– Comment …ils … nous sommes ici ? Plus le moment d…

La voix de Tim s’était comme évanouie, étouffée par le fracas des combats. Cassandra était agenouillée. Son souffle repoussa la poussière blanchâtre qui l’enveloppait. Elle tira sur son nez pour évacuer le sang. Le sol trembla lorsque l’Ours se laissa tomber sur le plancher moisit. Ils se retrouvaient tous les deux dans le vieil embarcadère des docks. Cassandra pouvait voir l’eau briller entre les lattes de bois.
Elle appuya sa main sur sa cuisse et se releva. Plus haut la silhouette de Red Robin se dessina. Elle esquissa un sourire.

– Vous m’avez suivi depuis Hong Kong, Finit-elle par dire. J’étais certaine que de la vermine me suivrais. Pourquoi ? Inutile que je pose la question je suppose… alors je vais te faire cracher la réponse en arrachant ta langue.

Elle serra les poings et chercha à contenir sa colère, mais sa peau rougissait à mesure que son esprit se remémorait douloureusement l’échec qui l’avait conduise à s’exiler… Furieuse, elle bondit toutes griffes dehors. L’Ours défendit son visage avec son avant-bras mais les doigts crochus de Cassandra s’enfoncèrent dans sa peau. Elle pivota sur son flanc en emportant le bras du colosse avec elle. Pivotant sur elle-même, elle se laisse tomber de tout son poids en tordant le membre dans le mauvais sens, jusqu’à ce qu’un CRAC sinistre retentisse. Il hurla comme une bête gémit lorsqu’elle est mutilée. Mais elle ne s’arrêta pas là. Une lame secrète sortit de l’extrémité de sa chaussure, avec laquelle elle lacéra ses tendons d’Achille. Puis, elle donna des coups de paumes successifs dans les genoux, dans les coudes, l’estomac, les épaules… en quelques secondes, elle avait brisés la plupart des articulations du Titan, qui tomba à ses jambes.

– Dis moi ce que tu sais ! Cria Cassandra.

Elle venait d’attraper une lame entre ses deux doigts, menaçant la gorge de l’Ours tout en l’étranglant. C’est alors qu’il la regarda comme jamais encore il ne l’avait regardé. Ses pupilles s’étaient dilatées, ouvrant son esprit à la lecture et laissant parler ses micro mouvements pour lui. Dans l’esprit de la combattante se formèrent des mots, des images, des sensations.

– Ca n’est pas moi… articula-t-elle en ouvrant les yeux en grand. La cible n’était ni moi, ni même Red Robin… vous le voulez lui. C’est lui. Ca a toujours été Batman. Qu’est-ce qu’il ne doit pas découvrir ? Que peut-il savoir ? Attends… Je n’ai plus faite mon rapport à Batman pendant plusieurs mois et cela avant même de quitter Gotham il y a presque un an…

Une idée avait surgit. Un pressentiment. Son visage changea et elle parut anxieuse.

– … tu sais ce que j’ai fait ?
– Pas moi. Quelqu’un, répondit l’Ours la bouche grande ouverte et les gencives apparentes.

Ses sourcils s’abaissèrent, son regard devint noir. Tim avait-il vu, entendu quelque chose ?

– AAAH !

Elle crut sentir son tendon d’Achille se déchirer, mais c’était la force avec laquelle elle se projeta qui l’emportait. Un débris de bois qu’elle venait de ramasser troua la cage thoracique de l’Ours, perfora ses poumons et ressorti de l’autre côté. Comme elle voulait être certaine qu’il serait vaincu, elle enfonça un peu plus l’écharde mortelle avec ses doigts, à tel point qu’elle put sentir la chair de son adversaire sur ses phalanges. Puis elle posa sa semelle sur son dos et le poussa face contre terre.

– Alors tu m’es inutile. Meurs.

Elle soupira. Comme elle sentait la présence de Tim, elle resta le dos tourné pendant un moment. Puis après quelques longues secondes de silences, elle effectua une pirouette et atterrit à côté du jeune prodige. Elle essuya le sang sur ses mains avec son costume.

— Tu as bien combattu, dit-elle à Red Robin avec une certaine complicité. J’ai l’impression que tu es devenu plus rapide… ?

