Un vieil adage disait autrefois que la nuit portait conseil et c'était un précepte que le Akuma avait parfaitement creusé alors qu'il avait, pendant une partie de la soirée, laissé son regard divaguer parmi les étoiles du firmament, pesant le pour et le contre par rapport aux derniers événements.

Un choix difficile mais si cohérent qu'il ne pouvait en être autrement et ce fût dans un soupir entendu de lui seul qu'il sût ce qu'il avait à faire. Le mieux qu'il pouvait faire à présent était de dormir jusqu'à l'heure fatidique où il ferait comprendre à ces hommes et femmes en état de combattre qu'il était à présent temps de se reprendre en main et de faire en sorte de ne plus être surpris par Endron. De plus, plus tard dans la nuit, celui-ci avait entendu Black Canary et celui qui était son compagnon, à n'en plus douter, parler d'une nouvelle attaque nocturne. Bien qu'il n'alla pas à leur rencontre pour leur en demander plus, cette nouvelle attaque ne fit que renforcer sa détermination à lutter contre cet ennemi retord prêt à toutes les bassesses.

6H00 du matin avait sonné depuis dix minutes et d'un pas rapide bien que silencieux, l'Empereur avait franchi le village dans lequel il avait pris le soin de trouver intérieurement la paix avant de retourner dans le quartier des combattants de la Lignée et peu à peu, il passait au sein des chambres, signalant à ses hommes qu'il voulait les voir debouts et prêts dans quelques minutes. Pas un ne se rebella ou tenta de justifier un sommeil difficile et même les prisonniers de Carlton se levèrent, ceux-ci étant dotés de quelque chose en plus dans le regard, comme une envie non pas de justice mais de vengeance à l'égard du non humain. Un autre adage disait que la colère pouvait être la pire des conseillères mais tempérée, elle pouvait renforcer la détermination d'une personne à lutter....et ce jusqu'à la mort si il le fallait.

Puis vint la dernière chambre, celle où résidaient trois personnes dont une qui n'avait rien à y faire. Mais tenter de convaincre la petite Mary de se séparer de la fille de Carmine, c'était comme tenter de persuader le Batman du bien fonder de tuer: inutile !! Aussi décida il d'accepter à contre-cœur de laisser l'enfant dormir ici malgré des règles strictes. Aussi allait-il devoir réveiller son capitaine et sa compagne sans trop en faire. Pour cela, faire dans la mesure était l'idée mais sans dire un mot, dans le plus grand des silences qui le caractérisait, il entra dans la chambre et tira les rideaux de la fenêtre tout en faisant attention à ce que les rayons touchent seulement les deux adultes mais pas l'enfant. Et ce fût avec toute la tranquillité du monde, sans la moindre once d'autorité dans la voix qu'il s'adressa aux deux parents en devenir.

"Shiro, Kitrina, je vous veux tous les deux dans dix minutes pour le repas matinal. Ne trainez pas !! Nous avons du temps à rattraper et un entrainement commun avec la Garde Nocturne."

Shiro était jeune, inexpérimenté et parfois enclin à discuter des ordres qui lui semblaient aberrants mais il avait la volonté et le potentiel d'un grand guerrier. Il n'était pas rare que Hanzo se reconnaisse en lui quand il l'observait, bien que trop fier pour l'admettre ouvertement mais ce jeune homme lui rappelai tant ses frasques du passé, à l'époque où il n'était encore qu'un justicier d'opérette tuant parfois de temps à autre un criminel. Avec le temps et l'expérience, le Shirai Ryu avait gagné un surnom car se montrant capable de tuer ses victimes avant même qu'elles ne s’aperçoive de sa présence car capable de faire usage du décor pour se fondre totalement en lui.

Les années passèrent et petit à petit, il était devenu celui qu'on appelait "The Glimmer Man", un être furtif, invisible et craint des criminels, construisant peu à peu sa réputation et déversant sur ses ennemis une peur incontrôlable. C'était dans cette optique qu'il avait commencé à voir ses premiers alliés se joindre à lui et former la base de ce qui allait devenir "La Lignée", un groupe de tueurs rapides, furtifs et expérimentés.......et c'était à cette époque que le jeune Shiro, en proie à des ennuis avec son père, se joignit à Hanzo. Un jeune homme volontaire, borné mais déterminé comme en attestaient les gestes de celui-ci, s'étant déjà extirpé du lit et ayant probablement attendu depuis longtemps cette journée où il allait encore tenter de faire ses preuves. Un cérémonial inutile de sa part car il n'avait plus grand chose à prouver bien qu'on pouvait compter sur lui.

