Jason secoua la tête, il n'avait pas peur de ce que pouvait dire Milos en matière de menace. Au contraire, la remarque lui en parut presque drôle au point qu'il se permit d'en rire. Au point où ils en étaient, hein...

"Crever en baignant dans mon sang? Déjà fait, j'ai rempli ma part du contrat."

Peu importe si on le prenait pour un fou, Jason Todd ne parlait pas pour être cru, pour ça il était beaucoup trop tard. L'homme regarda, indifférent, l'amitié entre les deux italiens s'effilocher jusqu'à disparaître. Ca, c'est fait... Les pleurs de Luigi, il s'en foutait un peu à vrai dire. Il se demanda vaguement si l'homme avait une femme, des enfants et si, lui qui implorait si facilement la madonne, possédait encore une mère pour le pleurer.

"Pleure pas, mon gars... Dis moi ce que je dois savoir, tu peux le faire, ça? Ignore l'affreux, il en a rien à foutre de toi alors essaye d'en avoir rien à foutre de lui"

Aucune compassion dans sa voix cependant: les hommes à terre devant lui étaient des voleurs, des criminels et sûrement des assassins. Il les avait forcé à ramper dans les ordures de la rue, et ils se retrouvaient là à attendre, avec les miasmes de crasses et d'ordures pour leur tenir chaud pendant que Red Hood dansait sur le fil du rasoir, à se demander qui tuer ou non.

"T'es un trop grand garçon pour chialer, ton pote a raison. Les gars que t'as dérouillé ou a qui t'as flambé la cervelle, tu les a laissé pleurer? Tu les as écouter implorer Dieu, les saints ou la vierge, te parler de leurs familles, de leurs enfants, de leurs mamans? Non, aucune raison que j'fasse pareil alors. Sinon j'aurai des fantômes pour me le reprocher, et j'ai pas trop envie. Dites moi ce que je veux savoir et on en parle plus"

Le couteau se posa, implacable, sur le poignet de Luigi. Dans l'ancien temps, on coupait la main aux voleurs, ici on les mettait juste en prison le temps que quelqu'un paye la caution. Bienvenue à Gotham, bienvenue dans le monde moderne où justice rime avec hypocrisie...
Jason ne savait pas vraiment ce qu'il pourrait advenir de lui si jamais Batman reconnaissait sa "patte" sur deux cadavres. Bruce avait dit ne plus vouloir chercher à le retirer du chemin qu'il s'était choisi, mais il pouvait malgré tout lui tomber dans le lard et le foutre en taule, fallait pas se croire à l'abri.

Un bruit soudain à l'autre bout de la ruelle accorda un petit sursis à Luigi, voir surtout à sa main droite. Red Hood se redressa, sortant un pistolet de sa ceinture et le pointant vers l'origine du bruit, attendant la possible menace.

Quelqu'un veut se rajouter à la fête?

Une guerre des gangs ne l'intéressait pas, Hood se foutait comme de l'an quarante que les parrains s'entretuent dans le sang, les tripes et la bonne humeur. Sauf qu'il y avait toujours des dommages collatéraux, des civils, des vieux, des femmes, des enfants aussi... Ca déjà, ça lui plaisait beaucoup moins.

"Ressources ou pas, il va se prendre une branlée s'il attaque sur tous les fronts comme ça, votre parrain."

L'information avait son importance néanmoins. Cela apportait une preuve concrète, puisque témoignage, que Falcone voulait encore faire quelque chose de sa vieille carcasse. Red Hood, comment il allait agir? Un haussement d'épaule...
Le mal, ça doit se traiter à la source, non? Jason Todd était pris de court cependant, il aurait aimé avoir des infos à échanger avec Falcone sur les autres gangs notamment, afin d'essayer de tirer les ficelles et d'orienter les conflits dans la direction voulue, mais surtout loin des civils. Il pouvait bluffer malgré tout, cela lui ferait risquer gros mais....

"Vous allez m'emmener à lui, j'peux avoir des infos intéressantes à lui refiler."

Tu parles, enfin qui ne tente rien n'a rien. Improviser, Red Hood pouvait y arriver, de toute manière il se jetait toujours dans le vide sans filets à n'avoir jamais personne pour le couvrir et l'aider. Aucun probleme, il ne comptait pas mourir une seconde fois de toute façon.

Le couteau fut enlevé de la main de Luigi et rengainé. Le bruit de tout à l'heure ne semblait avoir rien été d'important, ils pouvaient continuer leurs affaires.

"Alors, vous allez m'emmerder encore un peu en disant que jamais vous ne me conduirez là bas, question d'honneur, ou bien on peut enfin se bouger le cul? Je peux aussi en buter encore un, mais ce serait pas cool pour vos familles ça."

Luigi continuait de chouiner et de morver, la véritable classe à l'italienne. Et c'était ça qui gagnait les faveurs des femmes? Ben mon coco...
Sans douceur, Hood releva chacun des deux par l'épaule et les poussa devant lui. Autant éviter de perdre du temps, sinon il allait regretter son cou de tête et ça, c'était jamais bon signe...

"Si c'est pas adorable ton accent qui ressort quand t'es en colère, c'est que ça me ferait presque des choses! "

Les deux trous de balles avaient rien compris. Sur le coup, Hood se sentit véritablement blasé, cette ville était un réservoir de demeurés, il n'y avait vraiment rien à faire.

"C'est de la merde en ravioles que t'as dans les oreilles? Me sembles t'avoir déjà dit ce que je voulais: que tu m'emmènes là bas pour vendre des infos à ton boss. Putain, les ritals... Autant faire affaire avec les chinois, eux au moins comprennent quand on parle"

Son poing s'abattit sans douceur sur le visage de Milos, aucune raison que ce soit toujours les mêmes qui trinquent. Ces mecs étaient juste deux petites frappes sans le moindre intérêt, ils lui avait peut être appris que Falcone cherchait à gagner ou regagner du territoire, mais et alors? Il allait lui faire passer ses envies de conquête et ce, fissa fissa...

"Vous êtes trop cons finalement, j'vais me démerder seul. Allez, ciao "

Le revolver au poing, il leva l'arme dans un salut ironique, ses yeux braqués sur Milos. Le casque empêchait d'en voir les prunelles, il dissimulait également le sourire méchant et ironique qui lui barrait les lèvres, mais l'Italien n'aurait sans doute aucune peine à imaginer tout ça.

"On se reverra sûrement, t'as assez de tripes pour survivre, toi, à défaut de jugeotte. T'inquiète, j'serais prêt pour ta revanche. Allez, tue bien ton pote dès que t'es libre, sinon je serais déçu"

Pitié, empathie, des mots qu'il connaissait. Il en avait parfois, mais pas envers ce genre de personnes. Sans plus se retourner, Hood s'enfonça dans la pénombre de la ruelle, un sifflement aux lèvres curieusement amplifié par le casque. La nuit était on ne peut plus banale, somme toute. Bienvenue à Gotham?