Que ressentez vous lorsque vous pensez avoir tout perdu ? Quel sentiment nous habite lorsqu'on comprend à quel point notre absence peut être pesante, aussi bien pour soi que pour ceux qui comptent le plus à nos yeux ? Je doute qu'ici, qui que ce soit puisse en mesurer la pleine étendue à quelques exceptions.

Leurs cris, leurs larmes, ne m'ont pas quitté une seule seconde depuis le jour maudit où Morphée m'a montré les conséquences des actes de Spellbinder et chaque instant, je n'ai plus qu'une seule pensée en tête, une seule obsession. Le cœur et l'âme déchirée, comme ayant reçu des milliers de coups de couteaux comme pour entretenir cette flamme vivace de souffrance, je me lève chaque matin pour seulement constater à quel point mon existence toute entière pourrait être marquée par une solitude sans fin, une expression de tristesse comme gravée au fer rouge et à l'acier sur mon visage.

Depuis des jours, je ne réagis qu'à une seule chose, la seule personne qui compte encore à mes yeux et la seule qui ait besoin de moi. Mais le reste me parait si vide, sans la moindre consistance.
Le Sinner's ? Quelle importance ....
Le Tengu ? Qu'il se débrouille avec ses problèmes !
Cahal ? Il n'avait pas besoin de moi pour s'en sortir et de toute manière, il ne daignait pas réapparaitre excepté pour faire de l'esclandre avant de disparaitre à nouveau, j'imagine, fidèle à ses habitudes.

Et Jade? J'imagine qu'à cet instant et depuis mon arrivée ici, elle était devenue mon ancre de survie comme j'étais devenue la sienne par la force du destin. A vrai dire, elle était mon seul univers, mon seul moyen de ne pas sombrer dans la folie la plus profonde alors que je revivais cette époque où je n'étais rien, coincée dans un monde qui n'était pas le mien. Cela avait toujours été une de mes pires peurs et voilà que j'avais l'impression de revenir des années en arrière, à l'époque où je pensais que tout espoir était perdu.

La petite dort toujours, profondément plongée dans un sommeil dont je ne veux pas qu'on la tire. Quant à moi, je ne veux qu'une seule chose et autant dire que je voulais qu'on me la donne maintenant : la paix !!

" Laissez moi tranquille .... " disais-je à voix basse, prostrée sur le lit de mon hôte qui avait tout de même eu la bonté de me laisser l'accès à ses quartiers après m'avoir planté lamentablement sur place après la visite de Morphée. Qu'il aille au Diable !!
Qu'ils aillent tous se faire foutre !!
Et puisses-tu crever la gueule ouverte emplie de vermine, Spellbinder si ce n'est pas encore le cas !! Puisses-tu te retrouver avec les poumons infestés de cafards jusqu'à t'en étouffer lentement pour ce que tu m'as fait et prie, dans le cas où tu as survécu, de ne plus jamais recroiser mon chemin car je te promets que jamais plus je ne ferai preuve de clémence à ton égard !

Qu'on me laisse en paix, c'est tout ce que je demande à cet instant !!

" Sortez d'ici .... " répétais-je, presque de manière monocorde, sans même lui accorder le moindre regard, lui que je n'avais même pas entendu entrer il y a encore un instant. J'imagine que s'il avait trouvé l'entrée, il saurait trouver la sortie très facilement.

" Je ne veux voir personne ... "

" JE VOUS AI DIT DE ME LAISSER TRANQUILLE !!! "

La porte claqua violemment, nous soustrayant aux regards des hommes de l'Empereur. J'étais sur le point de laisser éclater ma colère quand les pleurs de Jade, réveillée par le bruit, me stoppèrent net. Et tout comme ces derniers jours, c'est dans un automatisme total que je me levais pour m'occuper d'elle, ignorant complètement Akuma. Il fallut un moment avant qu'elle ne se calme et malgré cela, elle refusait de se rendormir. Je n'avais donc d'autre choix que de la garder dans mes bras, me maudissant d'avoir interrompu son sommeil de façon si brutale. Et c'est pendant que je la berçais doucement contre moi que les mots d'Akuma se frayèrent un chemin dans mon esprit.

Il avait mentionné un enfant à venir ... ses mots n'avaient aucun sens ! Où bien étais-ce moi qui perdait la raison ?

