Lieu: Inconnu
Heure: Inconnue

On dit des nuits fraiches qu'elles sont parfois prédisposées à ouvrir des portes, des accès à des lieux que les humains, dans leur grande naïveté, ont souvent oublié au profit de quelque chose de plus singulier, de bien plus matériel à la manière d'une tumeur grandissante au sein d'une lumière progressivement souillée. On dit des nuits qu'elles sont le refuge de quelque chose de terrifiant, d'ombres, de contes horribles et de cauchemars attendant de s'insinuer dans le cœur des profanes sans yeux, incapables de voir au delà de leur petite personne.

Parfois, cela prend la forme d'une visite, d'un souffle de vent ou d'un tressaillement, parcourant votre échine et faisant trembler d'un froid inhabituel tout votre être. Par moments, certains appellent cela hallucination, psychose, schizophrénie, paralysie du sommeil.........tant de termes pour tenter d'expliquer de manière scientifique quelque chose qui ne l'a jamais été, qui est resté inexplicable.......ou qui a été expliqué, à une époque lointaine, bien avant que l'humanité ne finisse par oublier ce qu'elle était, d'où elle venait et quelle était sa mission dans ce monde.

Tel était le choix qui avait été fait: Une vie de matérialisme, d'esclavagisme et de regrets. Naitre, travailler, mourir et ressusciter sans jamais briser la boucle. Ainsi était écrit la destinée de ceux qui ne connaitraient jamais la vérité et l'existence même d'une myriade de possibilités par delà les ombres et la lumière.

Mais qu'en est il de la destinée? Quel est le choix du destin en personne, par delà sa propre personnification, cette grande et puissante tisseuse dont peu connaissent et reconnaissent l'existence dans les flux dimensionnels? Que dire à ceux qui croient que leur existence a été déterminée lors de la première seconde de leur vie? Que leur répondre quand on mentionne l’Éternité, ce concept soi-disant contrôlé par des forces trop grandes pour que nous les comprenions? Devaient-on leur dire qu'ils avaient raison? Leur rétorquer qu'ils avaient tort?

Mais que dire quand une déesse était elle-même victime de la causalité? Une grande question à laquelle il était encore impossible de répondre. Des siècles durant, la créature divine connue sous l'identité de Terra Odden avait appliqué certaines lois écrites par des forces encore plus anciennes, plus antédiluviennes qu'elle même, chaperonnant parfois la vie des humains, marchant à leur cotés et veillant sur sa propre meute tout en rêvant du moment où elle n'aurait plus jamais à livrer de comptes à cette Source dont elle ne voulait plus être dépendante. Ainsi avait été le choix de l'ancienne Princesse de l'Ordre des Antédiluviens.

Mais rêver peut prendre bien des formes et bien qu'une partie de son rêve soit devenu réalité, il restait encore en elle des éons de rêves....ou plutôt de cauchemars dont elle redoutait la réalisation sur le court et le long terme, prenant la forme de cauchemars de sang, de feu, de haine et de destruction.

Des événements, des moments aléatoires dans lequel cette jeune femme en apparence voyaient disparaitre toute notion de temps, laissant parfois sa forme éthérée déchirer le mince voile de la réalité avec le monde des rêves. Combien de temps cela durait-il? Un an? Un jour? Une seconde? Un mois?

Personne ne savait combien de temps prenait la transition de l'âme vers les lointaines contrées des Rêves que quelques rares élus ne connaissaient que sous un seul nom: Chimerica !!
Les règles y'étaient fort simples et acceptées par tous: Chaque âme voyait un rêve lui être accordé, souvent en accord avec ses propres désirs ou ses souvenirs d'une vie lointaine. Mais les désirs pouvaient souvent devenir des peurs, des angoisses, parfois inconscientes et il semblerait que cette nuit, même une Déesse ne parvienne pas à faire exception à la règle.

