Nous sommes à une minute du métro de Gotham.

Matho venait d’apprendre de ses parents les meurtres commis en France. Il en eut le souffle coupé. D’abord, à cause de la jalousie : il fulminait de ne pas pouvoir faire un aussi « beau travail » que cet homme. Ensuite parce qu’il était précisément là, dans la région, au moment des meurtres ! Ses parents étaient de Montauban, et il s’était accordé une pause de quelques jours pour prendre l’avion pour la France et leur rendre visite. Curieux… A croire que cet homme cherchait à le provoquer et lui montrer son écrasante supériorité. Mais ça ne se passerait pas comme ça… Cet homme se ferait arrêter, et Matho le dépasserait en célébrité, grâce à sa superbe série de meurtres cinéphiles. Matho serait meilleur. Et il ne s’arrêterait de tuer que quand il serait le plus célèbre et le plus craint des tueurs en série. Bien sûr, ce but était trop ambitieux, il relevait (presque) de l’impossible. Mais qui ne tente rien n’a rien : aussi maigres soient-elles, ses chances existaient. Allons, soit bien fort petit Matho, rend toi fier et montre au monde ce que par sa faute tu es devenu, lui et son horreur !

Les trois premiers meurtres avaient paru terriblement difficiles. Et longs. Avec les prochains il se fixait comme objectif de changer de mode de meurtre, d’être rapide, simple et efficace. Cette fois, il s’en prendrait au symbole de ce qu’il haïssait. Ces dealers afro-américains. Ces gars là qui se font des tunes sur le salaire des miséreux, la déchéance de leur vie, la décadence de leur vécu, leur lent et horrifiant effondrement. Il pourrait en tuer une centaine, il n’aurait aucun remord. Il les haïssait aussi pour, en dehors de leurs deals, terroriser tous ceux qui passaient devant eux dans la rue, les petits, les faibles, ceux qui ne savent pas se défendre et qu’on peu briser en une agression ; ce même genre d’homme qu’il était autrefois. Il était temps que la société des faibles se sente protégée et rassurée en apprenant ce meurtre, et que comme avait dit le président français : « il est temps que la peur change de camp »

Quand il arriva la nuit, le dealer était accompagné. Comme tous à Gotham, escortés pour éviter que l’un des immensément nombreux potentiels prédateurs s’en prennent à eux et leur argent. Il était accompagné, j’ai bien dis… par un homme. Un seul. La main toujours dans la poche, ce qui équivalait à dire : « je suis prêt à te buter, reste tranquille ». Pas grave, ils seraient tous les deux faciles à tuer. Pour acheter l’arme il avait du emprunter de l’argent à ses parents, c’était il y a un moment, aux alentours de son premier meurtre. Allez, tout se passerait très vite. Il attendit qu’il n’y ai personne dans les alentours pour passer à l’attaque. Vers deux heures et demi du matin, le moment arriva.

Il s’approcha des deux hommes. La main se fit plus dure dans la poche de l’homme d’escortes. Le dealer attendit que Matho fut en face de lui pour lui montrer la marchandise en ouvrant son manteau. Ce fut rapide : le jeune homme sortit son flingue. Il colla le canon contre la gorge du dealer et tira deux fois. La gorge explosa et l’éclatement des chairs éclaboussa son visage de sang et de bouts de viande, l’aveuglant à moitié. Vite, il tourna le flingue vers l’autre et tira à nouveau. Une balle dans l’épaule, lui arrachant un cri ; puis trois dans le ventre. L’homme tomba en arrière. Sur le béton, il resta le souffle coupé ; Il n’était pas mort, car il avait un gilet par balle. Mais le tueur ne l’ignorait pas. Il entra une main dans son manteau, et en tira un scalpel : c’était plus rapide que recharger son arme. Son adversaire ne s’était pas relevé que Matho l’avais égorgé en plusieurs coups habiles, faisant pisser le sang et jaillir la mort. Voilà. Il déposa sur le front du dealer un papier avec écrit ce poème :


L’argent des malheureux t’as nourri
Leur mort t’as enrichie
J’espère réjouir la terre
En te rendant à Lucifer

Un poème tout à fait dénué de talent. Il avait tiré le style de ces meurtres au film méconnu La Loi et l’ordre, de John Avnet, rassemblant Robert de Niro et Al Pacino. Il se retira rapidement. Les bruits de coups de feue allaient attirer du monde, même à cette heure. Allons, vivement les prochains meurtres.