" De quoi vous parlez ... ? Je le saurais si j'étais encein ... "

C'est à ce moment-là que je la sentis. Une énergie autre que la mienne, qui émanait de mon ventre et m'arracha un hoquet de stupeur. La mémoire me revint aussitôt.

* C'est une fille, Terra. *

Je restais un long moment sans bouger, l'esprit en ébullition. J'allais avoir un enfant ... Comment avais-je pu l'oublier ? Etais-je tombée si bas au point d'occulter cet évènement si important ? La honte et la culpabilité m'envahirent alors que je couchais Jade dans son berceau. Je n'avais pensé qu'à moi et à ma propre douleur d'être éloignée de Juno et Isaac, je m'étais résignée à mon sort et renoncé à me battre .... Et ça ne me ressemblait pas .... Je ne faisais pas honneur aux préceptes que m'avaient inculqués mes mentors. Nul doute qu'ils seraient emplis de déception s'ils me voyaient en cet instant. Je pouvais presque les entendre me sermonner.

* Relève-toi, Terra, ou c'est moi qui vais venir te mettre mon pied au cul ! *
* Abandonner n'est pas une option. Si tu ne le fais pas pour toi, fais-le au moins pour tes enfants ... *

Et ils auraient eu parfaitement raison ... Dans un mois, ma fille allait venir au monde. Je devais me secouer et prendre les dispositions nécessaires. A commencer par le lieu de naissance, car il était évidemment impensable que je donne la vie dans une ville où l'on pouvait croiser la mort à chaque coin de rue. Tous mes enfants étaient nés sous l'œil bienveillant de Gaïa, et il en serait de même pour elle aussi. Et pour cela, il n'y a qu'une personne vers qui je pouvais me tourner, si tant est qu'il accepte de m'aider après la façon dont je l'avais envoyé paître.

" Ce n'est pas à vous de présenter vos excuses, mais à moi ... Je n'avais pas à agir de cette manière, pas après l'aide que vous m'avez apporté, et j'en suis sincèrement désolée ... Et je tiens également à vous remercier. Sans vous, sans vos paroles, je serais restée dans cet état pitoyable, à me lamenter sur mon sort. J'avais abandonné, et vous avez su trouver les mots qu'il fallait, et me rappeler mes responsabilités, à savoir Jade et l'enfant que je porte. J'accepte donc votre aide, et je vous serais reconnaissante si vous pouviez me trouver un endroit plus sûr où je puisse séjourner, là où l'homme n'aurait pas posé son empreinte. "

" LES MAINS EN L'AIR ET A GENOUX !! "

J'obtempérai en soupirant face à la dizaine de policiers qui me braquaient en vociférant. Ils semblaient à fleur de peau, vu l'attirail qu'ils avaient apporté, et tout ça pour une seule personne ! Mais pouvait-on leur en vouloir, quand on voyait le genre de criminel qui se baladait à Gotham ...



Quelques minutes plus tôt.

Akuma m'avait longuement décrit Sheena Island. Une île très luxuriante, avec sa forêt à perte de vue, ses plaines et ses montagnes, ses lacs et ses cascades. Evidemment, j'avais accepté tout de suite et le départ était fixé au lendemain, après toute une semaine de préparatifs. Tout était fin prêt pour mon séjour qui devait durer de un à deux mois. Il ne me restait qu'un détail à régler, et c'est pour cette raison que je me trouvais en ce moment-même sur le toit du commissariat à une heure avancée de la nuit. Contacter Batman, pour le prévenir de mon départ. Initiative des plus étranges, me direz-vous, et pourtant des plus logiques. Si Cahal faisait à nouveau parler de lui, je tenais à être mise au courant.

Je pris grand soin de verrouiller l'accès menant au toit, puis activais le Bat-Signal en suivant les indications d'Akuma fournies par l'un de ses hommes infiltrés dans le G.C.P.D. Mais à peine avais-je actionné le levier que la cavalerie entrait déjà en action. D'abord une alarme, très bruyante, signala presque instantanément ma présence. Je n'avais que peu de temps avant qu'ils ne parviennent jusqu'à moi et qu'ils défoncent la porte sur laquelle certains s'acharnaient déjà en hurlant et vociférant. La porte tenait bon mais pour combien de temps encore ? C'est d'ailleurs ce qui me manquait quand j'entendis certains parler de faire usage d'explosifs.

