Il n'y avait pratiquement aucun bruit dans l'appartement du docteur Clark. Pour une oreille attentive, il était possible d'entendre le tic tac incessant de l'horloge accrochée au mur ou les talons de la voisine du dessus qui claquaient sur le sol. L'ambiance était absolument déprimante. Aucune musique de fond pour mettre un semblant de vie dans cet endroit et pourtant, celui-ci était bel et bien habité.

Malheureusement, c'est avec un désarroi profond que Wendy Clark était avachie sur son canapé, une tasse de thé dans une main et un dossier dans l'autre. A vrai dire, ce qui lui servait de table basse (deux cartons posés l'un à côté de l'autre...) était recouverte de journaux divers, de courriers plus ou moins ouverts et de gribouillis en tout genre. L'anglaise avait réellement essayé de mettre un minimum d'ordre dans ses affaires, un échec cuisant comme vous pouvez le constater... Seul son travail semblait avoir échappé à l'ouragan. Triste n'est-ce pas ? En tout cas c'est ce que pensait la principale concernée. Un soupir bruyant s'échappa de ses lèvres. Non, Wendy n'était décidément pas d'humeur à se plonger dans ses dossiers. En fait, l'idée de prendre une couverture, de s'y rouler en boule et de ruminer dans son coin lui avait effleurée l'esprit et semblait très alléchante. Sa vie hors de son job de psychiatre était d'un ennui mortel et elle détestait cela. Cela faisait un peu moins d'un mois qu'elle avait emménagée à Gotham et sa vie sociale se résumait en un mot : " Aucune ". Il est vrai que la demoiselle n'avait pas réellement fait d'efforts pour se chercher de la compagnie et des regrets commençaient à se faire ressentir.

Il fallait qu'elle voit quelqu'un. Peut-être pouvait-elle appeler le livreur de pizzas, c'est toujours cela de pris n'est-ce pas ? '' Mon dieu, je suis vraiment désespérée... '' De toute évidence... oui. Wen' était persuadée qu'elle pouvait trouver la volonté de se lever de ce canapé, mais où la chercher ?

Quelques heures auparavant...

De la publicité, une facture, le journal, publicité, encore une facture, publicité, un ... papier de chewing-gum ? Mon dieu, comment était-il arrivé ici celui-là ? C'est avec espoir que la jeune psychiatre avait espéré voir une lettre de son frère dans l'amas de courrier qu'elle venait de déloger de sa boite aux lettres. Il y avait bien une enveloppe dans le lot, mais l'écriture n'était définitivement pas celle de William. En effet, la missive n'avait rien à voir de près ou de loin avec sa famille.  Axis Chemicals. Elle resta quelques secondes perplexe face au contenu de l'enveloppe. Clark avait bien lu quelque part une histoire d'inauguration d'une usine organisée par un certain Jupiter ou quelque chose dans ce genre-là... peut-être était-ce Zeus en fait. Quoiqu'il en soit, Wendy ne comprenait pas cette invitation. Elle n'était ni journaliste, ni une industrielle ou femme d'affaire, pourtant son nom était inscrit sur ce petit bout de carton... L'Anglaise n'avait aucun intérêt à y aller, sincèrement... que pouvait-elle y faire là-bas ? Et se préparer pour le jour même ! Ce n'est pas comme si...

" Allo ? William ! Je suis vraiment contente de t'avoir ! Comment vas-tu ? Quoi de neuf ? Comment vont les parents ? Tout se passe... "

" Doucement Wendy ! Respire ! On dirait que tu n'as pas parlé à quelqu'un depuis... Oh mon dieu ! Dis moi que tu as parlé à quelqu'un depuis ton départ ! "

Erreur ultime. Elle venait de se faire prendre la main dans le sac... par son frère. Aucune possibilité d'échappatoire, la fuite n'était pas envisageable... Totalement condamnée.

" Mais oui, bien entendu. J'ai eu mon entretien d'embauche, donc j'ai parlé avec le Docteur Hurt, avec... "

" Oh mon dieu... et à part tes collègues et patients ? Le concierge de ton immeuble ne compte pas... ni le facteur. "

" ...... oh, et bien... tu sais le concierge est très agréable et... pitié, ne redis pas "Oh mon dieu"... s'il te plait."

" Wendy... Tu vas me faire le plaisir d'aller voir des gens d'accord ? Tu sais, avoir une vie sociale ? Tu me rappelleras quand tu auras eu une réelle discussion avec quelqu'un. Juste sors, peu importe où d'accord ? Prends soin de toi Wen'. Bye. Je t'aime. "

" Attends ! Je.." Biiiiiiiiiiiiiiip. t'aime aussi...