Elle évita volontairement de parler de ce qu’elle venait de faire. Mais dans son regard aucune honte ne se lisait, pas même lorsqu’elle regarda Tim. Pourtant elle cru lire sur le visage de son fidèle ami la sévérité du jugement dont il faisait preuve à son égard. Allait-il la réprimander ? Il y avait dans son regard quelque chose qui attirait profondément Cassandra... une sensation qu'elle n'avait jamais connue qu'à travers les yeux des membres de la bat-family.
Son souffle était court. Elle sentait encore l’adrénaline parcourir son corps tout entier. Soudainement elle attrapa Tim par le col de son costume et l’embrassa, en passant ses mains dans ses cheveux. « Tu n’es pas encore assez rapide, semblerait-il ». L’étreinte fut brève, mais électrique. Elle sentit un picotement dans ses joues qui se pourprèrent de rouge. A peine avait-t-il eu lieu, ce geste de tendresse ressembla à un souvenir.

— Ne t’inquiète pas pour Violette, chuchota presque Cassandra en relevant son écharpe sur son nez. Ce n’était qu’un seul baiser.

Entre temps l’expression sur son visage redevint indescriptible. Sur ces paupières baissées, des cils noirs de geai encadraient ses yeux de félin ; son regard se balada de gauche à droite, comme s’il se perdait dans la traque d’une proie invisible.

— J’ai observé autour de moi… dans certaines situations fortes, des personnes proches expriment leurs sentiments par un baiser. Barbara, Dick, Stéphanie… toi. C’est quelque chose de bien réel. Ça existe. C’est une convention que je crois… commencer à comprendre… Tu m’as embrassé parce que tu tenais à moi. Laisses moi te montrer que je tiens également à toi.

Comprenait-elle réellement le sens d’un baiser ? Percevait-elle la sincérité et l’authenticité d’un amour véritable ? Bien sûr que non. En tant que < l’Arme vivante >, elle se sentait étrangère à ces émois. Et elle commençait à peine à percevoir, à sa manière, les bienfaits de la chaleur humaine...

— Hum… bégaya-t-elle avec sa voix habituelle. Nous devrions nous soigner et… j’aimerais me changer. Tu fais toujours ton thé ? Où est ton repère ?

En effet, Cassandra n’avait établie aucune base dans Gotham. D’ailleurs, elle ne le souhaitait pas et rejoindrait Blüdhaven le lendemain.

Cassandra terminait à peine sa phrase quand l'ombre de Tim la plongea dans l'ombre. Surprise par cette nouvelle proximité, elle sentit sa bouche trembler lorsqu'elle sentit ses mains se poser sur elle. Elle voyait seulement les yeux de Tim briller sous son masque en la contemplant.

Puis ce fut l'obscurité totale. Ses paupières étaient retombées. Tim l'embrassait. Un échange très tactile. Elle sentit la douceur et la saveur de ce baiser glisser de ses lèvres, parcourant son épiderme, ses épaules, son dos... son corps tout entier. Quelque chose la paralysa. Elle sentit tout son être s'échapper.

Était-ce le simple sentiment confortable d’être aimé ? Cela était étrange. informel. Seul le contact humain lui avait jamais conféré cette sensation. Ou bien peut-être était-ce simplement la biologie de leur corps à tout les deux qui produisait cette chaleur enivrante ? Elle ne comprenait pas, et un millier de questions comme celles-ci parcoururent l'esprit de Cassandra, qui soudainement, devint frigide et se bouscula en arrière pour se libérer de l'étreinte du garçon.

– Stop, dit-elle sèchement.

Elle posa ses poings sur son torse de Tim et le poussa. Elle passa son index sur ses lèvres encore suave et releva immédiatement son col sur son nez.

– N'y prends pas goût. Ça n'arrivera plus.

Elle se sentit gênée. Elle espérait ne pas se tromper. Son visage redevint sérieux. Elle ne tremblait plus. Son attitude et sa gestuelle exprimait sa détermination.

– Je suis sincèrement heureuse de te revoir, Tim. Mais j'ai quelque chose à accomplir à Gotham. La chose est que... je n'oublie pas ma dette envers la Batfamily. Envers Batman. Bruce. Je veux revenir, mais la seule chose que nous serons, c'est partenaires. Et peut importe le pseudo que j'emprunterais... Batchick, KnightBat, Black Robin ou BlackBat....

Comme ils semblaient tout les deux revenir sur leur pas, elle repensa au costume de Batgirl. Ce symbol...
Tout en imageant sa sa pensée, elle dessina les contours d'une chauve-souris avec son index sur sa poitrine.

– J'apprécie BlackBat ! Dit-elle avec un sourire qui raviva une flemme qui fut longtemps éteinte en elle. Cette vie me manque. Penserais-tu pouvoir exister sans ce symbole sur ton poitrail ?

(hrp/ Désolée pour le délai !)

