5 jours après la disparition de Cahal et Terra
Bar "Le Tarentula"
15H40

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On dit que l'ombre des chasseurs ne brille pas seulement lors des nuits de pleine lune sanglante. On raconte à qui souhaite l'entendre et l'écouter de la manière la plus attentive possible qu'à n'importe quel moment, vous avez la possibilité de vous retrouver nez à nez avec le pire cauchemar des raclures de la ville. Ce jour là, Jordan Ryder pensait pouvoir se poser tranquillement, un verre à la main en train de faire face à l'incommensurable bêtise d'une jeunesse qui se cherchait dans l'absolu, le chic et le paraitre.
Le gout de sa boisson, un cocktail Manhattan, lui caressait encore le palais, divergeant et se divisant en plusieurs micro parties stimulantes, lui faisant ressentir à la fois la chaleur du whisky et le force du Vermouth présents dans le mélange.

C'était son 4ème verre de la journée. Assez pour lui faire revenir les idées noires mais encore bien insuffisant pour le mettre au sol et pire,  l'envoyer prier le dieu de porcelaine dans les recoins les plus glauques de cet endroit.  

De son oeil le plus avisé et à vrai dire, le seul qui lui restait depuis sa dernière rencontre avec les Chasseurs, il se contentait, assis dans un des nombreux canapés de l'établissement, de profiter d'un spectacle à la fois son et lumière offert par les propriétaires....un peu contre leur consentement, nous en conviendrons. Avec l'oeil d'un faucon avisé de ne pas s'en mêler, "Jordy" observait la folie furieuse qui s'était emparée du Tarentula, le faisant dériver dans un océan de brutalité en proie à la fureur de Poséidon avec comme seul adversaire, une foule déchainée incapable de lutter, ballottée dans tous les sens dans un entrechoquement de corps et une orgie de violence.

Un sourire en coin de lèvre, il se demandait si il n'allait pas se reprendre un autre verre tandis qu'il terminait le fond de celui-ci, ne laissant quelques gouttes perler le long de sa barbe naissante jusque sur sa chemise débraillée à 3000 écus. Dissimulé sur les hauteurs, il observait le ballet de mort qui se réalisant dans une magnifique chorégraphie de chair et d'os brisés, se melant parfaitement à l'ambiance sombre des lieux.

Un peu de sang, il n'y avait que cela de vrai tant bien même qu'on réaliserait le gâchis que cela aurait été mais peut-importe: Des hommes de main, cela se remplace si le salaire proposé est plutôt bon. Toutefois, il ne fallait pas oublier les petites clauses en bas du contrat, stipulant la possibilité d'y laisser très prématurément sa vie.

Un fracas de verre brisé mit fin aux espérances d'un nouveau cocktail,faisant comprendre à Jordy qu'il allait devoir se passer d'un nouveau verre, ce qui l'exaspérait profondément. Le pauvre type qui venait de se faire encastrer dans le miroir du bar aurait pour quelques jours à se remettre de cette attaque, si du moins, il ne s'était pas retrouvé avec des tessons de verre plantés au plus profond de sa chair, voir, de ses organes. Déjà que la plupart des clients s'étaient enfuis dès les premiers affrontements ce qui n'augurerait rien de bon pour la réputation de l'établissement mais autant dire que les grattes papiers de la presse de Santa Carla allaient s'en donner à coeur joie.
Imaginez les gros titres: Une folle furieuse, femme au foyer fait 34 morts et plusieurs dizaines d'estropiés à vie. D'ailleurs, tout était là tant le comique de la situation était absurde car c'était ainsi qu'elle s'était présentée avant de commencer son petit jeu de massacre, bien déterminée à obtenir des réponses à des questions qu'elle avait au préalable posé, histoire de donner une chance à tous de s'en sortir sans trop de dégâts.

