HRPG : Excusez moi de la latence

S'il y avait bien un homme important à Gotham City, c'était bien le directeur de l'asile Elizabeth Arkham. Rachel en était bien consciente. Dans une citée rangée par la folie et choisie comme nid par les pontes de l'insanité internationale, l'héritier d'Amadeus Arkham avait la lourde charge de veiller sur l'établissement le plus dangereux de la Création, ce nouveau Tartare où entrait chaque jour des criminels de la plus haute dangerosité, bien déterminés à s'évader aussitôt. La santé de la ville, et du monde reposait entre les mains du personnel d'Arkham et Jeremiah était le responsable de toute cette équipe en blouse blanche qui regardait chaque jour le monstre au fond de l'abîme et risquait donc d'y plonger aussi. Par conséquent, l'entretien entre psychologues s'avérait encore plus important que celui prévu pour les policiers. La chance de corruption était en effet beaucoup plus probable, prégnante et pourtant, Jeremiah devait être un homme de fer pour vivre chaque jour dans ce sordide univers. Parks s'était préparée en conséquence.

Debout lorsque le scientifique entra, elle s'assit en même temps que lui mais éprouva dès le premier contact la frustration de l'homme. Bref et renfermé, il se montra ironique dès sa première phrase et comptait visiblement faire comprendre qu'il ne comprenait pas pourquoi il se trouvait là et qu'il aimerait bien être relâché dans les premières minutes si possible-merci-aurevoir. Le faire parler s'annonçait difficile. Une fois assise, Rachel prit une grande inspiration et se remémora mentalement les différentes clés capables d'ouvrir les hommes. Le mettre en colère, la manière douce, la manière forte, l'usage du matériel de détection de mensonges, la séduction et enfin, le principe de la corruption ou de l'échange : tu fais ce que je te dis et je t'aide. Ou je te donne quelque chose. Mais Jeremiah avait dèja le plus haut poste que ses études lui permettaient et aucun besoin d'argent, ni d'aide municipale contre aucun ennemi que ce soit. Toute méthode forte était prohibée, et la séduction ne le toucherait pas.

Rachel attrapa son stylo et rendit son regard au directeur de l'asile, au risque d'en absorber tout le dédain.

- Oui, nous vous avons appelé pour un petit entretien afin de confirmer votre détermination à diriger l'asile et à travailler aux côtés de la Mairie. J'espère que tout cela ne vous dérange pas. Etes vous... beaucoup attaché à votre métier ?

HJ : Aucun soucis, j'ai moi-même quelques soucis d'internet.


Une psychologue en face de moi. Je m'y attendais. La mairie ne me fait absolument pas confiance, ou plus du tout ? A vrai dire, je m'en moque, mais Dieu a un plan pour chacun de nous, et il m'aiderait a trouver le salut dans l'asile d'Arkham. J'étais là pour aider ces pauvres gens, j'étais le seul homme capable de les aider. Moi seul. Alors que l'on me propose une chaise, je m'assoie calmement et j'observe patiemment. A vrai dire, une chose qui me fait peur, serait d'être privé de mon établissement. La première question débouche sur un piège, si je mentionne le fait de l'héritage, de l'appartenance, cela démontrerait un caractère possessif et renfermé. Donc, un mauvais point. Je réajuste mes lunettes en essayant de garder un visage neutre.

- "Sur le point historique, l'asile d'Arkham est une merveille. M'intéressant fortement à l'histoire en plus d'être un modeste psychiatre, je suis naturellement fier d'être le directeur d'un lieu important de Gotham."

Réponse légèrement défensive. Elle le notera surement. Avec un léger sourire, j'attends patiemment ma condamnation à mort. Qu'allait-on me réserver, surement un de ces postes dans l'administration ? Ou m'évincer du poste de Directeur ? Cela risquerait surement d'arriver, et quoiqu'il en soit, je devais accepter le sort que l'on m'attribuerait.

- "Avant de continuer notre entretien. Sachez que l'Asile d'Arkham et son personnel sont parfaitement au point. Notre équipe de médecins essaie tant bien que mal de guérir les patients dont nous disposons. Cependant, nos efforts sont sapés à cause de la corruption du personnel pénitenciaire."

Il fallait rendre à César ce qui appartenait à César, l'équipe Médicale faisait ce qu'elle peut. Et bien sur, cela ne marchait presque jamais, puisque de nombreuses rechutes s'opéraient à cause des élements extérieurs à l'asile. L'idéal serait d'abord d'enrayer les ordures et les criminels qui font tout pour dénaturer le travail de l'asile d'Arkham.