Elle remarqua que Tim se mordait la lèvre. Son pouls semblait plus rapide lui aussi, car elle pouvait voir la veine de son coup palpiter un peu plus vite. Ses pupilles se dilatent aussi. Se posait-il des questions? Avait-il des doutes sur mes motifs ou la vérité du retour de Cassandra à Gotham ? Elle jeta sur son ami un regard ferme. Elle n'avait pas envie d'aborder ce sujet. Pas maintenant. Pas ici. De plus, le baiser rendu ou volé par Tim lui picorait encore les lèvres.

Elle étira ses bras, la journée avait été longue, et des sentiments inattendus avaient fait leur apparition. Elle jeta un regard par-dessus le toi et vit les corps étalés des hommes qui les avaient attaqués. Le calme ne serait que de courte durée car la nuit allait bientôt laisser le soleil se repaître de sa noirceur pour briller à nouveau. Bientôt, les premiers marins et les douaniers prendraient leur service et trouveraient des hommes ligotés et bâillonnés sur la berge.

– Tu as toujours envie d'un thé alors ? Lui demanda Tim.

Elle sourit sous son écharpe. Autrefois, ils adoraient tous les deux prendre une bonne tasse de boisson chaude après une nuit de patrouille.

– Une seconde.

Elle sauta parterre et comme prévu, elle ligota la douzaine d'hommes HS. Elle jeta à peine un oeil en direction du ponton où gisait le corps de l'Ours. Elle entraperçu le sang s’égoutter dans l'eau, mais cette vision la laissa insensible. Avant de se relever, elle déposa un batarang sur le cordage de l'un des hommes. Un avertissement.
Une seconde plus tard rejoignit Tim.

– Maintenant, je suis toute oui. Je te suis. Partenaire.

Sans un mot, Cassandra le rejoignit et enjamba la moto. Elle passa ses fines mains autour de la taille de Robin. Le voyage lui sembla interminable, mais nécessaire. Ils avaient finalement besoin de ce moment intime pour réfléchir, se reposer.
Les courants d'airs agitaient ses cheveux qui ondulaient sur son visage. La moto de Red Robin était un engin surprenant, elle avait la sensation de glisser. Les lumières de la ville filaient comme des étoiles. Zigzagant entre les voitures, la machine roula à plus de 130 km/h. Tim conduisait à la perfection, analysant chaque trajectoire possible, calculant la réaction des automobilistes et des piétons. Les phares des voitures voyaient passer un fantôme.

Lorsque Red Robin ralentit enfin, ils étaient déjà très loin de leur point d'origine. Le quartier était calme. Les réverbères grésillaient calmement. Un chien aboyait au loin. Les rideaux étaient clôs. Elle le suivit jusqu'à son appartement. Lorsqu'elle passa le seuil, elle sentit l'étrange excitation d'un souvenir retrouvé, d'une réalité à nouveau tangible. Cet appartement lui avait manqué. Elle sourit intérieurement, et retira son masque. Ses yeux noirs balayèrent la pièce. Sans un mot, Tim s'était éloigné en direction de la cuisine. Elle entendit la gazinière brûler, l'écoulement de l'eau du robinet et le tintement de la cafetière sur la plaque de cuisson. Il préparait le thé. Promesse tenue. Sans le suivre, elle fit quelque pas jusque devant la table basse. A droite, près de la seule fenêtre qui cernait la pièce était posé un meuble ancien, sur lequel reposait des cadres. Sans s'approcher, elle se concentra sur les visages souriants présents sur les photographies. Des visages familiers parfois, et d'autres, inconnus mais réconfortants. Tu vis bien, n'est-ce pas ? Tu as l'air bien entouré.

Aussi familièrement qu’autrefois, lorsqu'elle avait pour première fois foulée les planche de l’appartement, elle contourna la table basse et se laissa tomber à gauche du siège, contre l'accoudoir. jetant un nouveau coup d’œil dans l'embrasure de la porte de la cuisine. Elle distinguait l'ombre de son ami. Elle entendait aussi les cliquetis de la vaisselle qu'il manipulait.
Pendant ce temps, elle posa son masque devant elle, ôta lentement son écharpe. Elle plia le bras pour atteindre la fermeture éclair de son costume. Laissant glisser la fermeture, elle remarqua les griffures qui avaient déchirées le tissu, les hématomes et les coupures causés par le combat.
Elle grimaça lorsqu'il fallu tordre les bras pour se libérer des manches. L'Ours lui avait foulé le poignet. Lorsqu'elle eut terminé de se dévêtir, elle se retrouva en pantalon et en brassière. Sur son corps reluisait les cicatrices des nombreuses blessures subies au fil des années. Les premières, les plus anciennes, étaient des blessures par balle. La plupart avaient été infligées par son propre père...