Et voilà qu'à présent, elle jouait des flingues, dégainant deux armes similaires à des Berettas, ouvrant ouvertement le feu sur les hommes de Jordy qui en faisaient autant. Voilà qui devenait à la fois intéressant mais tout aussi problématique tandis qu'une volée de balles manqua de peu de toucher l'indic qui n'eut d'autre choix que de se jeter au sol histoire d'éviter les quelques balles que cette foutue taré lui envoyait sans avoir annoncé le moindre coup de semonce. D'ailleurs, depuis quand elle utilisait des flingues, cette salope?? Pire encore car après avoir vidé ses chargeurs, elle n'hésita aucunement à se jeter sur ses ennemis, encaissant les tirs comme si ceux-ci ne semblaient pas la gêner.
Merde, savoir se jeter sur l'ennemi sans être gêné par des tirs ou des blessures........voilà pourquoi les Chasseurs et leurs amis étaient si craints à Santa Carla: Rien ne pouvait les arrêter quand ils se montraient déterminés.
Oui, c'était une mauvaise journée pour être un sale type.

"PUTAIN, VOUS ATTENDEZ QUOI?? TUEZ CETTE SALOPE!!" hurlait Jordy, tentant de se frayer un chemin à travers le chaos qui se dessinait sans compter que chaque fois qu'un de ses hommes tentait de l'aider, il finissait avec un couteau lancé à pleine vitesse entre ses deux yeux.
Jordy était seul face à cette malade qui en voulait à sa vie....ou probablement plus....ou pas. Oh puis merde, il fallait se tirer ! C'était tout ce qui comptait tandis que le chaos grossissait au fur et à mesure que les renforts arrivaient, souvent pour tomber dès l'instant où ils franchissait l'entrée comme en attestait la rafale que six hommes se prirent, victime des tirs d'une de leurs propres armés réutilisée à bon escient par la tueuse, une professionnelle à n'en plus douter. Les différents groupes de Jordy qui entraient chaque minute dans la danse étaient comme des bêtes animées par une furie inhumaine.
Chacun des camps voulaient une résolution à cette affaire et tandis que les minutes s’égrenaient sous les hurlements et les coups de feu, ponctués de quelques têtes ou membres s'écrasant un peu partout dans le décor comme pour ponctuer une fois de plus la monstrueuse puissance de celle qui venait de transformer le dance-floor en annexe des enfers, Jordy le mouchard comprenait à quel point il s'était mis dans une merde noire en acceptant un pacte avec Spellbinder en fournissant à ce dernier ce dont il avait besoin pour en finir avec les Chasseurs.

Malgré le sol qui s'encombrait de cadavres, rien ne ralentissait le carnage ni même la progression de la combattante à la chevelure de jais qui se dirigeait inexorablement vers sa cible. Bon, il allait falloir rectifier un point pour la une du lendemain qui allait à présent devoir titrer: Carnage au Tarentula: Une folle furieuse au foyer fait plus de 100 morts à elle seule. Jordy n'eut pas le temps de se dire plus quand il vit le cadavre d'un de ses hommes de main s'écraser juste en face de lui, comme un avertissement lui sommant de ne pas quitter les yeux. Ce dernier fût incapable de contenir un cri de surprise, comprenant que petit à petit, la Faucheuse venait réclamer son dû en compagnie de Dame Justice.

"PUTAIN DE MERDE !!!!!" hurla-il une fois de plus tandis que son regard croisa à présent celui de celle qui venait le chercher, à présent équipée d'une lance de combat à la main, tranchant parfois un membre ou plantant un inconscient qui venait se mettre sur sa route.

