Un long moment de silence sépara le bruit horrifiant du réveil sonnant et l'ouverture des yeux du vieil homme. Sur le sol, la bouteille de whisky vide dressait la scène de la veille, une légère coulée d'alcool ayant ruisselé sur la moquette pour finalement s'effacer quelques centimètres plus loin. D'un geste de désespoir, Andrew lança son bras tel une massue sur l'appareil de manière à en finir avec ce bruit strident. Le premier essai fut un lamentable échec tandis que le deuxième rattrapa la prise de risque du premier en faisant taire l'horrible chose. Peu à peu le vieil homme revenait à lui, sa langue pâteuse lui annonçant la suite des opérations.

Tant bien que mal, le commissaire arriva enfin à s'asseoir sur le lit pour fixer lamentablement la bouteille échouée au sol. À vrai dire, il ne s'en souvenait même pas, elle n'était qu'un lointain souvenir de moment de solitude dans un appartement vide de toute vie. Sa tête était comme un clocher le jour d'un mariage, tapant une fois à gauche puis une fois à droite pour indiquer l'heureuse nouvelle. Andrew tenta vaillamment de stabiliser son crâne en l'accrochant de ses deux mains mais il dut se résoudre à ouvrir avec fracas le tiroir de sa commode pour en sortir un cachet d'aspirine. Une fois le précieux médicament en main, il tituba vers sa cuisine tout en s'accrochant au mur tel une épave à la dérive puis arriva à se réceptionner près de son lavabo. Il alluma le robinet à plein régime, si bien qu'il en fut éclaboussé de partout, et goba son médoc avec le peu d'eau qu'il avait réussi à caler dans sa bouche. Une fois l'épreuve finie, il se dépêcha d'aller s'écrouler sur le divan de son salon en attendant le glorieux effet de la médecine américaine.

Une minute passa puis dix puis trente pour qu'enfin le vieux rabougri finisse par revenir à la réalité. Ses pensées lui revenaient peu à peu, la soirée n'avait apparemment pas été festive. Sur la table en verre se trouvaient les nombreux dossiers inachevés, le tout éparpillé au point de ne plus s'y retrouver. Après un soupir de découragement, Andrew se décida fort heureusement à ranger les papelards tout en grommelant du mieux qu'il le pouvait. Une fois son petit rangement improvisé fini, il regarda rapidement l'horloge murale au-dessus de sa télévision et remarqua qu'il était déjà huit heures quarante-six. Tout lui revint aussi vite qu'une balle dans la tête, il avait réuni aujourd'hui à dix heures une conférence de presse pour annoncer son nouveau plan pour le GCPD. Il se rendit malheureusement vite compte qu'il ne pouvait pas aller devant les journalistes en peignoir et avec une barbe digne d'un clochard de l'East End et se décida avant tout d'être dans sa meilleure image pour faire face aux caméras.

Un petit tour dans sa salle de bain le réconcilia avec sa gueule de guerrier, la douche et le rasoir le rendant beau et propre comme un sou neuf. Il se dépêcha ensuite de courir jusque dans sa chambre pour s'emparer de son costume hors de prix beige, l'enfila du mieux qu'il pouvait pour ne pas le froisser puis fit son nœud de cravate avec une efficacité sans pareille. Le commissaire était fin près à sa terrible rencontre avec la clique journalistique de Gotham City, une épreuve de plus pour lui qui n'avait pas supporté leur intervention à la remise des médailles de la maire à l'hôtel de ville. Andrew ferma donc la porte de son appartement tout en mettant ses dossiers sous le bras puis se dirigea lentement vers sa voiture dans le parking privé. Il salua brièvement les employés de l'immeuble qui semblaient tout à coup vouer un culte de la personnalité au nouveau commissaire qui pour eux n'était qu'avant un vieux alcoolique à la retraite.

Arrivé au commissariat, il se gara sur sa place réservée - quelle surprise - puis se dirigea vers les escaliers tout en jetant un œil vers le parking où les camionnettes de presse s'entassaient comme jamais. Les deux policiers de l'entrée saluèrent respectueusement le vieil homme qui leur rendit la pareil avec un geste de la tête. Une fois dans le bâtiment, Andrew se dirigea bille en tête vers la salle de conférence où quelques flics regardaient avec curiosité les journalistes prendre leur place silencieusement. Non loin de la porte se trouvait Ari Bodnar, le directeur de la police. Rien que voir sa tête souriante insupportait le commissaire, il n'avait envie que de le descendre d'une balle dans la tête et d'en finir avec sa tête de singe savant. Au vu de la mimique de l'homme, il n'attendait que de voir le vieil homme passer devant lui pour lui adresser la parole, chose inévitable.