Comme si j'avais besoin de ça ! Autant dire que la porte n'allait pas y résister et il était hors de question que je fasse usage de la magie pour cela. La seule possibilité qu'il me restait était de trouver un abri mais sur un toit comme celui-ci, j'étais juste totalement à découvert.

Il se passa encore deux minutes avant que ces derniers ne passent à l'acte, faisant usage d'une arme explosive pour enfoncer la porte en acier massif, provoquant à la fois un retour de flammes et une onde de choc qui m'envoyèrent au sol. Quelques cheveux roussis, un peu de peau brûlée mais rien de bien violent comparé à ce que je subissais entre les mains de Kendra. Cela dit, je ne pensais pas les policiers de Gotham City aussi expéditifs dans leurs méthodes.

Et à peine relevée, beaucoup se déployèrent,  me faisant face, arme à la main, déterminés à m'envoyer à terre si je tentais quoi que ce soit. Parmi eux, je pus reconnaitre celui qu'on disait être le commissaire de la ville, sur lequel on m'avait briefé ; toujours en première ligne et réputé pour aller sur le terrain avec ses hommes. Un type intègre de ce qu'on disait de lui, un peu comme Natalya, j'imagine. Il avait d'ailleurs été le premier à braquer son arme sur moi.



Actuellement.

Il y avait de la tension dans l'air, et je ne vous cacherais pas mes craintes de voir la situation déraper. Aussi restais-je immobile, toujours à genoux et les mains derrière la tête, en prenant garde à ne pas commettre de geste qui les encouragerait à tirer à vue Je me permis toutefois de prendre la parole, consciente depuis quelques secondes qu'un autre protagoniste observait toute la scène. Je ne le voyais pas, mais je pouvais sentir son regard.

" J'ai à vous parler, Tengu, mais ce serait plus simple si vous sortiez de l'ombre ! "

" Appelle-moi encore une fois poulette, Homer Simpson, et c'est pas du violon que tu joueras, mais de la flûte ! Et pas par la bouche ! "

S'il y avait bien une chose que je n'encaissais pas, c'est qu'on m'affuble du sobriquet de poulette, ou autre surnom du même genre ! Et je ne vous cachais pas que j'étais à deux doigts de lui faire bouffer son flingue, à ce gros tas !

" Ça suffit. "  

Ben tiens, il était temps qu'il se pointe, celui-là, parce que je commençais vraiment à en avoir ras-le-cul ! J'avais été envoyée au sol par le souffle d'une explosion non sans quelques brûlures, me retrouvais braquée par des flics rendus paranoïaques par la folie de cette foutue ville, et insultée par dessus le marché, et tout ça pour quoi ? Juste pour avoir voulu causer quelques minutes avec un type en collant et cape de chauve-souris qui s'était proclamé gardien de Gotham !!  

"Baissez tous vos armes. Personne ne sera blessé ce soir."

Ça, ça restait à voir, si l'obèse de service continuait à ramener sa gueule, il ne tarderait pas à ramasser ses dents avec les doigts cassés ....

"C'est bon, tout ira bien. Laissez nous !! Maintenant qu'il est là, je ne cours aucun risque."

* C'est ça, dégagez et bon débarras ! *

Bon, je reconnais que je n'avais pas été loin de perdre mon sang-froid, alors que j'étais plutôt du genre à faire preuve de patience. Je devenais très irritable, comme à chaque fois durant mes grossesses, et pendant cette période, mal avisé était celui qui tentait de me chercher des noises.  Fort heureusement, l'intervention de Batman avait empêché que la situation ne tourne mal.

" Très bien. Vous avez 5 minutes pour dire qui vous êtes et pourquoi vous avez verrouillé l'accès au toit, ce qui, comme vous le constatez, nous a obligé à défoncer la porte. Et je vous conseille d'être d'une parfaite honnêteté, madame. "

* Garde ton calme, Terra ... *

Je poussais un soupir excédé tout en me relevant péniblement. Mais qu'est ce qu'il avait prit à Morphée d'accélérer ma grossesse ?? Il ne s'était passé qu'une dizaine de jours, et c'est comme si j'étais déjà enceinte de quatre mois ! Si j'avais su que je me rendais sur Sheena Island, j'aurais préféré en rester au stade des neuf mois, quitte à laisser Cahal se démerder tout seul !! Sans compter ces putains de nausées qui me prenaient de façon aléatoire ...