L'inauguration ! Elle avait presque oublié ! Presque... non, totalement à vrai dire. Si aller dans un lien rempli de rapaces, de businessmen applaudis et récompensés pour leur hypocrisie lui permettait de parler avec son frère... cela valait forcément le coup, n'est-ce pas ? Grâce à un effort titanesque, elle s'extirpa de son canapé afin de se rafraichir le visage et de s'habiller. Choisir une tenue correcte était un vrai chalenge pour la Miss et faire un effort était requis. C'est avec de légers doutes qu'elle enfila un débardeur gris ainsi qu'un jean qui semblait être noir.

Spoiler:

Le seul espoir qu'elle avait, c'était de ne pas ressembler à un épouvantail. C'est avec une motivation feinte que la psychiatre attrapa l'invitation et son sac avant de sortir de son appartement. Wendy n'avait absolument aucune idée de comment aller à l'usine en bus, le taxi était donc de mise.

25 minutes plus tard et 47 dollars en moins que Wen' arriva à destination. La présence d'une foule de journalistes confirma sa pensée. Elle était aussi à l'aise qu'au milieu d'une bande de piranhas affamés. Elle se sentait vraiment de trop dans cet endroit et cela devait réellement se faire ressentir...L'anglaise avait beau ne connaitre personne, il ne lui fallu pas plus d'une minute pour repérer l'homme à l'origine de cette ouverture. Ce Maximilian Zeus était en effet très impressionnant. L'image qu'il renvoyait était à son avantage, un homme d'une grande classe, aucun doute là-dessus. Déjà de grande taille, la présence d'une estrade ne pouvait que le mettre plus en valeur, permettant ainsi de conforter sa domination sur les invités. Cette idée fit légèrement grimacer la jeune femme qui avait pris place au fond, discrétion oblige. Le discours qui suivit pouvait être qualifié d'exemplaire. Mais sincèrement, cela aurait-il pu en être autrement ? Cela n'était pas la première fois que Clark entendait ce genre de belles paroles promettant monts et merveilles. Gotham semblait être habituée au chaos et aux trahisons...

La prestation de Zeus semblait être un succès et la Miss applaudit avec le reste des convives. Elle ne pouvait pas se permettre d'émettre un jugement sans que celui-ci ne soit trop hâtif. Elle n'avait pratiquement aucune connaissance sur l'industrie, les affaires... à part que le pouvoir pouvait être particulièrement destructeur...

Wendy ne savait pas si elle devait rire ou pleurer. En fait, se jeter sous les roues d'une voiture en sortant de l'usine était terriblement tentant. La jeune femme n'arrivait pas à croire qu'elle avait mis les pieds dans cet endroit. Son frère arrivait à lui faire faire n'importe quoi, même si un océan les sépare. William lui conseillait (ordonner étant plus juste) d'avoir une vie sociale. Certes. Cela pouvait encore se comprendre. La psychiatre était en ce moment en train de faire un effort surhumain pour y parvenir, afin, tout était relatif. Sa présence était déjà une bonne chose. Et maintenant ? Elle ne se voyait pas une seule seconde faire la discussion a un sombre inconnu, pour lui dire quoi d'ailleurs ? "Bonjour, vous êtes vous-aussi quelqu'un qui ne sait pas ce qu'il fait là ? Bien, nous sommes deux !" Tout cela avait un côté triste... et pathétique. Clark n'avait jamais été aussi mauvaise pour établir des relations sociales. Cela était le contraire en fait... mais en Angleterre. Le mal du pays était bel et bien présent, Gotham n'était pas non plus la ville la plus accueillante que l'on puisse trouver aux États-Unis.
Wendy n'était pas une femme stupide, ni niaise. Elle ne vivait pas dans le monde des bisounours. Repartir de zéro n'allait pas être une mince affaire, cela, elle en était pleinement conscience, mais tout semblait si difficile à reconstruire. Au moins son travail permettait d'oublier l'échec cuisant de son mariage... et le reste.

La femme observait Maximilian Zeus qui se trouvait toujours sur l'estrade, un sourire charmeur accroché aux lèvres, remerciant de la main les personnes présentes. Tout cela avec classe... bien entendu. La psychiatre avait sincèrement du mal à croire à la sincérité de cet homme. N'étaient-ils tous pas identiques ? Des manipulateurs professionnels, utilisant les mots avec dextérité, les gestes avec souplesse. Une gestuelle parfaite qui inspire confiance, un sourire bienveillant collé au visage. Un monde réellement différent où la superficialité est reine. Wendy Clark était une intruse dans cet univers là et cela ne lui posait aucun souci de conscience.
Perdue dans ses pensées critiques, elle n'avait pas remarqué la présence d'une autre femme à ses côtés. Ce n'est que lorsque celle-ci lui adressa la parole que le médecin sursauta légèrement, tournant ainsi la tête rapidement. Il n'y avait de toute évidence aucune raison à cette réaction exagérée. Il s'agissait d'une femme au physique largement avantageux et à la tenue impeccable. Peu importe qui elle était, la Miss lui adressait la parole, cela suffisait pour sauter sur l'opportunité.