"Alors commissaire ? On a décidé de jouer la star du jour en face des caméras ?" lança le jeune homme d'un ton moqueur.

"Tenez votre langue Bodnar, je ne me suis pas réveillé pour faire face à vos moqueries incessantes. D'ailleurs, suivez-moi dans la salle. Vous vous tiendrez debout à côté de moi pendant toute la conférence, les journalistes vont adorer la présence du directeur du GCPD je vous l'assure." répondit Andrew sèchement.

"Mais... Vous n'avez pas le dr..."

"C'est un ordre Bodnar, si vous ne l'exécutez pas je vous vire pour insubordination. Bougez vos fesses, je n'ai pas toute la journée."

Les deux hommes se mirent côte à côte pour passer la porte, suivis par des policiers servant à surveiller la conférence. Dans la salle, ce fut un silence presque religieux qui se présenta à l'apparition du commissaire et du directeur de la police. Les caméras commencèrent à s'allumer ainsi que les micros tandis que les gratte-papiers sortaient les mines de leurs stylos. Tous étaient avides d'informations craquantes et délicieuses dont ils pourraient se repaître tels des hyènes. Il fallait bien les nourrir de temps en temps.

Le commissaire s'approcha donc du micro principal, disposé sur l'estrade, et fit un rapide test son pour voir si tout fonctionnait. Bodnar se plaça tout en râlant dans l'arrière-plan, la scène était grandiose.

"Merci à tous d'être réuni aujourd'hui." commença le commissaire d'un voix rauque. "La conférence de presse qui va avoir lieu sera à propos de l'avenir du GCPD ainsi que de mes plans pour la ville. Je pense que nos citoyens ne doivent pas rester dans l'ombre de notre changement, nous sommes là pour leur sécurité et ils méritent de connaître les plans que nous mettons en œuvre pour les défendre du mieux que nous pouvons. Je vous invite donc à vous asseoir sans plus attendre."

Le commissaire profita du mouvement général pour vite s'emparer du verre d'eau situé sur la table à sa gauche. Il avala la gorgée comme un assoiffé qui revenait d'un voyage dans le Sahara puis déposa le verre à son endroit initial avant de passer aux choses sérieuses.

"Vous n'êtes pas sans savoir que les événements qui ont eu lieu à Park Row il y a un mois de cela se sont finis dramatiquement pour nos forces en présence. Certes, l'objectif primaire a été atteint avec brio et le gang d'Harvey Dent a été arrêté et pour la plupart, ils sont enfermés à Blackgate à l'heure où nous parlons. Cependant, chaque prétendue victoire cache selon moi une défaite, un point sombre que l'on essaye de cacher par la bonne nouvelle. L'explosion du tribunal, dernier pied de nez face à nos forces, a causé de terrible dommages dans nos troupes. Des familles se sont retrouvées du jour au lendemain sans père, sans mère et tout cela à cause de la folie de criminels. Que tous le sachent, ces hommes et ces femmes sont les véritables héros de la ville à mes yeux. Un monument aux morts leur sera construit en face du tribunal pour les honorer et leurs familles seront supportées financièrement par la mairie.

Mais je ne vous ai pas réuni ici pour parler de nos héros morts pour la ville mais bel et bien de ce que nous allons changer au GCPD pour que cela ne se reproduise plus jamais. J'ai remarqué avec déception que nos forces d'interventions n'étaient pas préparées pour les opérations de grande envergure et que nous devons trouver une réponse forte et efficace face à ce problème. C'est pour cela que je vais vous introduire aujourd'hui nos deux nouvelles unités flambant neuves du département policier de Gotham City !

Vous n'êtes pas sans savoir que notre chère maire, Madame Head, a voulu une politique plus douce vis à vis de la criminalité de la ville. Là où notre ancien maire Maximilien Shreck demandait l'usage de la force, notre nouvelle maire en a décidé tout autre. C'est pour cela que je suis heureux et fier de vous présenter la première de nos deux nouvelles unités d'interventions policière : "L'escouade d'intervention régulière".

