Seule.
Pas d'Ubu, d'Heretic, d'I-Ching et aucun de tous les assassins qu'elle aurait pu mander pour être accompagnée. Sa garde personelle était restée à la forteresse du Démon et s'entraînait docilement. Talia était seule, avec sa meilleure et seule véritable amie : la nuit. Plus qu'une amie, une soeur, aussi mystérieuse et aussi sombre, immortelle elle aussi mais plus seulement plus âgée de quelques milliards d'années. Mais dans une existence où prime l'éternité, que veut dire l'âge ? Accompagnée donc de l'obscurité, Talia se dirigeait vers le vieil entrepôt siège de la triade Kagi, avec la lenteur qui se voulait gracieuse de son rang mais assez rapidement pour glisser dans la rue en se mêlant aux ombres, plus ou moins discrète. Elle ne cherchait pourtant pas à se cacher. La noirceur de sa tenue était traditionelle : c'était le costume standard de la Ligue, qui permettait une liberté de mouvement totale couplée avec le port et l'accessibilité rapide à tout son arsenal d'armes. Paradoxalement à Talia Head et son port étudié, la maîtresse des assassins laissait ses cheveux tomber derrière son dos et ne portait pas le moindre maquillage. Comme ses aptitudes de combat, le physique de Talia avait été étudié par son père pour être sans artifices, brut, complet.

Elle tourna à l'angle d'une rue et plongea dans le centre de Chinatown, un quartier qu'elle affectionnait beaucoup. Si ses origines était plus médio-orientales qu'asiatiques, elle avait toujours adoré les cultures régnant entre la blanche Russie, l'immense pacifique et l'Océanie. Chinatown était un quartier certainement mal famé, les conditions de vie étaient certes difficile, mais quel beauté ! Quelle culture ! Le slogan de son programme revint en mémoire de la candidate à la direction du Monde Purgé et, avant cela, de Gotham : " Là, tout n'est qu'ordre et beauté. Luxe, calme et volupté".

L'ordre était ici représenté par les plus grandes triades du quartier, des organisations asiatiques et donc aussi violentes qu'inspirées par le dur mais magnifique bushido. Si, dans le reste du monde, les hommes aux yeux bridés régnaient sur la criminalité avec des groupes comme Yamaguichi-Gumi, Sun Yee On, United Bamboo ou encore Dai Huen Jai, c'était le clan Akumu qui, à Gotham, criait le plus fort. Tranchait le plus vite. Vendait le plus cher. Autrement dit, c'était eux qui avaient le pouvoir. Ils faisaient parti de ces criminels que la Ligue rêvait d'exterminer en premier, ceux sur lesquels elle s'acharnait depuis des siècles et des siècles, sous les ordres de Ra's Al'Ghul puis de Talia depuis récemment. Mais aujourd'hui, Talia n'avait pas de velleiltés particulières. D'autant que la famille Akumu n'était plus grand chose. La quantité avait largement décrue bien que l'on raconte aisément que la qualité était toujours au rendez vous, servie par une tenue de route indispensable : la folie. Ils n'étaient peut être plus le roi, ni la reine, mais ils étaient encore le fou, et cette pièce a toujours sur sa retors trajectoire des éléments assez intéressants de l'échiquier de Gotham. Bien sûr, des membres de la Ligue ne se trouvaient pas loin, au cas où, et elle avait de quoi les contacter en cas de danger. Mais elle ne craignait rien, sauf les caméras. C'est pourquoi elle portait un foulard d'assassin sur sa bouche et son nez lorsqu'elle s'arrêta finalement, devant la double porte d'entrée du repaire des Akumu. Elle ne voyait pas grand monde à l'horizon hormis des badauds mais elle savait pertinemment que tous travaillaient probablement pour le fameux Kagi, et qu'il y avait des gardes qu'elle ne voyait pas.

Et qu'ils n'attendaient qu'une seule chose : une intrus à initier aux codes du Gotham oriental. Elle savait que personne ne lui poserait de questions avant de l'avoir observé pour connaître ses intentions et, de toute façon, préféra prendre les devants. Elle n'éleva d'ailleurs pas la voix, inutile, il était certain que quelqu'un l'entendait. Son expérience dans le monde criminel lui avait appris que, même à travers les décennies, dans le monde des mafias et des triades, même les murs avaient des oreilles et que c'était des rapporteurs de première.