" Terra Odden, mais je ne suis pas venue ici pour faire les présentations. Tout ce que je souhaitais, c'était m'entretenir à Mr Chauve-Souris qui nous a enfin gratifié de sa présence. Et si j'ai verrouillé la porte, c'était justement pour causer en paix ! C'était pas la peine de venir avec toute une escouade ! Ou devrais-je m'en sentir flattée ? "

Le cynisme était au rendez-vous ce soir, et j'avais envoyé promener toute once de tact et de subtilité. Je n'avais qu'une envie, c'était en finir au plus vite avec cette histoire et rentrer au Sinner's ! Je me tournais donc vers le justicier et entrais tout de suite dans le vif du sujet.

" J'ai déjà assez perdu de temps comme ça, donc je vais vous la faire courte. Comme vous avez pu le remarquer, je suis indisposée, et je ne tiens pas à accoucher dans votre ville de tarés !! Je pars demain pour Sheena Island, pas la peine que je vous dise où c'est, vous êtes assez grand pour trouver tout seul avec l'aide de vos joujous. Je serais absente de un à deux mois, et je compte sur vous pour me tenir au courant si Cahal faisait à nouveau des siennes. Des questions ou je peux m'en aller, maintenant que j'en ai fini ici? "

Je vis rouge suite à la diatribe de Batman. Alors comme ça, il pensait que je me payais sa tronche ? J'étais sur le point de lui balancer le fond de ma pensée quand le commissaire, jusque là resté silencieux, prit les devants. Et de toute évidence, lui aussi avait des griefs contre le justicier. Il n'eut toutefois pas eu le temps de déverser toute sa hargne qu'il s'effondra, en proie à une violente crise de toux qui lui fit cracher du sang. Ma colère retomba instantanément en le voyant s'effondrer, et je me précipitais à ses côtés sans perdre de temps, aboyant mes ordres à Batman au passage sans me soucier de sa possible réaction.

" Maintenez-le debout, il ne doit en aucun cas être allongé ! "

Il y avait urgence, et c'est là que ma formation de guérisseuse allait me servir. Je posais une main au niveau de son cœur, me concentrant quelques instants pour faire usage d'une magie qui serait très différente de celle employée au Sinner's quelques jours auparavant. Ce dont il souffrait était un autre cas de figure et comme les Prêtresses d'Algherty me l'ont appris, chaque maladie avait sa méthode. Et autant dire que celle-ci avait malheureusement droit à une méthode qui allait s'avérer très douloureuse. Donc, pas question de lumière blanche ou d'autre cliché stupide de film. En fait, cela allait être sonore et particulièrement dégueulasse comme pour chaque personne qui avait donné son consentement au poison.

Un seul essai et quelques secondes, c'est tout ce qui allait m'être accordé. Après une grande inspiration, je plongeais ma main à travers son corps, tentant de rester concentrée pour ne pas fusionner ma main avec sa chair, ni même déchirer cette dernière. Je devais trouver la connexion entre la maladie et ce qui la provoquait depuis l'autre monde, et il ne me fallut pas longtemps pour la trouver, comme pour chaque personne qui se laissait aller à l'empoisonnement consenti par inhalation.

"Arrête... DE TE DEBATTRE, SALETE !! " hurlais-je à l'égard de l'entité qui s'était lié à cet homme, le tuant progressivement, poussant ce dernier peu à peu vers l'abîme. C'est là que je comprenais que ce monde possédait des règles identiques à Neredia : chaque personne acceptant la facilité et les pièges du mal devenait l'ancre d'une saleté du Bas Astral. Gordon hurlait de douleur, tentant de se dégager de moi mais Batman le tenait fermement, lui intimant de tenir bon malgré un regard qui, malgré son masque, se voulait surpris et inquiet quand à la situation.

" Allez... AMENE-TOI !! " rajoutais-je alors que je sentais la chose se débattre encore plus, signe qu'elle allait bientôt céder. Et effectivement, mon étreinte autour d'elle se resserra alors qu'elle faisait tout pour s'extirper de mon emprise. Et après quelques secondes, je retirais ma main avec, dans celle-ci, cette monstruosité couverte de goudron, similaire à une larve qui hurlait un petit cri strident. Pas difficile à supporter pour moi qui en avait vu des pires mais les regards ébahis de James Gordon et celui de Batman valaient le détour. Enfin, je supposais car je n'avais vraiment pas le temps de m'extasier devant leur surprise. Maintenant que je tenais cette saloperie, je devais couper la connexion, détruire son lien et sa présence dans ce monde et enfin, la ramener dans le Bas Astral, à ma manière.