"VA TE FAIRE FOUTRE, KENDRA !!! brailla-il comme un enfant en panique, prêt à se faire dessus. Comment pouvait-elle être aussi forte et faire face à des centaines d'hommes sans plier ni se fatiguer? Peut-être aurait-il la possibilité de se poser la question une fois qu'il aurait rejoint le monde des morts, constatant que l'accès à l'escalier lui était à présent interdit maintenant que la Maitresse d'Armes gravissait les marches petit à petit, achevant d'en finir avec le dernier mafioso qui eût droit à une mort toute aussi violente après avoir ouvert le feu.
Quatre tirs dont un seul ayant fait mouche et ayant à peine gêné la combattante qui se contenta de répliquer en envoyant sa lance en direction de l'homme de main. Une mort horrible mais mérité, emporté par l'élan de la lance qui lui traversa le crâne et l'empala à même sur le sol sanguinolent du Tarentula.

C'était à présent terminé et le calme retomba sans aucune possibilité d'être troublé. Jordan, quant à lui, encore maitre de ses émotions quelques minutes avant, était à présent comme un petit garçon en proie à la colère du croque-mitaine. Oh, il tenta bien de braquer un flingue mais il vit celui-ci lui être arraché sans aucune forme de procès avant d'être retourné en sa direction.
Kendra n'eut aucun mot, aucune moquerie à son égard, du moins pour l'instant mais son regard plissé et empli de colère parlait pour elle et ses grands yeux noirs fixaient maintenant avec insistance Jordy le collabo.

"Bien, mon petit Jordan. Reprenons calmement notre dialogue et....oublions ce qui vient d'arriver."
"Comment.....comment tu fais......comment tu fais......pour ne.........ne..."
"Ne pas avoir mal? Je connais le mal dans ses moindres recoins. Chaque parcelle de mon être pourrait te réciter l'alphabet de la terreur sans sourciller. Maintenant, je te laisse encore une chance de partir sans douleur."

Il y'eut un instant de silence durant lequel les deux êtres se regardèrent, l'une sans trembler et l'autre dévoré à chaque seconde pour un effroi amplifié par sa propre lâcheté.

"Johnsy le géant m'a dit que tu savais quelque chose sur la magie que Spellbinder a employé pour envoyer deux de mes élèves dans ce vortex."
"Johnsy?? C'est.........c'est pas son......son genre" rajouta l'indic, la voix tremblante et peinant à faire une phrase.
"Je sais.......mais au bout de 4 doigts, il a fini par parler" rajouta la femme, dégainant un couteau encore bien ensanglanté.
"J'aurais aimé te les montrer à titre informatif mais je me suis permise de lui faire avaler afin de lui inculquer la leçon du jour. Maintenant, dis moi........quel doigt?" demanda-elle en haussant le ton de manière menaçante, attrapant la main gauche de Jordy dans le but avoué d’alléger un peu cette dernière.
"ARRÊTE, JE VAIS PARLER ,JE VAIS PARLER !!!!"

Et ce fût rapide. La terreur était si efficace pour faire parler à la fois les humains mais également les paranormaux.
Des cris, des bruits ésotériques, des pleurs d'enfants cherchant leurs parents. Kendra ne pouvait pas se les enlever du crâne. Il fallait qu'ils payent tous pour ce qu'ils avaient fait, pour la souffrance engendrée. Après tout, ce n'était que justice.

"...............C'est Loknar.......lui et sa bande. Ils.......ils ont dit qu'ils pouvaient donner un coup de main. Alors.....je.....je les ai mis en relation. Mais c'est tout, je jure que c'est tout ce que je sais. C'est probablement lui qui lui a appris cette formule de bannissement."
"C'est drôle.......mais je ne me rappelle pas avoir précisé quel type de magie c'était.", répliqua la femme, le regard courroucé, attrapant plus fermement la main de Jordy, tranchant littéralement dans la paume de celui-ci, lui extirpant un autre hurlement de douleur.
"Tu ne me dis pas tout, Jordy. Dernière chance!"
"OK, OK............c'est vrai, je savais ce que c'était mais Loknar ne supportait plus vos interventions. Vous nous empechiez........"
"De vendre vos saloperies à des gosses?"

Aucun autre mot ne sortait de la bouche de Jordy le dealer, balance notoire des milieux.