- "Combien de temps durera l'entretien je vous prie ?"

Jeremiah devait être déstabilisé.

Loin de son asile, loin de ses patients et de ses habitudes quotidiennes, il perdait ses repères et sa confusion devait avoir touché son esprit, à moins que ses antithèses et son paradoxe ne soient volontaire. Il affirmait que son personnel était tout à fait opérationnel et qu'il n'avait pas à s'en plaindre pour compléter une phrase plus tard en martelant qu'ils étaient corrompus et que cela gênait le bon fonctionnement de l'asile. Jeremiah devenait il schyzophrène à force d'en croiser ou bien avait il choisi de dire deux tout et son contraire pour mieux le faire passer, comme si lui même n'arrivait pas à l'admettre ou qu'il n'avait aucune envie que la Mairie s'en mêle ? Rachel plissa les yeux, intriguée. Etait on en train de jouer avec elle où était-ce juste une confusion et dans ce cas là, où était la vérité ? Rachel sentit l'adrénaline l'envahir. C'est là qu'elle allait enfin commencer à se sentir utile. Une nouvelle fois, le directeur de l'asile démontra son agacement en demandant combien de temps allait durer l'entretien. Rachel se demanda si elle ne pouvait pas rapprocher l'envie du docteur d'être auprès de ses fous avec un syndrome de dépendance, comme ceux que contractent les alcooliques et les drogués. De quoi se cachait il à Arkham, du monde des gens normaux ? En avait il peur ?

Une foule de questions se bousculèrent dans la tête de la jeune femme mais elle commença par donner une réponse, sincère et soufflée, dans l'intimité de la salle d'interrogatoire.

- Il durera le temps qu'il faudra, monsieur Arkham. L'on ne ma donné aucune limite, et, nous savons vous et moi que rien n'est à planifier et rien ne peut être prévu lorsque l'on rentre dans l'esprit d'une personne. N'est ce pas ?

Elle prit une longue inspiration et rectifia sa position sur sa chaise, rapprochant au passage cette dernière de la salle d'interrogatoire, créant par son mouvement un bref éclair dans le miroir sans tain, comme une étincelle.

- Dites moi... Comment envisagez vous le monde extérieur, vu d'Arkham, et comment envisagez vous Arkham dans cet ensemble qu'est Gotham ? Oh, et avant que j'oublie, parlez moi de ces corruptions.... Comment se manifestent elles ? Comment sont elles punies et dévoilées?

En somme, Jeremiah semblait clair.

Le personnage comportait vraisemblablement des zones d'ombres et sa misanthropie compréhensible ne collait pas totalement avec la fonction qu'il était censé occuper à la tête de l'institution carcérale et sanitaire fondée par son aîeul, mais il avait les épaules pour le faire et ne semblait pas du genre à se faire marcher dessus par les psychotiques, psychopates et autres chroniques de l'hôpital psychiatrique. S'il était corrompu, ou fou, seul le scanner anti-mensonges pourrait le repérer mais Rachel sentit qu'il s'agirait d'un affront de coller ces capteurs sur le corps de l'homme qui possédait la clé de l'antre de la Folie, et la clé de voute de la sécurité que Talia cherchait à installer dans Gotham.

Après avoir plusieurs fois suivi le lien invisible qui reliait ses dossiers au docteur, Rachel referma ces premiers et homogénisa du bout des doigts les arrêtes des feuilles qui en dépassait, vérifia qu'elle ne s'était pas coupé et reporta son regard sur Jeremiah, et son inertie vibrante, ses yeux plissés, qui ressemblait à une sorte de déporté, ou un être qu'on aurait emmené loin de chez lui et lâché dans un environnement hostile ou un biome étranger à ses habitudes. Elle aurait pu forcer, continuer l'entretien et mettre en lumière tout ce qu'il cachait ostensiblement, mais rien de tout cela ne paraissait dangereux pour Gotham, à vue humaine. Il était temps de le libérer.

Rachel se leva, jeta un regard dans le miroir sans tain, n'y aperçut que son reflet fatigué et plus pâle que jamais, puis contourna la table d'interrogatoire pour ouvrir la porte et sourit au docteur en chef de l'établissement Elizabeth Arkham.

- Je ne vous retiendrai pas plus longtemps Monsieur Arkham. Je comptais vous faire exécuter un TAT mais... les dossiers que l'on m'a fait parvenir vous dépeignent comme un homme de confiance et mes prédecesseurs et prédecesseures sont clairs : vous êtes l'homme qu'il faut à Arkham.

Bonne continuation, nous comptons sur vous. La Maire compte sur vous...