Alors que la buée avait maintenant envahi la totalité de la salle de bain, Dick arrêta l’eau brulante de sa douche. Il s’était suffisamment détendu, à ne penser à rien sous l’eau chaude. Il prit une serviette et essuya son corps, couvert des nombreuses cicatrices qu’il a pu avoir lors de ses batailles à Gotham City. Une fois au sec, il essuya la buée sur son miroir pour enfin voir son reflet. Le reflet de Dick Grayson, alias Nightwing. Il souffla, pourquoi était-il aussi tendu? Il n’y avait aucune batailla à l’horizon, aucune personne en danger de mort, aucun anicroche avec Bruce … Juste un café, un café avec sa meilleure amie, Barbara, ni plus, ni moins. Mais pourtant il avait les jambes qui flageolent, la gorge sèche et le cœur battant. Une montée d’adrénaline proche de celles qu’il pouvait ressentir lors de ses combats les plus rudes. Il prit le temps de se calmer, c’était juste un café entre amis après tout.

Il se coiffa, Dick prenait soin de son apparence. Il choisit une tenue décontractée mais à la mode, inutile de trop en faire, même si une partie de lui avait une irrémédiable envie de bien paraitre, le plus possible. Il prit ses clefs et sortit de chez lui avec son casque de moto, il avait bien l’intention d’y aller avec son engin de transport favori. La sensation de cette conduite effrénée saurait le détendre, il ne voulait pas démontrer ce stress lors de ce café, ce serait idiot. Il monta sur sa moto et se dirigea vers Gotham Plaza, bien au-dessus de la limite de vitesse. Il savait que de toute façon la police était bien assez occupée pour poursuivre un simple motard agité. Cette course le détendit, comme il l’avait pressenti. Il arriva sur place. Devant ce petit café typique où il devait rejoindre Barbara. Il gara sa moto devant le café, et se dirigea vers les tables. Aucune jolie rousse en vue pour le moment. Il avait été plutôt rapide pour se rendre il faut le dire. Aucune importance, il allait l’attendre. Il se posa à une table et replça ses cheveux dans le reflet de la vitre. Pas de stress non, après tout, ce n’était qu’un café entre amis.

Elle arriva enfin, arborant son plus joli sourire. C’était quelque chose de si naturel chez elle. Et c’était rafraichissant aussi, de la voir ainsi, si heureuse, au-dessus de toutes les saloperies qui pouvaient arriver dans cette ville. Elle était comme le premier rayon de soleil après une longue nuit sombre. C’est une des raisons pour lesquelles sa présence était indispensable pour Dick. Il se battait toutes les nuits, et faisait faces à de rudes épreuves. Il était devenu le protecteur de la ville et se devait de rester fort pour Gotham. C’étaient ces précieux moments passés avec Barbara qui le lui permettait. Dick lui rendit son sourire.

- Je suis désolée, j’ai été retenue à la bibliothèque.

Elle l’embrassa sur la joue et il tressaillit, comme à chaque fois. Dick ne savait jamais quoi penser de ça, une partie de lui aimait ça mais une autre lui disait de ne pas se le permettre. Il voulait se dire que leur relation était purement amicale, mais elle était en réalité hautement plus complexe. Elle posa ses affaires et s’affala sur son siège. Elle semblait exténuée. Elle rougissait et n’osait en dire plus. Dick en déduit qu’elle se sentait probablement mal à cause de son retard. Elle détestait ça. Il la rassura :

- Ne t’en fais pas, je viens d’arriver, et puis nous avons toute l’après-midi devant nous non?

Il prit le menu et regarda rapidement ce qu’il prendrait. Il en avait plutôt l’habitude. Il voulait profiter d’être là pour manger un peu. Il n’en avait guère le temps à cause de ses activités nocturnes. Ces seuls temps libres, il les passait soit dans ses entrainements intensifs, soit avec Barbara. Il appela un serveur, en ayant laissé le temps à Barbara de regarder la carte si besoin est. Puis il passa commande :

- Je vais prendre un thé glacé et des pancakes s’il vous plait. Barbara, tu veux quelque chose? Je te l’offre.

Elle plongea son regard directement dans le sien quand il l’invita à prendre commande. Quand elle faisait ça, elle le paralysait littéralement. Il ne savait ni bouger ni parler que le bleu intense de ses yeux le pénétrait. C’était sa meilleure amie et quand leurs regards se croisaient ainsi il était pétrifié. Elle se mit à rougir, lui aussi. Il souffla et pris sur lui, voulant soutenir son regard, même si ça le perturbait il aimait profondément cette sensation. Elle lâcha finalement son regard pour se tourner vers le serveur et prendre sa commande.

Elle ne commanda qu’un thé glacé. Quand elle le demanda, elle prit ensuite rapidement un air nostalgique. Il était l'heure de déjeuner et elle n’avait rien mangé. Quelque chose la tracassait. Il la connaissait par cœur et ce genre de signes ne le trompait pas. Il se demanda ce qui la titillait ainsi. Il n’aimait pas la voir inquiète.

Elle quitta sa nostalgie rapidement et posa, comme lui, la carte sur la table. Leurs mains se touchèrent et un grand frisson parcourut son corps. Il choisit de rester impassible lui aussi. Mais ce genre de geste ne pouvait le laisser de glace c’est certain. Elle inclina sa tête sur le côté, la rendant encore plus belle et rayonnante qu’à l’habitude. C’était si dur pour Dick de continuer à se voiler la face sur ses sentiments dans ces moments-là. Et ces temps-ci, plus il la voyait, plus ce qu’il ressentait s’intensifiait. Mais il voulait rester droit, rester fort, rester un ami. Seulement combien de temps encore tiendrait-il ainsi? Une question qu’il n’oserait jamais se poser. Elle brisa finalement le silence :

- Tu as l’air réellement fatigué en ce moment. Tu devrais prendre le temps de te reposer un peu.

En effet, il était très fatigué. Jongler entre sa vie de héros et de jeune millionnaire philanthrope était très compliqué. Il n’avait pas l’expérience et le recul de son mentor. Mais il tenait le choc, il devait rester fort, et ne laisser transparaitre aucune faiblesse. Mais il ne leurrerait pas Barbara. Elle le connaissait aussi bien qu’il la connaissait. Elle ajouta alors :

- Et si tu venais à la maison demain soir ? Je ferais à dîner et tu apporteras des films

Cette soirée le tentait, c’est plus que certain! Mais il se disait que cela reculerait ses occupations nocturnes. Il réfléchit un instant et se dit pourquoi ne pas sauter une nuit? Rien que cette fois? Barbara semblait aussi fatiguée qu’il ne l’était, et l’idée de passer la soirée avec elle était si douce à ses oreilles qu’il ne pouvait refuser. Il se mit à sourire et se pencha en avant, plongeant à son tour son regard dans le sien et dit alors :

- Houlà, j’ai un agenda plutôt chargé tu sais! Mais bon je vais te dire OK, parce que tu as l’air aussi fatiguée que moi miss.

Il s’arrêta et prit un air plus sérieux. Il n’aimait pas qu’on s’inquiète pour lui, mais ne pouvait s’empêcher de s’inquiéter pour les autres. Surtout avec Barbara. Il tendit sa main pour saisir la sienne, dans un geste qu’il voulait purement amical et compatissant, bien que son cœur, battant la chamade, dise le contraire. Et il continua d’un ton plus sérieux :

- Avant de t’inquiéter pour les autres, tu devrais d’abord t’inquiéter pour toi. Je sais que quelque chose te tracasse. Ai-je tort?