"Donc, c'était bien un règlement de compte et vous vous êtes tous mis d'accord juste pour pouvoir continuer à refourguer vos saloperies à des enfants? Vous avez envoyés Cahal et Terra ailleurs......juste pour ça."
"Je....je t'ai tout dit.....je t'ai tout dit.....je t'en prie, laisse moi partir !!"

Une demande? Et puis quoi encore? Laisser partir une telle ordure était la pire des décisions à ce jour.

"..........Laisse moi quitter la ville. Ils vont me tuer dès qu'ils.....sauront que j'ai parlé."
Jordy se mit à hurler à la mort, comprenant qu'en réalité, il ne quitterait plus jamais cet endroit alors qu'il vit la femme dégainer une longue machette, aiguisée aussi efficacement que la plus belle des lames asiatiques. Il hurle, geint, pleure à s'en rendre malade. Tout ce qui lui reste à cet instant, c'est la souffrance.....et la haine de l'hypocrisie qui l'avait amené à cette situation. C'est ce qui vient inexorablement après la peur. Il comprenait la détermination de la femme à en finir avec lui, à appliquer cette punition qui n'était ni plus ni moins qu'une sentence de mort à son égard.

".......Deux de mes élèves...........deux de mes proches..........eux qui sont comme mes enfants, ma famille. Tu m'as privé d'eux.....et pire encore, tu as privé deux autres enfants de leurs parents et par ta faute, il est fort probable que jamais ils ne grandiront en compagnie de ceux-ci. Ce que tu as contribué à faire ne peut être pardonné !"
"Des.....des.......des enfants?"
"Tais toi, larve !! Tu ne mérites pas de connaitre leur nom !! Je ne te donnerai même pas le droit de le prononcer. La seule chose que je veux à présent entendre de toi.........c'est un concerto de hurlements. Une rétribution bien maigre pour les larmes que tu as contribué à faire couler."

La machette de la tueuse rencontrait progressivement la chair de sa victime, découpant soigneusement une petite partie de la joue droite de Jordy, lui faisant toutefois une entaille profonde, ce qui le fit hurler.

"Dans mon métier, j'essaye de ne pas prendre de plaisir à ce que je fais. Alors, sache que cela va être une nouvelle expérience pour moi."

Une nouvelle entaille est à présent faite sur la joie gauche, plus profonde, plus douloureuse encore que la précédente. Jordy ne peut s’empêcher de porter une main sur chacune de ses blessures comme pour contenir le flot de liquide rouge rubis qui s'en échappe. Des gestes bien inutiles quand on y' réfléchit car son destin était de toute manière scellé.

"Parfois, certains rêvent de s'endormir et d'autres comme toi, souhaitent toujours être en train de se réveiller. Paradoxalement, ce que nous souhaitons le plus nous est toujours refusé. Quelle ironie, tu ne crois pas? Profite, car il va encore se passer de bien longues minutes avant que tu ne passes de l'autre coté du miroir!"

Sur Neredia, il existait bien des manières de sauver une âme comme l'absolution, la rédemption, le salut....tant de noms que l’Église avait sorti pour faire croire au premier venu que malgré ses pêchés, il y'avait toujours une chance, même infime pour que Dieu vous pardonne vos crimes et vous ouvre les portes du Paradis.
Mais c'était une putain de connerie hypocrite. Le Paradis, l'Enfer.......quelle différence car le final était le même: Une éternité de souffrance dans un camp ou l'autre. Mais il existait une autre possibilité, un véritable abri au sein de cet univers, un monde verdoyant de vie et d'espoir où tout était possible, même la paix éternelle.

Jordy ne connaitra jamais cela tandis qu'entre deux ruelles, au delà de l'entrée d'un des bars les plus lugubres de la ville, des cris aussi abominables les uns que les autres se firent entendre pendant de longues minutes.....jusqu'à disparaitre dans le néant.