Thomas n'appréciait vraiment pas devoir faire cela.
Certes, le travail de Justicier d’État consistait en un emploi subordonné à une institution qu'il détestait plus que tout. Mais elle lui donnait une couverture et lui fournissait informations, ressources, contacts, influences... Une aide précieuse pour ses plans, une aide temporaire.
Cela représentait tout de même le sacrifice de son éthique, mais nul ne peut éviter les sacrifices pour une grande cause.

Cependant, la tâche qu'on lui avait confié n'avait rien à voir avec ses fonctions ou ses objectifs, et il n'en détestait pas moins l'homme égocentrique qui se gargarisait d'en être le cerveau. C'était une tâche ingrate, légèrement utile, mais une perte de temps et surtout ennuyeuse.
Le monde vit ses derniers instants et les jeux de pouvoirs s'excitent plus que d'avantage. Le choc n'en sera que plus violent pour ses hommes et femmes aveuglés par leur égoïsme. Il devait juste obéir à cet imbécile et sa chute s'élèvera de plus haut.

La pluie était froide et perçante ce matin. Le large et épais manteau brun qu'il portait communément retenait difficilement les goutes avides d'imbiber toute surface. Le court trajet avait permis à nombre d'entre elles de le pénétrer. La nature l'emporte toujours.
Une brume marine, pleine d'embrun, se déplaçait rapidement sur l'eau et le béton des Docks. Sous la protection sommaire d'un hangar vide, typique parmi tant d'autres, Silence devait attendre le nouveau tueur de Gotham.
Le charisme de sa cible compensera la facilité de la tâche. Silence n'avait pas fait le déplacement pour concéder un refus. Et pour cela, il possédait une valise, pleine de billets neufs. Aussi immaculés que les corps sanguinolents nécessaire à leur confection.
Cela le dégoutait, le révulsait, mais c'était un mal nécessaire ; nécessaire à un mal plus grand.

Il attendait.
Scrutant les couleurs grises pour en distinguer les contrastes, ceux du tueur...

HJ : Nous ne l'avons pas évoqué, mais pour des lecteurs extérieurs ce sujet se place chronologiquement avant la prise de pouvoir de Croc dans la mafia, c'est à dire, il y a quelques mois.

Une silhouette colossale traversa la brume matinale avant de lâcher quelques mots brutes.

Cet homme l'impressionnait bien qu'il ne semblait pas très loquace.
Silence ne connaissait en rien ses aptitudes et qualités, mais il comprenait le choix de celui qui l'avais envoyé. Le travail ne devrait pas être difficile à accomplir, une fois la situation parfaitement organisée.
A main nue, le tueur aura ainsi l'avantage, bien que carrure ne remplace jamais technique.

Il n'allait donc se livrer ici qu'à de simples formalités, un discours qu'il avait appris par cœur, ce qui l'agaçait.
Il n'y avait que lui pour être obligé d'accepter ce rôle de messager ingrat sans poser de questions, sans émettre de critiques. Le directeur abusait de son pouvoir, mais peu de personnes l'appréciaient ; ce n'était donc qu'une question de temps... tant que ses choix faisait l'unanimité.

Plus tard, l'occasion lui sera peut-être offerte de lui rappeler l'amertume de cette matinée.
Chaque privilège à son coût, Silence en payait aujourd'hui une partie.

Méfiance. Un sentiment de survie naturel.
Silence n'avait eu que des informations tronquées. L'assassinat ne cachait aucun piège selon lui, mais il n'en était pas sûre. Le Directeur de la police n'était pas homme de confiance. Le tueur allait peut-être terminer éliminé avec sa cible, permettant de classer l'affaire rapidement, ou laissé sous surveillance pour de prochains mauvais coups.
Il n'en savait rien. Ça ne l'intéressait pas.

''Mr C, en toute honnêteté je n'en sais strictement rien.
Je n'ai pas accès à ce genre d'information. Le contact de mon employeur vous a repéré auparavant dans le bar que vous fréquentiez alors et a organisé cette rencontre, voilà tout.
Si vous vous méfiez de cette proposition, je vous le répète, ce n'est pas un souci car nous trouverons quelqu'un d'autre pour accomplir ce travail et empocher l'argent qui lui revient. Cela en vaut-il la peine ?''

Il avait la désagréable impression d'entrer trop dans le jeu du Directeur. Ces intérêts n'était pas les siens et ce ''nous'' lui était insupportable à prononcer. Mais, il lui fallait trouver les bons mots pour achever rapidement cette mission et gagner les grâces de Directeur pour l'avenir.

Excellent. Ce tueur acceptait la mission. Silence n'avait plus qu'à lui donner la valise avant de partir.

''Bon choix, Mr C.''

''Je vous laisse donc la valise. Comme je vous l'ai dit, elle est piégée, n'essayez donc pas de l'ouvrir de force, il faut utiliser un code pour désactiver l'explosif. Ce code vous sera transmis ainsi qu'un moyen de communication protégé par votre contact dans le bar. Rendez-vous dès maintenant, il vous attends.''

''Ma mission s'achève. Ce protocole peut paraitre lourd, mais il est indispensable pour éviter de vous faire détecter par la police ou les justiciers anonymes. J'espère que nous ne nous croiserons plus jamais.''

Silence tourna le dos au tueur et partis le long des quais. A moins que ce dernier n'ait encore des questions, il ne serait plus amené à le revoir.
Son rôle était ici terminé. Cypher devrait le laisser en paix un moment.

Dans les prochains mois, l'avenir du GCPD et du Palais de Justice irait de mal en pis, pour ne devenir plus qu'une ombre... une ombre refoulée derrière l'éclat des Marshalls et des Justiciers d’État sous l'égide de Maximilien Shreck.
Une victoire pour le Maire, qu'il se devra de consommer rapidement avant qu'il ne devienne lui même, inutile.


HJ : Merci pour cet avant-goût. Ton entrée en scène ne devrait pas tarder...