Il n’y a rien de plus beau que l’éclat d’un diamant, surtout lorsque vous le subtilisez à l’une de ces femmes qui se les font offrir à chaque fois que leur mari en saute une autre. Face au coffre fort ouvert par mes soins, mes prunelles se perdent un instant dans les reflets miroitants de l’objet de mes désirs avant que je ne fasse glisser le précieux collier dans ma sacoche. La baraque est calme – forcément, ce bal de charité était une aubaine pour venir m’infiltrer ici. Alors que je soulève les quelques liasses de billets qui traînent dans le coffre, je sens quelque chose effleurer mon mollet. Je baisse les yeux sur un chat blanc tacheté de noir qui se frotte allègrement contre moi et je ne peux m’empêcher de rire avant de promener ma main dans sa fourrure. Mon boulot ici est terminé. Silencieusement, dans les ombres de la maison, je regagne la fenêtre que j’ai forcée pour pénétrer à l’intérieur et je me glisse à l’extérieur. Gotham m’accueille à nouveau en son sein obscur et je rejoins rapidement le sommet des immeubles pour les parcourir à mon aise et rejoindre mon appartement.

La ville est plutôt calme ce soir. Etonnant, d’ailleurs. Pas de sirène hurlant à travers les ruelles sombres et inquiétantes de la ville du crime. Je ne croise personne d’ailleurs – pas de chauve souris, pas de détraqué Chapelier Fou ou d’autres petites frappes Gothamites. Et pourtant, y a bien un truc qui me chiffonne mais il m’est impossible de dire quoi.

Je finis par discerner la façade de mon immeuble et je saute sur l’escalier de secours pour grimper jusqu’au rebord de la fenêtre. Isis m’attend là d’ailleurs et m’adresse une œillade taquine avant de me renifler avec perplexité.

« Ne sois pas jalouse. C’était purement platonique. » – Que je lui glisse avec amusement avant de rejoindre le salon et déposer mon butin sur le canapé.

Je jette un œil à la pièce voisine, dans laquelle je place tout ce que j’ai amassé mais je préfère me blottir contre les coussins pour observer le diamant encore un peu. C’est une belle prise – sûrement le plus gros de ma collection.

Après m’être perdue dans la contemplation de ce diamant aux nombreuses facettes miroitantes, je daigne enfin détourner le regard de mon butin. J’estime que la soirée a été plutôt bonne mais vaut-il vraiment le coup qu’elle se termine maintenant ? Je me retourne vers la fenêtre, transie par cette impression étrange qui me secoue brièvement l’échine avant de me redresser d’un bond de mon canapé pour rejoindre la pièce voisine. J’y abandonne mon diamant dans mon coffre fort et je parcours le reste du regard, un petit sourire satisfait aux lèvres avant de m’en retourner vers le salon. Je remarque Isis vaguement intéressée par ce qu’il se passe à travers la fenêtre et je la rejoins avant de la prendre dans mes bras.

« Je ne serai pas longue, reste sage… » – Que je murmure avant de la reposer pattes à terre et d’ouvrir la fenêtre pour me couler sur l’escalier de secours.

Je sonde l’obscurité en contrebas, mes lunettes infrarouges sur mes yeux et je crois remarquer un léger mouvement – rapide, mais pas assez pour être un chat. Feignant l’indifférence, j’enjambe la balustrade et je saute sur le bâtiment voisin pour rejoindre le côté opposé et glisser dans la ruelle obscure. Mais au lieu de poursuivre ma route, je me retourne légèrement et je trouve un coin assez discret pour surveiller la façade de mon appartement. J’ai une sensation étrange, et vu qu’Isis s’est montrée méfiante, je ferai mieux d’en faire de même. Se pourrait-il qu’on m’ait filé ? Noyée dans l’ombre, je scrute mon immeuble baigné par une douce lumière lunaire. Ça n’est que quelques minutes plus tard que je remarque un nouveau mouvement. Tiens, tiens.
Il semblerait que mon appartement intéresse quelqu’un. La silhouette qui grimpe souplement jusqu’au rebord de ma fenêtre est plutôt frêle et athlétique. Je me questionne brièvement sur l’identité de l’impudent(e) mais je finis par me mettre en mouvement après l’avoir vu disparaître dans mon appartement. J’espère qu’Isis va lui faire un accueil digne de ce nom. Trouvant la situation d’abord amusante, c’est en silence que j’entreprends de rejoindre ma fenêtre pour espionner mon propre chez moi qui vient d’être foulé par un inconnu que je compte bien châtier.

Je me glisse souplement et en silence jusqu’à ma fenêtre puis je jette un œil par l’encadrement pour voir où se trouve l’individu qui vient de pénétrer chez moi. Je remarque aussitôt Isis qui feule bruyamment et ça m’arrache un petit sourire. C’est une bonne chatte et je préfère croire qu’elle possède bon nombre de vies pour adopter ce comportement face au danger. Je me glisse à l’intérieur en silence, promenant mon regard dans la pièce obscure. Personne ici. Je crois deviner que mon invité(e) surprise s’est fait l’idée de visiter la pièce voisine – la plus grande cambrioleuse qui se ferait voler ? Ça c’est une bonne blague ! Je m’avance, choppant une statuette en bois qui trônait dans le salon puis je me dirige vers la pièce où je renferme mes trésors. Quand j’y entre prudemment, je remarque aussitôt la silhouette - féminine sans aucun doute – qui est pliée face à mon coffre. Elle a d’ailleurs réussi à l’ouvrir. C’est que ça me chiffonnerait. Je ne sais pas ce qu’elle est venue chercher, mais je vais pas attendre pour savoir. Je lève le bras et je m’avance – sûrement a-t-elle d’ailleurs le temps de me remarquer avant que je ne l’assomme avec la statuette. Elle s’écroule au sol et je lâche la statue pour la saisir par les pieds et la traîner hors de la pièce. Alors que j’entreprends de l’attacher, tête en bas, Isis vient la renifler d’un air peu jovial. La demoiselle est peu commune – en effet, en plus de jouer les cambrioleuses, elle porte une tenue vaguement similaire à la mienne. Une fois ficelée la tête en bas, j’esquisse un petit sourire en coin, contournant doucement la jeune femme en attendant qu’elle se réveille, ce qui arrive d’ailleurs bien assez tôt. Le temps que sa vue se fasse moins flou, elle a d’ailleurs l’occasion de voir le sourire carnassier que je lui adresse.

« Alors, alors, il semblerait qu’un chaton se soit perdu dans le coin… Tu m’as suivi ? Qui es tu et qu’est ce que tu veux ? » La questionné-je sur un ton peu commode.

Je sors mes griffes et je viens lui chatouiller la gorge d’une.

« Tu manques cruellement d’originalité petite, à moins que je sois pour toi un modèle et dans ce cas là, je me montrerai plus câline. » – Je dois reconnaître qu’elle aurait pu passer inaperçue. Ça m’aurait foutu en boule de me faire voler quand même. Elle est jeune, encore une débutante, mais elle a du potentiel. « Me voler, moi ? La plus grande cambrioleuse de Gotham ? Tu t’attendais à quoi ? »

Orgueil et fierté font partie de mon caractère, je sais bien. Surtout lorsque je me glisse dans la peau du chat.