Mais la jeune Falcone, elle........était un cas à part. Certes, bien que présentant un potentiel exploitable, elle semblait être en proie à un état parfois borné refusant d'obéir et passant son temps à remettre en cause les règles qui garantissaient la sécurité de la Lignée. Dans un sens, elle et Akasha se ressemblaient bien plus qu'on ne pouvait le croire malgré leur animosité commune, mais ce n'était pas vraiment étonnant car toutes italiennes qu'elles étaient, elles gardaient une caractéristique de leur peuple: le sang chaud !
Mais le sien était encore particulièrement endormi et la convaincre de quitter le lit risquait fort de poser un souci d'ordre majeur.

"Kitrina, je serais toi, je me lèverais tout de suite." rajouta le jeune capitaine de la garde, avec un léger ton de malice dans la voix, comme devinant ce qui risquait de se produire en cas de désobéissance.

"Hmm..........revenez quand il f'ra jour........" murmura-elle, sa voix couverte à la fois par le sommeil et la couverture qui la recouvrait presque intégralement.

"Il est 6H10 et le jour se lève, jeune fille. Maintenant, fais en de même." rétorqua l'Empereur avec une expression imperturbable mais contenant intérieurement une impatience qui grandissait. Mais aucune réponse ne vint et pire encore, la jeune femme sembla se rendormir presque instantanément ce qui risquait fort de poser un nouveau souci. Avec une idée bien arrêtée en tête, le Samourai examinait la pièce, s'assurant d'un détail qui avait son importance: La petite Mary, qui dormait à poings fermés dans un autre lit et qui se trouvait à l'écart. Parfait, c'était suffisant et tandis que le jeune capitaine, comprenant ce qui allait arriver, se dirigea vers le lit de la petite pour parer à toute éventualité, le dirigeant de la Lignée, lui, ne se fit pas prier. Prenant une grande inspiration, celui-ci plaça ses mains en dessus du sommier de bois et diffusa toute sa force à travers des poings et ses bras. La suite n'en fût que plus bruyante tandis que le lit ne se retourna pas seulement mais s'envola littéralement, tournant sur lui même par deux fois et envoyant la jeune femme au sol, cette dernière chutant avec pertes, fracas et hurlements sous les rires à peine dissimulés de Shiro. Bien entendu, ce boucan réveilla instantanément l'enfant qui se dressa comme un diable dans sa boite, tentant de comprendre ce qu'il venait de se passer. On aurait dire que l'Empereur aurait pu faire preuve d'un peu plus de tact en faisant mention des sommations d'usage mais il n'avait pas de temps à perdre avec une personne qui refusait d'obéir.

Kitrina, elle, était totalement perdue, totalement surprise par le traitement subie alors qu'elle était en partie recouverte des draps et des couvertures qui cachaient sa nudité, fort heureusement. Mais passer du sommeil presque profond à un réveil aussi brutal risquait fort de peser sur son moral et ce, pour une partie de la journée. Dormir au sein de la Lignée, ce n'était pas comparable à une vie au sein de la Tour dorée des Falcone et le Shirai Ryu avait toujours été clair sur ce point.

"Maintenant que tu es réveillée, je te veux dans dix minutes au réfectoire. Ensuite commencera la journée d'entrainement que tu m'as tant demandé. Shiro, je compte sur toi pour l'escorter."

Le Akuma ne disait rien de plus, se contentant de murmurer quelques mots inaudibles à la jeune servante qui acquiesça d'un simple geste de tête, elle qui avait observé la scène quelques minutes auparavant et qui avait été désignée pour s'occuper des quelques repas ainsi que de l'installation de toutes et de tous. Il était clair qu'il avait une idée derrière la tête mais n'en fit aucunement mention, se focalisant sur son propre repas tandis que certains hommes autour de lui se laissaient aller à quelques petites discussions, chose qu'il autorisait, dans une certaine mesure et une certaine limite. On ne pouvait demander à quiconque de faire totalement silence à un repas.