« Joli discours n’est-ce pas ? » « Je m’appelle Anne Wending. J’ai le grand honneur de travailler pour monsieur Zeus et je suis persuadée qu’il changera la face de Gotham. »

Ceci expliquait cela. Au moins cet homme savait bien s'entourer...

" En effet, je dois avouer que ce discours était très... convainquant. Je n'ai guère eu l'occasion de me renseigner plus sur Monsieur Zeus. Il laisse une bonne première impression, comme de nombreux hommes d'affaires. Ils sont tous assez difficiles à cerner correctement. "

C'est avec une légère timidité que Wendy lui serra la main, la secouant légèrement.

" Ravie de vous rencontrer. Je suis Wendy Clark, nouvelle en ville. Les projets de votre patron semblent particulièrement ambitieux. Il doit être un homme extrêmement exigeant non ? Un homme de poigne. Depuis combien de temps travaillez-vous à ses côtés ?

Mon dieu, l'anglaise avait perdu l'habitude d'engager des discussions. Pourvu qu'elle ne paraisse pas comme dénuée d'intérêt...

Miss Wending semblait tout à fait charmante. Le dicton populaire a beau dire que les apparences sont parfois trompeuses, Wendy préférait croire à la sincérité de cette Anne que d'essayer de chercher un quelconque sombre et odieux secret. Sombrer dans la paranoïa n'était pas forcément le plus astucieux des choix et rester coincée dans un tel cercle vicieux n'était pas non plus son but. Là était toute la difficulté de son métier : ne pas voir tout le monde comme de potentiels patients. Il n'y avait pas d'erreur plus affreuse et stupide que celle-là... Clark comptait bien ne pas tomber dedans comme une débutante, sinon adieu vie sociale et bonjour la méfiance absolue...

La jeune psychiatre commençait réellement à se détendre et à profiter de la discussion, mais cela ne l'empêchait pas de se sentir un peu intimidée par son interlocutrice. Cela n'était définitivement pas dans ses habitudes car oui, la demoiselle est terriblement têtue et à cette tendance à dire ce qu'elle pense sans mâcher ses mots. Pourtant, en cet instant précis, Anne avait une prestance et une présence qui laissait Wendy quelque peu déconcertée. Il était assez banal que les hommes d'affaires ne s'entourent que de femmes au physique irréprochables mais Wending devait se trouver sur le haut du podium. En plus d'être belle (oui, l'anglaise se devait tout de même de l'avouer) la Gothamite n'avait pas l'air d'avoir le QI d'une poule, ce qui était, quelque part, un soulagement.

Si Gotham lui plaisait ? Voilà une question qui prit un peu au dépourvu la psychiatre. Elle ne s'était jamais réellement posé la question à vrai dire. Elle n'était pas dans cette ville pour prendre des vacances mais pour son travail ô combien éprouvant. La Britannique n'avait pas eu le temps de profiter des avantages de la cité ni même de daigner visiter certains monuments. L'asile et l'appartement étaient en gros ses seuls repères... Assez triste n'est-ce pas ?

" Gotham est une ville assez intimidante, je ne suis pas certaine que le tourisme batte son plein ici. Je vais essayer de m'adapter au mieux, c'est probablement la chose la plus raisonnable à faire.

Lorsqu'Anne fit une remarque sur son accent, Wen' laissa échapper un léger rire. De toute évidence, ses origines Anglaises ne pouvaient être un secret et faisaient souvent réagir les Américains. Au moins cela lui permettait de nourrir les discussions. Certaines personnes trouvaient son accent très drôle... Clark ne voyait pas en quoi. Où était le mal à bien articuler ?

" Vous avez visé en plein dans le mille Miss Wending. Je suis bien Anglaise, de Londres plus précisément. Je suis là pour le travail. Il se trouve que je suis psychiatre et qu'un certain Asile a besoin de personnel pour être un minimum géré... "

Wendy fit une courte pause, histoire de remettre quelques mèches de cheveux en place. Sa voix se fit un peu moins sûre, plus sur un ton d'excuse.

" Étrangement, dès que je mentionne Arkham, les personnes ont cette tendance à... prendre peur et de filer au loin. J'espère que cela ne vous met pas mal à l'aise. Gotham présente un passé bien chaotique avec ces patients là et j'ai encore quelques difficultés à mesurer l'impact de tout ceci. "

A croire que l'ombre de l'Asile flottait au-dessus de cette ville, même lorsque le jour était là.