Autant dire qu'elle n'allait pas être déçue du voyage. Tout d'abord, m'arranger pour la balancer assez loin de Gordon, histoire d'éviter qu'elle ne retourne s'isoler dans le corps de ce dernier au risque de le tuer définitivement. Chose facile tandis qu'elle s'écrasait non loin des escaliers dans un autre hurlement de défi de sa part. Maintenant, en finir définitivement avec elle de la manière la plus simple possible avec la seule formule efficace contre les larves éthériques.

" Purificatum Inferis. "

Deux mots, une simple incantation et voilà que cette engeance se tortillait dans tous les sens, brûlant à présent d'un feu bleu sacré qui consuma ses chairs avec rapidité. Elle tenta bien, malgré sa douleur et sa fin inévitable, de foncer à nouveau sur sa victime, tentant une action désespérée, mais elle fût arrêtée dans sa course par l'arrivée d'un projectile qui la cloua sur le sol du toit, ne lui offrant que comme seule finalité une agonie inéluctable. J'avais extrait le monstre et Batman s'était chargé de lui porter le coup final avec un geste plutôt habile, je le reconnais. En quelques secondes, il ne resta d'elle que des cendres que le vent se chargerait d'éparpiller aux quatre coins de la ville.

Quant à Gordon, à présent que le monstre et le poison avaient été extrait de son corps, les premiers changements devaient déjà se faire ressentir bien que du repos allait devoir lui être imposé. Déjà, son teint se voulait moins pâle, moins fatigué et les traits de son visage semblaient moins présents. Bien sûr, cela n'allait pas lui rendre sa jeunesse ni les années perdues à fumer cette saloperie qui n'avait rien à voir avec les vraies plantes de tabac mais il était tiré d'affaire.

Je pris le temps de souffler quelques secondes tandis que le justicier examinait le vieil homme comme pour s'assurer que rien d'autre n'allait se produire. Autant le rassurer.

" Il vivra, mais il aura besoin de repos pendant quelques jours. Et qu'il cesse ses mauvaises habitudes, ou ce que je viens de faire n'aura servi à rien ! "

" Parce que ce qui infestait l'âme et le corps de votre ami ne pouvait être vu par aucun moyen humain. "

Devais-je lui parler en détail de cette malédiction universelle qui avait autrefois frappé Neredia ? Je doute qu'il soit prêt à l'entendre et il était inutile de semer un vent de panique. J'étais toutefois étonnée de revoir cela après tant d'années de silence, pensant que ce n'était plus que de l'histoire ancienne. Selmak m'avait assuré que plus jamais cela ne se reproduirait. Que devais-je en conclure ? Qu'il s'était trompé ? Ou que quelqu'un d'autre jouait avec des forces qui le dépassait ? J'avais bien croisé le chemin de deux sorciers, ce Constantine et celle que j'avais sauvé, Zatanna. Donc, l'hypothèse de quelqu'un s'amusant avec des forces ésotériques n'était pas à exclure.

" Dites vous simplement qu'il arrive que des personnes, même de bien, plongent si bas que leur état de santé en est affecté par des créatures parasites, des êtres d'un autre monde que nous nommons le Bas Astral. Des conditions comme le tabagisme, l'alcool, la drogue et différents facteurs peuvent amplifier la connexion, et progressivement tuer l'hôte dont ils se nourrissent. Je pense que vos amis magiciens vous en parleront tout aussi bien que moi. "

A présent que Gordon était tiré d'affaire, je pouvais reprendre ma "petite discussion" avec le justicier. Car je n'avais pas l'intention d'en rester là, bien au contraire !

" Maintenant que le sujet est clos, j'ai deux mots à vous dire ! Je n'ai pas oublié ce que vous m'avez balancé tout à l'heure, et laissez-moi vous dire que vous manquez pas de culot ! Alors oui, j'ai blessé vos alliés, mais dois-je vous rappeler dans quelles circonstances j'ai été contrainte d'en arriver là ? Et vous osez me le reprocher ? Contrairement à vous, j'ai toujours été réglo depuis le début, et si vous vouliez en savoir plus à mon sujet, il suffisait de me le demander au lieu de tenter de me gazer ! Quant à ma grossesse, je ne vous mentais pas, mais s'il vous faut vraiment une preuve, alors soit .... "

J'attrapais brusquement sa main et la lui plaquais de force sur mon ventre.