De leurs côtés, Maya et ses hommes profitaient de ce repas frugal mais consistant pour beaucoup, qui étaient habitués à un régime parfois spartiate sans qu'il n'en soit trop affamant.

"Attendez, je rêve ou y'a aussi du pain de maïs?"
"C'est un laxatif. C'est bon pour ce que t'as, Terry."
"Redis moi ça en me regardant bien en face. A quel moment j'ai des problèmes pour chier?"
"Vu le temps que tu passes aux chiottes chaque jour, on se pose parfois la question."
"Dites, les deux frangins.......ça ne vous dérange pas qu'on mange, là?"
"Désolé, Maya !! Mais je tenais à m'assurer que mon petit frère était en bonne "santé". Hein, frangin. Tu m'en veux pas, j'espère?"
"Non, t'inquiète pas Andy, c'est naturel!" termina Terry, celui-ci serrant les dents en levant avec discrétion le majeur en direction de celui qui était son grand frère qui éclata de rire avant de se tourner vers l'italienne, une nouvelle venue qu'il trouvait très à son gout......ce qui n'était pas son cas vis à vis de son repas auquel elle n'avait presque pas touché.

"Tu ne finis pas?"
"Elle n'a pas encore l'habitude. Laisse lui un peu de temps. On a tous eu du mal avec le nattō. Même toi."
"Oh, c'est pas si mal quand on a l'habitude. Je peux même t'assurer que j'ai mangé des trucs pire que ça quand j'étais chez les Marines. Hé, tu sais, Kitrina, je te jure que tu va t'y faire. Sur le coup, faut juste oublier que t'as l'impression d'avaler des cocons d'araignées trempées dans du foutre."

Une phrase qui fut de trop pour la jeune femme qui avait déjà eu bien du mal à avaler ne serait-ce qu'un peu de ce repas et qui, maintenant, était à deux doigts de repeindre la table avec le contenu de son estomac alors qu'elle se rua dehors, probablement prise d'un très violent haut le cœur à la grande surprise de tous....ce qui ne manqua pas de provoquer l'ire de l'hôte dont les deux mains frappèrent avec force la table, manquant de faire tomber l'un des plats au sol ainsi que son propre bol. Son regard de colère foudroya le soldat qui ne semblait plus savoir où se mettre et le ton de sa voix confirmait son état d'esprit.

"Ton repas est terminé, soldat ! Tu vas quitter cette table maintenant et commencer à l'instant ton entrainement. Dix tours du village pour commencer !! IMMÉDIATEMENT !! Walker, tu pars avec lui et tu le surveilles ! N'oublies cependant pas d'emporter ton propre repas. Je t'y autorise !"
"DIX TOURS?"
"Qu'il y'a il? Tu en veux dix de plus, soldat?"
"Heuu......non, je voulais être sûr d'avoir bien entendu."
"EXÉCUTION !! Walker, emmène le tout de suite hors de ma vue !!"
"Oui, Seigneur !! Allez, lève toi, mon gars."
"Mais........qu'est ce que j'ai encore dit? J'ai encore dit une connerie?"
"Pas plus que d'habitude." termina le dénommé Walker, avec un léger sourire de moquerie sur son visage vis à vis du soldat qu'il poussait vers la sortie. Au loin, on pût entendre toutefois une dernière exclamation de la part du "puni" de service qui s'était laissé aller à son avis le plus profond.


Hanzo, lui, se sentait extrêmement gêné par le comportement de ses hommes et aurait espéré ne pas devoir offrir une telle scène à son invitée qui ne semblait pas véritablement surprise ou choquée par les paroles de cet homme ayant un peu trop ses aises. Malgré un soupir d'exaspération, celui-ci reprit bien vite son calme pour s'adresser à ses hommes.

"Il n'est en aucun cas interdit de discuter à ma table. J'accepte tout sujet qui ne part pas dans la moquerie gratuite ou la grivoiserie facile alors que nous avons une invitée de marque à notre table. A présent, reprenez votre repas. La journée qui s'annonce ne sera pas facile."

A peine eut-il terminé qu'il se tourna une fois de plus vers Terra afin de s'adresser à elle.

"Je tiens à vous présenter mes excuses. Un tel spectacle ne devrait pas se dérouler en votre présence. Toutefois....." rajouta-il avec une certaine surprise dans le regard et la voix. "Je ne m'attendais pas à vous voir également manger du nattō."