Lorsque Miss Wending précisa qu'elle était déjà allée en Angleterre, les lèvres de Wendy s'étirèrent en un franc sourire. Mon dieu, que son pays natal lui manquait. Le mal du pays était présent et il y avait de quoi. Gotham était si différente de Londres, il n'y avait rien de comparable, même la folie ne lui semblait pas familière. Il y avait trop d'immenses buildings aux hauteurs surprenantes et Clark était intimidée par ces bâtiments aux allures titanesques. Cette sensation de supériorité pouvait être dérangeante, la sensation de n'être qu'une vulgaire fourmi était perturbante, être à Gotham était tout simplement effrayant.
Cela ne devait être qu'une mauvaise période à passer n'est-ce pas ? On dit que c'est l'inconnu qui nous effraie et Wendy ne pouvait qu'approuver dans ces circonstances. S'il y avait bien quelque chose que la jeune femme n'aimait pas, c'était de ressasser le passé. Les regrets n'ont jamais rien apporté de bon, cela n'allait pas commencer aujourd’hui. L'anglaise ne voulait pas tomber dans ce piège vicieux, non, vraiment pas...

" Londres est une ville merveilleuse, je ne vais pas dire le contraire. Cela a dû vraiment vous changer de Gotham. "

La Miss avait bien remarqué le léger changement de comportement de Wending, la surprise qui s'était affichée sur son visage pendant un bref instant. Et oui, le petit bout de femme (pas si petit...) qui lui faisait face travaillait avec de grands méchants loups tous les jours. Il n'y avait pas que les hommes qui pouvaient exercer ce métier, bien qu'il soit vrai que la majorité des psychiatres bossant dans ce milieu soient des hommes. Peut-être que Wendy aimait être une exception, cela la réconfortait un peu. Cela lui donnait même parfois des avantages considérables... certains patients avaient tendance à la sous-estimer, à croire qu'ils pouvaient lui mentir trop facilement, faisant ainsi des erreurs. Une chance pour elle, cela l'arrangeait bien.
Anne était d'une agréable compagnie. D'accord la seule qu'avait eu Wen' depuis un certain temps, mais agréable quand même. Avoir une discussion avec une femme plein d'entrain et le sourire facile paraissait rare de nos jours. Clark pouvait s'estimer chanceuse de l'avoir rencontrée.

" Oui, on peut dire cela comme ça. Au moins, je ne pense pas être touchée par le chômage à Gotham avant un certain temps ! "

S'il fallait qu'elle parle de son métier, quitte à ce que cela soit avec humour. Il valait mieux en rire qu'en pleurer. Wendy n'était pas du genre à se plaindre, surtout lorsque cela concernait ses propres décisions. Elle avait entendu la triste (et perturbante) histoire d'Harleen Quinzel et sa transformation en Harley Quinn. Cette femme était malade, aucun doute là-dessus et l'ex-Londonienne n'avait pas l'intention de suivre le même chemin. Oui, elle aimait sa santé mentale et comptait bien la garder...
Décidemment, Anne n'était pas une personne ordinaire. Pas de regard effrayé à l'évocation de l'Asile, pas de mouvement de recul. Toujours cette même attitude décontractée qui n'était pas prête de disparaitre.

Wendy avait beau avoir l'habitude des criminels, les connaître n'était jamais une tache évidente, loin de là. Comme l'avait judicieusement évoqué Anne, il n'était pas rare que ses patients aient des enfances assez affreuses. Cela pouvait expliquer leurs pathologies, mais jamais justifier leurs actes. Tous les enfants battus ne devenaient pas des tortionnaires tout comme pauvreté ne signifiait pas criminalité.

" Il est vrai que l'accueil n'était pas des plus chaleureux mais cela doit être ''normal'' dans une ville où les étrangers ne sont pas forcément vus d'un bon œil. Je n'ai jamais vu autant de méfiance de toute ma vie. Cela peut se comprendre. J'espère juste qu'avec le temps, cela ira mieux. "

" Vous me semblez vraiment bien connaitre la ville. Vous êtes née à Gotham ? Cela n'a pas dû être évident... Le peu de personnes que j'ai rencontré m'ont toujours demandé pourquoi j'étais ici... Mais je me pose toujours cette question : Pourquoi restez-vous à Gotham ? "

C'est vrai après tout... Pourquoi rester dans une ville qui n'apporte que des malheurs, où les meurtres sont coutumiers ? Partir n'est pas si difficile, surtout lorsque cela peut permettre de vivre, au lieu de survivre dans cette jungle urbaine.