Comme pour parachever son odyssée, l'esprit s'écrasa dans un décor de béton, d'acier et de macadam, reprenant une forme qui l'avait habité dernièrement. Reprenant doucement ses esprits, ce qu'elle voyait lui semblait familier et pour cause, cela ressemblait à une ville tout ce qu'il y'avait de plus classique. Rien n'aurait pu arracher la jeune femme à la contemplation d'un endroit pourtant si banal si ce n'était les trop nombreux décors entachés de sang, de cadavres, bordés par un ciel rouge ocre s'étendant jusqu'à la ligne d'horizon.

Longeant les trottoirs souillés, de nombreux constructions de bois simples se voyaient ornés de gens crucifiés, gémissant d'une mort lente qui semblait ne jamais venir. Hommes, femmes, enfants, livrés à une force aussi puissante qu'ancienne, abandonnés à un sort bien pire que la mort. D'autres avaient eu la chance de mourir tout de suite, ne laissant que bien peu derrière eux comme les très nombreux restes dans lesquels la déesse ne pouvait que poser les pieds, paralysée par les immondes visions infernales de ce cauchemar dans lequel elle hurlait son désespoir, son incapacité à pouvoir aider ces gens.

Elle ne pouvait que voir....et écouter les quelques suppliques à peine perceptibles dans leurs gémissements laconiques. Couverte du sang de la mort pour seul apparat, elle voyait au loin et dans les cieux des formes grotesques et tentaculaires flotter au dessus de ce monde de désolation, régnant de par leur simple présence d'une main de fer car si les crucifiés souffraient, ils avaient eu la chance de ne pas devenir comme les "autres", ceux qui avaient mutés et dont les chairs avaient mutés jusqu'à s'amalgamer avec les trop nombreuses formes de vie qui avaient eu le malheur de croiser leur route, les transformant en abomination qu'aucun mot ne pouvait décrire avec précision tant ces choses ne pouvaient que démontrer leur appartenance à une espèce bâtarde, vile et mentalement aberrante qu'aucun esprit humain ne pouvait imaginer même dans son plus grand accès de folie.

Derrière elle se tenaient les répugnants, les adorateurs de la chair, ceux qui ne vivaient que par elle, des êtres aux bras anormalement long, à la posture titubante, l'apparence à la fois filiforme et grisonnante aux traits sans âmes comme si ce qu'il y'avait de plus hideux en eux resurgissait sous une forme adaptée à ce nouveau monde, ce nouvel ordre qui s'était abattu à Gotham City.

Derrière eux se trouvait ce qu'il restait de Gotham Harbor et ses alentours, noyés dans une mer rouge sang dont semblait s'extraire par delà les remous une forme gigantesque. Elle surgissait des eaux troubles, s'extrayant dans un hurlement guttural dont le bruit semblait, non par sortir de sa gorge mais de celle des milliers d'habitants transformés, comme relié à elle. Elle voyait la créature, dont les sommets déchiquetés de son crâne semblaient s'être ornés de formes disparates et tordues d'âmes emprisonnées en son sein, poussant les mêmes râles que les crucifiés pris au piège.

Tous autour d'elle, ils hurlèrent dans un concerto de souffrance, dans une apogée de douleur et de damnation, terrorisant présentement la jeune femme qui tentait de fuir, les larmes aux yeux, à la fois terrorisée et impuissante, tombant parfois dans les restes sanglants de carcasses et d'entrailles recouvrant les rues de Gramercy Row jusqu'à l'East End, passant par les quartiers des affaires. Au loin, les somptueux immeubles n'étaient plus que des amas de chair se tordant, tentant de toucher jusqu'à la pointe du ciel, là où se trouvaient les Maitres Absolus, Grands Anciens d'une Force oubliée ayant pu resurgir depuis les méandres de l'Oubli.