Andrew lâcha rapidement le micro pour montrer d'un geste de la main le policier en armure passant la porte. Aussitôt fut-il parvenu sur l'estrade que les flash d'appareil photo éblouirent la scène principale, si bien que le commissaire lutta pour garder les yeux ouverts pour ne pas avoir l'air d'un gitan dans les journaux. Une fois le boucan terminé, le vieux reprit le micro pour expliquer en quoi consistait cette nouvelle escouade.

"Cette escouade a été créé dans le but d'arrestation usant de l'armement non létal. La matériel que cet homme porte a été offert par Wayne Enterprise. Je tiens donc à remercier Bruce Wayne en personne pour nous permettre de lutter du mieux que nous pouvons face à la criminalité gothamite. Cependant trêve de plaisanteries, cet homme en face de vous est équipé d'une armure complète de protection protégeant des balles, des explosions ainsi que des armes blanches.

Leur armement est adéquat aux situations qui demandent l'usage de la force sans pour autant blessé mortellement ou grièvement les criminels en état d'arrestation. C'est pour cela que cette escouade est armée de la façon la plus sophistiquées possibles. Ils profiteront donc de fusil paralysant usant des charges électriques, de fusils immobilisant inspiré de l'arme du renommé criminel "Mr. Freeze" et pour finir, ils auront droit à des grenades somnifères. Ils seront appelés pour toutes les arrestations musclées qui sont hors des capacités de nos policiers en fonction dans la ville, c'est pour cela que dans un but d'avoir le plus d'activité dans la ville nous avons recruté pas moins de trois cents hommes avec cette technologie.

Ils seront bien évidemment choisis parmi les plus qualifiés et formés du mieux que nous le pouvons avec ce nouvel armement. Nous espérons bien calmer la vague de crime se déferlant sur la ville sans pour autant avoir recours à la barbarie et au meurtre. Cependant, pour les opérations trop complexes pour cette escouade, je tiens à vous présenter notre deuxième et dernière création : "La force de neutralisation rapide"."

Même cérémonie que la fois dernière mais ce fut un tout autre bonhomme qui rentra dans la pièce. L'armure noire et l'arme militaire dernier cri ainsi que la ceinture de grenades firent impression dans la salle. Les flash s'intensifièrent tandis que le commissaire serrait la main de l'homme qui était arrivé sur la scène.

"Cette force de neutralisation rapide a un but très précis : régler les situations terroristes et ingérables par des corps de polices normaux. Ils ont le droit de tirer pour abattre, d'user de tous les moyens possibles pour mettre fin aux activités terroristes de pires criminels de la ville. Certes, cette escouade peut vous paraître excessive mais elle est nécessaire. Leur armure sophistiquée ainsi que leur armement de pointe permet de résoudre les affaires graves avec une efficacité sans pareille. Fini les morts de policiers inutiles, l'élite de l'élite est devant vous ! Cinquante de nos meilleurs hommes seront choisis pour faire partie de cette force d'intervention !

C'est d'ailleurs en accord avec la maire que je vous annonce la dissolution totale de l'unité des Justiciers d'Etat et que je suis fier de vous dire que le justicier de renommée l'Artiste prendra la tête de cette escouade de choc ! Il n'est malheureusement pas là aujourd'hui mais nous le remercions pour sa collaboration et son envie d'aider le GCPD du mieux qu'il le peut.

Pour finir, je tiens à préciser que les unités anti-mafia, criminelles et anti-masques sont maintenues et seront utilisées du mieux qu'il le faut pour démanteler les réseaux criminels et arrêter les bandits de bas étage. Dorénavant le GCPD sera connu pour son efficacité, ses performances ainsi que pour sa droiture ! Je vous remercie donc de vous être présenté à cette conférence et je me permets d'y mettre fin.

Merci à tous pour votre présence."

Une fois le discours fini, la scène se vida rapidement. Bodnar suivit le commissaire en dehors de la pièce avec un sourire aux lèvres, il savait pour l'Artiste et pour Blake cet enfoiré. Les deux hommes se séparèrent sans dire un mot, ni même avec un grimace de provocation. Andrew se contenta juste de retourner à son bureau et à se mettre à choisir parmi les meilleurs flics de la ville. La criminalité poussait son dernier souffle, c'était certain.