Tim réapparut enfin. Il tenait un plateau sur lequel était posé le service à thé. Elle passa sa main dans sa nuque pour se masser, et sourit. Puis, attrapant une tasse entre ses doigts, elle se recroquevilla sur la canapé en s'essayant sur ses jambes croisées.

– Cet appartement n'a pas changé, finit-elle par dire après une lapé de thé. Tu étudies toujours ? Et les personnes sur les photos... elles ont l'air heureuses avec toi...Tu as une photo de ta copine ?

En effet, elle avait remarqué un cadre plus grand et placé devant toutes les autres. Une jeune femme et une enfant. Ce pourrait-il que... ? Mais peut être avait-elle été inconvenante. Elle se tût, et repris une gorgée de thé.

— Je reviens dans une seconde, Cassie.

Les yeux de Tim la quittèrent. Elle remarqua qu’ils brillaient. Il est gêné, je crois que je l’ai embarrassé, pensa-t-elle avec quelques remords. Je ne devrais pas me mêler de sa vie privée ...
Sans voix, Cassandra l’observa s’éloigner, jusqu’à ce qu’il disparaisse dans la salle de bain. L’ampoule s’alluma et grésilla pendant quelques secondes, puis le bruit d’un placard brisa le silence. L’ouïe de Cassandra fut cependant attirée par un autre bruit. Sur la fenêtre tombait la pluie. Les carreaux tremblaient au rythme des fines gouttelettes qui venaient s’y échouer. Cela produisait des cliquetis suraigus. Elle observa l’une d’entre elle qui, s’écrasant d’abord, perla et glissa. Elle réalisa qu’elle s’était perdue dans ses pensées lorsque Tim réapparut dans le reflet de la vitre. Interrompue dans sa rêverie, Cassandra revint à elle. Il tenait une trousse de premiers soins dans les bras.

— Tu es blessé ? demanda-t-elle.

Peut-être sembla-t-il amusé, parce qu'un sourire se dessina sur le coin de ses lèvres. Elle comprit immédiatement que les soins n'était pas pour lui. Mais pour elle. Hébétée, elle posa sa tasse devant elle. Je ne peux pas lui refuser ça. Ainsi revint-il s'asseoir à ses côtés. Tim déposa le désinfectant et les compresses sur ses genoux, quant il esquissa un mouvement dans la direction de Cassandra. La main du jeune homme vint à la rencontre de la sienne.
Elle le laissa manipuler son bras. Ses gestes étaient doux, prévenants. Il prenait soin de ne pas provoquer l’éruption de la douleur. Tu sais pourtant que je ne crains pas la douleur, Tim, pensa-t-elle avec un sourire intérieur. Il traita son bras, banda son poignet foulé, puis posa des compresses alcoolisés sur les tuméfactions de ses joues, son cou, son abdomen...
L'opération s'effectua dans un calme reposant. Après quelques minutes, elle le sentit s'agiter un peu plus.

— Voici Violette, et sa fille adoptive, Elly. C'est la seule photo que j'ai d'elles, dit-il en posant le dernier pansement sur son corps.
— Elles sont belles toutes les deux. Elles ont de la chance de t'avoir.

Il lui avait donné le cadre. Elle le tenait dans ses deux mains. Sans un mot de plus, elle observa la photo de la jeune femme. Oui, elle était belle. L’enfant aussi. Cassandra sentie son cœur se réchauffer et ses tempes se serrer sur son front. Ses pommettes commencèrent à rougir. Elle se savait observée par Timothy lorsque ce dernier renchérit :

— Et toi alors, tu as connu quelqu’un d’autre depuis notre baiser ? Excuses moi, ça ne me regarde pas…

Ainsi il confirmait que Violette était sa petite amie. Comme elle crut sentir sa gorge s’assécher, elle se dépêcha de poser le cadre sur la table basse et se recroquevilla sur elle-même avec sa tasse de thé, dont elle avala une autre gorgée.

— Ca ne me gêne pas. Non. Personne... Tu as été... le seul.

Elle avait les mains cramponnées à la tasse de thé.

— … Merci pour les soins, finit-elle par dire. Mais tu sais que je peux encaisser sans broncher. Je n’ai pas besoin de protéger mon corps pour me battre. Tu te souviens de nos entraînements ? Je crois qu’on en était resté sur une de tes défaites. Tu t’étais bien battu. D’ailleurs, tu es meilleur aujourd’hui.

Elle lui sourit avec complicité. Il s'agissait d'un agréable souvenir.