" Vous la sentez, maintenant ? Vous sentez cette énergie qui émane de ma fille ? Vous comptez toujours mettre ma parole en doute ? Maintenant, vous pouvez constater que je ne suis pas du genre à me cacher derrière de piètres mensonges. D'ailleurs, en parlant de ça .... "

Je me tournais vers Gordon qui se relevait avec difficulté. Au moins, il avait de la résistance, il fallait lui reconnaître ça. N'importe qui d'autre aurait réagi différemment, à sa place.

" Je n'ai pas non plus pour habitude de laisser les autres endosser la responsabilité de mes actes, encore moins quand il s'agit de mon mari. C'est moi qui ai tué Killer Croc, et non Cahal. Par contre, pour les gangs que vous avez cité, je n'y suis pour rien. "

Batman qui admettait ses erreurs ... je n'aurais pas cru cela possible, vu l'attitude qu'il adoptait jusqu'à présent. Sans doute devrais-je revoir mes aprioris à son égard, mais pour l'heure c'était encore bien trop tôt. Surtout que mon attention était actuellement focalisée sur le commissaire, qui me braquait de son arme. Et j'avais beau garder le silence en me contentant de le fixer, je n'en pensais pas moins. Comptait-il vraiment m'arrêter après l'aide que je lui avais apporté, ou n'était-ce là que le réflexe d'un homme rodé après des années de métier dans la police ? Au moins étais-je sûre qu'il n'allait pas tirer, car cela remettrait en cause son intégrité. Il finit toutefois par ranger son arme, réalisant certainement l'absurdité de son geste.

" A une époque, je vous aurais passé les menottes et trainée dans une cellule jusqu'à votre passage au tribunal. Mais j'imagine que quelqu'un comme vous avec de telles.......capacités, n'aurait aucun mal à s'en échapper. A quoi bon dans ce cas?  Alors, je ne vous poserai que deux questions à cet instant: Pourquoi avoir tué Waylon Jones? Qu'avait il fait pour que vous le mettiez en miettes? "

" Dites-lui, Terra. Dites-lui pourquoi vous l'avez fait. "

Je laissais échapper un long soupir. Des questions, encore des questions .... Je pouvais comprendre leurs interrogations à mon sujet, mais cela ne pouvait-il pas attendre un autre jour ? La fatigue me gagnait, et je n'avais qu'une envie ; rentrer au bercail me reposer, sans compter que j'avais également Jade à m'occuper. J'acceptais toutefois de leur répondre, histoire de régler ça prestement.

" Parce qu'il était sur le point de faire d'un bébé son hors-d'œuvre, voilà pourquoi. Ai-je vraiment besoin d'entrer dans les détails ? Et pour ce qui est de l'avoir mis en pièces ... il ne s'agissait pas de moi. Et inutile de me demander qui c'est, je ne vous répondrais pas. "

Il était évident que je n'allais pas dénoncer les actes d'Akuma, bien que ceux-ci pouvaient se révéler discutables. Et étrangement, Batman ne semblait pas non plus enclin à le lui révéler, malgré son animosité envers la Lignée. Enfin, étrangement ... pas tant que ça, en réalité. Sans doute tenait-il à éviter une guerre ouverte dans laquelle des civils risqueraient d'y perdre la vie. Rien de bien étonnant de la part d'un justicier, et j'aurais agi de même à sa place.

" A présent, je vous prie de m'excuser, mais je vais prendre congé. Vous savez où me trouver, si jamais il vous venait d'autres questions ... ou si Cahal faisait à nouveau parler de lui. "

Sans ajouter un mot, je dépliais mes ailes et m'éloignais au plus vite jusqu'à atteindre une ruelle déserte. Jouer les filles de l'air aurait écourté le trajet jusqu'au Sinner's, mais maximisait mes chances de me faire repérer. De plus, Akuma m'ayant expliqué l'itinéraire, je n'avais eu aucun mal à m'orienter pour venir, et il en serait de même pour le retour. La marche ne me prit qu'une vingtaine de minutes, et c'est sans attendre que je me rendais vers mes quartiers sitôt arrivée. Jade était toujours endormie, et je ne tardais pas non plus à aller m'allonger, non sans m'être d'abord assuré que son sommeil n'était pas perturbé par un rêve quelconque. Et à peine avais-je fermé les yeux que je sombrais à mon tour.