- Je suis une membre de la Ligue et j'aimerais parler à votre leader, ou Kagi-denka. Sur le champ.

Ne surtout pas dire son nom, en cas d'enregistrement.

C'était la nuit.
Il était las. Las et fatigué. Toutes ces années dans cette famille en quête de la même chose. Cette chose qui lui permettrait de revivre enfin.
Dix-huit ans qu'il en cherche un.
Il avait pensé que peut-être Gotham City lui apporterait ce qu'il cherchait; après tout qui y ferait attention dans une ville empreinte de tant de crimes et d'assassinats?
Il était alors venu, il s'était installé et il avait vécu tant de choses.
La Dame Grise est certainement l'une des plus belles choses qui lui soit arrivé. Il en est encore ému.
Et sa soudaine disparition qui a mis fin à sa gaieté, l'a profondément bouleversé.
Plus rien ne lui faisait envie.
Il n'avait plus l'envie de se battre.
Plus du tout.
Mais il devait tenir. Il était venu pour un objectif, il devait tenir et l'accomplir, et alors il pourrait enfin changer et disparaître à jamais.

C'était la nuit.
Il se sentait fatigué. Les bêtises de ses hommes de main adorés, sa brochette de tarés, ne l'amusaient plus.
Il ne souriait plus. Il ne riait plus.
Même ses mélodies et sa voix chantant ne se faisaient plus entendre.
L'entrepôt était presque...mort. Et tout respirait la mort et la maladie.
Ah! Que de choses qui se sont déroulées ici.
Que d'évènements importants qui resteront gravés dans l'histoire de la famille yakuza la plus folle qui soit.
Mais au fond, qui connaît leurs véritables objectifs? Personne.

C'était la nuit.
Il était dans le hall, assis sur une caisse, buvant du thé. Tout seul.

- Je suis une membre de la Ligue et j'aimerais parler à votre leader, ou Kagi-denka. Sur le champ.

Une voix féminine au dehors.
Les sbires s'agitaient. Certains avaient peur, d'autres étaient prêts à se battre vainement.
Nonchalamment, Kagi se leva et se dirigea à pas lents et fatigués vers l'extérieur.
De lui et d'où elle était, la femme ne pouvait voir qu'une ombre au dos courbé par la lassitude.
Même la voix du Yakuza Gris, si enjouée habituellement de recevoir une quelconque visite, paraissait empreinte de cette lassitude.

-Ne faites pas attention à ces crétins, entrez je vous en prie...mademoiselle?

Il la fit entrer et l'invita à s'asseoir sur l'une des chaises pliantes, parce que de toute façon, depuis qu'il était ici, les rénovations n'avançaient même pas.
Lui, il s'assit en face d'elle. Ses yeux d'émeraude dont plus aucune lueur pétillante de l'espoir étaient cachés par ses longues mèches grises.

-Êtes-vous sûre de ne pas vouloir me fournir de nom? Personne n'est à l'affût depuis si longtemps, la seule chose que vous craignez ici, est de vous brûler la langue avec le thé que je vous propose. Je n'ai que du thé vert ce soir, je suis désolé, j'aurai aimé vous proposer une collation de votre choix et des petits gâteaux. Hum...mais je ne me suis pas présenté...enfin...la Ligue, j'en ai déjà entendu parler; vous venez me tuer?...non, sinon vous l'auriez déjà fait. Et inutile que je me présente puisque vous devez me connaître. Mais vous...que me voulez-vous et qui êtes-vous mademoiselle? demanda t-il poliment en servant lui-même le thé.

- Je me nomme Amaterasu.

C'est en tout cas mon pseudonyme au sein de la Ligue des Assassins. Et la raison de ma venue à Gotham, en dehors de la grotte des assassins est la même que celle de la réelle Amaterasu : apporter un peu de lumière à Gotham.

