[Ce post se situe au début de l'année 2012]


Le maire autoproclamé Quincy Sharp était confortablement installé sur le siège souverain de l'hôtel de ville. Il se tenait bien droit, le regard fixant la porte du bureau avec une extrême intensité. On ne pouvait en distinguer les véritables couleurs car la pièce n'était pas éclairée bien que la pendule affichait déjà 21h. Les seules sources de lumières provenaient des larges fenêtres, baignant la pièce d'un rayonnement sombre et feutré. Il rajusta ses lunettes, un rapide chatoiement dans l'obscurité.

On toqua doucement à la porte.
« Oui ? » répondit Sharp.

Un homme lourdement équipé, ressemblant à un militaire près au combat, mais sans aucun insigne l'identifiant à un régiment particulier, ouvris la porte qui éclaira alors vivement la pièce. Quincy Sharp ne fit pas mine d'être incommodé par l'éblouissement évident et écouta simplement l'homologue du soldat.

« Monsieur le maire, votre invité Monsieur B est là. »

« Bien, invitez le à venir ici, seul. »

« A vos ordres. »

L'homme referma la porte. Un peu plus d'une minute passa avant qu'elle ne soit réouverte mais cette fois-ci en n'apportant aucune lumière artificielle. Celles-ci avaient été visiblement éteintes.
La silhouette d'un homme à la carrure imposante s'avança avant de s'assoir sur un fauteuil en face du maire. Malgré l'obscurité on pouvait distinguer son faciès mais il était camouflé par une épaisse cagoule brune ou grise.

« Vous fumez ? » entama le maire.

« Plus jamais. » répondit simplement l'invité.

« Je les conservent, alors. »

Un court silence s'installa jusqu'à ce que le maire reprenne.

« Avez-vous étudiez ma proposition ? »

« Dans les moindres détails, bien qu'il y en avait peu. »

« Vous en saurez d'avantage si vous acceptez. »

« Tout ceci est très sérieux, Monsieur le Maire ? »

« Évidemment, car ce n'est pas au Maire que vous vous adressez, Monsieur. »

Une parole sibylline, mais l'invité ne fit pas mine d'être surpris.

« Bientôt je me révèlerais et je disparaîtrais. Tout cela grâce au Batman... »

« Ce chère Bruce, j'aimerais tant le revoir. »

« Oui, mais avant cela vous devez continuer mon œuvre. »

« C'est un bien grand mot que voilà Monsieur Sharp. Cependant, si je ne partage pas vos idéaux, je partage votre dessein. J'accepte tout. »

« Vous ne le regretterez pas. Mon plan manque de finesse, mais je manque également de temps, car l'heure de ma mort ne peut être retardée. Ce sera à vous de concevoir la suite. »
« Prions pour que Gotham découvre enfin la véritable nature de son Chevalier Noir. »

« Ne vous inquiétez pas, la morale veut que le blanc l'emporte toujours sur le noir... »

Depuis les grandes fenêtres du bureau de l'Hôtel de Ville, Gotham offrait une belle fresque aux yeux attentifs. Un mélange de style, d'origines culturelles, d'âges et une overdose de couleurs : enseignes publicitaires, écrans animés, feux de voitures, signalisation clignotante se mélangeaient avec inharmonie. Au delà de ces considérations esthétiques, bien nombreux sont ceux qui trouveraient risqué qu'une telle ouverture se trouve dans le dos même de celui ou celle qui dirige Gotham. Mais, ils sont peu à savoir que le vitrage est plus résistant que les murs de n'importe quel habitat.

Quincy Sharp dirigeait la ville de Gotham, mais il n'était pas Maire pour autant et ce soir les médias commençaient seulement à trouver cette situation anormale...
Pour le moment, le vieil homme avait la tête penchée, le visage enfouie dans ses mains usées, plongé dans ce que l'on dirait une intense méditation.
Il ne bougea pas lorsque l'on frappa à la porte.

Un homme équipé comme un militaire, mais ne portant aucun insigne apparut dans l'embrasure et s'exprima doucement :

« Monsieur Sharp, le NKVDémon est là. »

« Qu'il entre alors. »

Le soldat disparut pour laisser place à un colosse bien plus terrifiant, passant à peine la porte. Ce monstre à la peau rouge et l'allure féroce avait pourtant le regard vide et ne dit mot.
Quincy Sharp leva finalement les yeux pour admirer sa créature. Malgré les épreuves, les tortures et les humiliations que lui avait imposé les justiciers, son Démon s'en était sortis, plus fort et plus beau que jamais. Prêt à abattre son jugement, devenir le marteau d'une sentence juste et nécessaire.

« Lors de la conférence de presse vous prendrez à part Maximilien Shreck et vous lui offrirez ceci de ma part. Dites lui que c'est le cœur de cette ville et qu'il devra en prendre soin, car je compte sur lui. »



« Bien maître. »

Après avoir répondu d'une phrase quasi-robotique, le Démon prit délicatement la caissette de bois présente sur le bureau. Elle était de petit taille et un individu sensible, autre que le Démon aurait put ressentir la douce chaleur qui en emmenait.

A peine fut-il sortit que le soldat apparut à nouveau.

« Mr B et là, je le fait également entrer ? »

« Oui. »

A présent, un autre individu, plus humain mais d'allure solide entra et s'installa en face de Quincy Sharp. Il était habillé de manière anodine et portait une cagoule grise et un chapeau brun.

« Vous sentez vous mieux ? »

« Oui. »

« Vous n'avez pas besoin de masquer votre visage ici. »

« Ce n'est pas le mien. »

Un court silence, quelques battements d'ailes avant que le dictateur de Gotham ne réponde :

« Je hais ce visage tout autant que vous. Mais, pour affronter le mal, il faut lui faire face. Je veux le voir. »

L'homme hésita, mais obéis finalement et retira chapeau et cagoule.

« Toujours imparfait... »

« C'était ce qui était convenu. »

« Oui. »

…

« Dans deux heures je vais faire une conférence de presse. Gotham me déteste, mais c'est parce-qu'elle ne connait pas encore mon beau projet. Je vais leur montrer de quoi je suis capable. »

« Elle ne vous adorera pas pour autant. »

« Jamais. Elle va souhaiter ma mort et je vais la leur offrir à ces assoiffés de sang et de chair. »
« Mon discours va le faire sortir de son trou. Je tiens à ce que tout se passe comme je le désir. »

« J'ai sacrifié mon corps, mon visage et mon âme pour cette cause. Vous ne pouvez plus douter de moi. »

« Certes. Rappelez-vous que nous nous sacrifions TOUS pour l'avenir des hommes pures. »