre la poudre d'escampette ? L'interrompit Spoiler pendant qu'elle était encore dans ses pensées. Je ne pourrais pas pour eux, de mon côté, vu que je suis occupée.

Cassandra prit une légère inspiration ; tantôt elle jeta son regard sur Spoiler avec insistance – car elle la savait avoir raison, tantôt sur la fillette. Finalement elle haussa les épaules avec une certaine résignation.

— Nous ne sommes pas Justiciers d’État. Nous serons arrêtés s'ils nous trouvent. Donc, nous l’emmenons finit-elle par conclure sur un ton compatissant. Jusqu’à ce que nous retrouvions ton contact Spoiler.

Elle fit un signe de la main à sa coéquipière pour que celle-ci se pousse. Elle passa à côté d'elle, inspecta derrière la porte du placard. En effet, elles savaient toutes deux que les gangsters se terraient comme des insectes, il devait donc y avoir un moyen pour sortir. Un courant d'air derrière le bois, de l'air frais, une fausse cloison : les éléments d'une porte secrète étaient réunis, alors elle repoussa gentiment la fillette pour qu'elle s'écarte ; ensuite, Cassandra caressa la cloison et laissa glisser ses doigts jusqu'à ce que ceux-ci trouvent la glissière de la porte. Elle tira d'un coup sec et l'embouchure s'ouvrit.

— Sortons d'ici ordonna-t-elle.

Ainsi les trois personnages s'engouffrèrent dans l'orifice. Et tandis que la porte secrète se refermait derrière eux, les policiers entraient dans la pièce.