L'immortelle pensa avoir réussi à se faire passer pour une lieutenante de la Ligue fanatique et touchée par l'arrogance inhérante aux organisations dominantes. Personne ne l'avait reconnue et la Ligue comptait beaucoup de femmes de ce genre, semblables à des shahidka d'un nouvel âge, létales, intouchables et austères. En quelques sortes, le fan club de Lady Shiva. Ou plutôt, son héritage. Talia connaissait ses hommes et ses femmes par coeur, surtout l'élite qui était basée dans les capitales mondiales qu'elle traversait et celle qui la suivait jusque dans les bas fonds des forteresses du Démon ou les limites des déerts arides d'Afrique. Elle les connaissait par coeur, qui qu'ils soient, et se pensant à même de faire la comédie des plus caricaturaux sans être découverte. Silencieuse, la vraie fausse assassine laissa une poignée de secondes passer, peu pressée par les aléas du temps du fait de son immortalité, au contraire apparent de Kagi, qui semblait arriver au terme de sa période épicurienne. Il semblait même las, voir fatigué. Fatigué de quoi ? De combattre ? D'être ce grain de folie dans les rues de Chinatown ? Fatigué de la concurrence, ou tout simplement de l'âge, du temps qui passe, fatigué d'exister ? Des problèmes de mortels que Talia avait l'habitude de mettre à profit pour faciliter ses opérations.

- Effectivement, la Ligue n'est pas venue pour prendre du thé, ni vous tuer. Je tiens à dire tout de même que nous sommes honorés de voir que notre réputation est parvenue jusqu'à vos oreilles et, je pense que mes dirigeants rappelleraient que tout ceci n'est pas issu du plaisir de tuer ni d'une volonté criminelle. Ce n'est qu'un mal nécessaire, nous faisons la justice à Gotham et dans le reste du monde. Comme tous ces justiciers mais nous avons un encadrement, un entraînement et une discipline stricte, c'est tout.

Bref, ma visite ne prend pas sens dans l'explication de notre programme. En fait, si je suis ici, c'est pour vous proposer quelque chose. J'irais droit au but : la Ligue est encore à Gotham, et elle cherche à se positionner et à monter des partenariats. Nous.. nous vous avons choisi pour des raisons diverses, et la proposition est la suivante : nous vous aidons à prendre tout Chinatown, à vous imposer par ici, et en échange, nous nous servons de ce coin comme QG, poste avancé et put être de formation. Nous resterons discrets et le quartier sera à vous, seulement, nous travaillerons peut être en commun, à l'occasion ? Voilà tout ce que nous souhaitons au monde comme à votre organisation : de l'aide contre de l'aide. Nous avons la force, vous avez une existence, une présence qui n'est pas la nôtre et qui, du coup, nous intéresse.

- Je me nomme Amaterasu. C'est en tout cas mon pseudonyme au sein de la Ligue des Assassins. Et la raison de ma venue à Gotham, en dehors de la grotte des assassins est la même que celle de la réelle Amaterasu : apporter un peu de lumière à Gotham.

Amaterasu.
Comme cette déesse dans les mythes japonais.
La Ligue venait de marquer un point.
Kagi était relativement très superstitieux et quoiqu'il puisse lui en coûter irait-il jusqu'à offrir son âme, il était pour lui, maintenant hors de question d'offenser une femme qui portait ce nom.

Il était fatigué de toutes ces années de combats et de maladie qui s'aggravait de jour en jour.
Et lui qui, à la base, ne rêvait qu'à un peu de tranquillité et d'une famille bien unie, une femme, des gosses. Être père de famille, tout simplement. Il n'avait pas envie que les Akumu s'éteignent avec lui. Surtout pas.
Et puis...il n'avait que quarante ans, il était encore jeune et n'avait pas tant que ça l'envie de mourir.
Mais des dix-huit ans qu'il agonisait, ça commençait à faire de plus en plus mal.
Et les récents évènements l'avaient brisé dans son coeur et dans son âme.
A jamais.

Alors lorsqu'il avait entendu le nom de la Ligue, il s'était dit que c'était la Mort assurée, enfin!
Et chose inattendue et inespérée.
Une aide. Une proposition qu'il ne pouvait pas refuser car ça l'intéressait.

- Effectivement, la Ligue n'est pas venue pour prendre du thé, ni vous tuer. Je tiens à dire tout de même que nous sommes honorés de voir que notre réputation est parvenue jusqu'à vos oreilles et, je pense que mes dirigeants rappelleraient que tout ceci n'est pas issu du plaisir de tuer ni d'une volonté criminelle. Ce n'est qu'un mal nécessaire, nous faisons la justice à Gotham et dans le reste du monde. Comme tous ces justiciers mais nous avons un encadrement, un entraînement et une discipline stricte, c'est tout. Bref, ma visite ne prend pas sens dans l'explication de notre programme. En fait, si je suis ici, c'est pour vous proposer quelque chose. J'irais droit au but : la Ligue est encore à Gotham, et elle cherche à se positionner et à monter des partenariats. Nous.. nous vous avons choisi pour des raisons diverses, et la proposition est la suivante : nous vous aidons à prendre tout Chinatown, à vous imposer par ici, et en échange, nous nous servons de ce coin comme QG, poste avancé et put être de formation. Nous resterons discrets et le quartier sera à vous, seulement, nous travaillerons peut être en commun, à l'occasion ? Voilà tout ce que nous souhaitons au monde comme à votre organisation : de l'aide contre de l'aide. Nous avons la force, vous avez une existence, une présence qui n'est pas la nôtre et qui, du coup, nous intéresse.

-Votre proposition me paraît tout à fait intéressante. Seulement je ne suis pas le seul à m'être installé ici, et il y ait des gens encore plus intéressants que moi. Pourquoi ne pas avoir proposé votre aide à ce...euh...un type avec un pantin...je ne me souviens jamais de son nom...Enfin, qu'importe. Si vous avez pris la peine de vous déplacer jusqu'ici ça n'est pas pour rien n'est-ce pas? Votre proposition m'intéresse, je suis donc prêt à faire ce que vous voudrez.

Il ajouta avec un sourire gentil, aimable, sans ironie, mais fatigué.

-Et même si je refusai, vous vous installeriez quand même à Chinatown et je ne pourrai rien faire contre vous.

Puis il la regarda avec plus d'attention.

-Je ne vous connais pas Amaterasu sama, cependant...votre prestance et votre façon de parler, votre...aura en quelque sorte, oui, vous avez comme une sorte d'aura de puissance presque spécifique...vous êtes bien plus qu'une simple lieutenante, n'est-ce pas? Je ne vous connais pas et je suis las de beaucoup de choses dans cette vie; mais je sais observer ce qu'il y a autour de moi. Qui êtes-vous vraiment?

Intelligent.

Usé mais toujours fort d'une acuité certaine, extraordinairement spongieux et s'imprégnant facilement de l'aura de ses collègues, Kagi avait sous ses yeux bridés et fatigués un oeil de lynx, un souffle de dragon qui manquait de faire voler en éclat la couverture de Talia. Cette dernière resta pourtant indifférente, soulagée que le criminel ait accepté sa proposition et de n'avoir pas eu besoin de lui rappeler la force de la Ligue des Assassins. Elle releva la question avec un léger sourire fier, comme l'aurait fait cette Amaterasu si elle avait été une autre personne. Elle jeta un long regard sur le quartier général qui l'entourait, et que la Ligue allait pouvoir exploiter en aidant les Akuma à se relever et toucha du bout des doigts le fourreau de son cimeterre, qui reposait entre l'assassin et la maîtresse de la Ligue, comme un signe de paix et de désarmement. Elle avait hâte de reprendre les armes, et de redonner à la Ligue ce qui lui appartenait, même si elle ne savait pas encore qu'elle allait bientôt s'inscrire aux éléections de la Mairie et les remporter après le forfait de Shreck, laissant ainsi Gotham tomber dans les mains de ses ombres aux bords coupants qu'elle manipulait depuis la mort de son paternel.

L'immortelle retourna son regard et le reposa dans le courant tranquille de pensées mystiques et lucides qui s'échappait des yeux du fameux Kagi. Elle répondit dans un murmure, mais sans s'interrompre ni hésiter un seul instant.

- Je suis Amaterasu, et mes autres identités s'inclinent aujourd'hui devant cette dernière pour faire votre rencontre. Vos questions me sont élogieuses mais je n'ai pas de rôle plus important que celui que je viens de vous présenter. Nous comptons jouer franc jeu avec vous, Kagi. Votre soutien et le soutien que nous apporterons à votre entreprise sera essentielle pour .. restructurer Gotham. Ensemble.

[ HRPG : ... Désolée.. ]