Courant à en perdre haleine, elle vit pas les nombreuses autres créatures, des parodies d'êtres humains l'observer depuis les ruines des habitations et de nombreux autres lieux de réunion que les plus riches de Gotham affectionnaient, manquant parfois de peu de tomber dans des crevasses par lesquels s'extrayaient d'étranges formes cubiques qui se dressaient et s'envolaient à leur tour vers les hauts cieux maudits. Elle ne remarqua même pas les nombreux corps qui s'écrasaient en hurlant dans une sonate d'épouvante qu'aucun auteur d’œuvres d'horreur n'aurait renié, laissant dans un impact d'une rare violence ce qui faisait à la fois le contenant et le contenu de leur être qui se mélangeait déjà avec les immondices sanglants qui composaient à présent les rues et les trottoirs de la ville.

Une fois de plus, elle glissa, tombant au milieu de la fange, incapable de voir la scène d'obscénité qui se déroulait à sa droite. Elle n'entendait que vaguement des cris déformés qu'on aurait pu croire comme ceux d'enfants. Refusant de tourner le visage et effrayée à l'idée de ce qu'elle risquait de voir, elle reprit sa course effrénée sans même constater que les créatures à l'origine des cris avaient décidé de suspendre leur activité pour se focaliser sur elle. Elle ne percevait pas le magma de formes impensables qui la coursait dans un but qu'elle refusait de découvrir et n'avait même remarqué les gens dévorés par un sol qui semblait se repaitre d'eux. Ceux qui n'en étaient point victimes étaient, quant à eux, bien trop occupés à se laisser aller à des pulsions sexuelles immondes et impensables, pratiquant toute sortes d'actes dans une orgie de débauche infernale, inversant à la fois les positions et les rôles comme le voulait leur infernal récital et les funestes maitres qu'il semblaient à présent servir pour l’Éternité. Ainsi allait le destin des vicieux, les sodomites comme aimait les appeler les bigots et autres grenouilles de bénitier dont on pouvait à la fois entendre un subtil et atroce mélange d'hurlements qu'on pouvait concevoir à mi-chemin entre jouissance et souffrance, agissant en rythme, dans une giclée de stupre et de sang giclant par jet à chaque mouvement. Terra ne leur porta qu'un regard bref, fuyant la horde titubante prête à lui faire subir une destinée dont elle ne voulait point.

Elle ne pouvait que courir, les larmes aux yeux, incapable de comprendre à la fois ce qui arrivait et comment elle n'avait pu empêcher un tel déferlement infernal, se cognant parfois aux pétrifiés, ceux qui n'avait pas eu la chance de disparaitre et dont les corps statufiés fusionnaient progressivement à l'immense structure maudite qui composait Gotham. Incapables de parler ou même de bouger, ils n'en restaient pas moins conscients comme en attestait les seuls éléments de leur corps encore en état de bouger. Des regards qui en disaient bien long sur ce qu'ils souhaitaient, à savoir la seule aide qui pouvait leur être fournie: Celle de les tuer, de détruire les corps une fois pour toute et de libérer les âmes enfermées. Mais jamais personne, ni même la fille de Selmak ne répondrait à leurs espérances. Elle ne pouvait que s'enfuir, loin, aussi vite qu'elle pouvait, impuissante et abandonnant à jamais ces pauvres victimes. Mais cette course, vous vous en doutez, allait vite toucher à sa fin.

Tombant une fois de plus sur le sol impraticable de chair et de sang, elle fût incapable de se relever quand elle vit une myriade de bras aux chairs nécrosées l'attraper de toute part comme pour la retenir alors que l'armée de créatures difformes approchait dans le seul but de se saisir d'elle alors qu'elle se débattait, hurlant comme elle le pouvait, leur intimant l'ordre de la lâcher et de reculer.

Mais ils n’obéirent point, se contentant de tendre les bras en gémissant vers celle qui bientôt, ne ferait plus qu'une avec eux.

Ce fût sa dernière réplique, son dernier cri, déchirant à la fois la nuit, l'espace, le temps et le voile.
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5 jours après la singularité
5H30 du matin
Quartiers de Terra, Sanctuaire de la Lignée


Le même hurlement se répercuta dans la chambre où la jeune femme dormait. Elle venait de se redresser, poussant un cri qui avait probablement été entendu par tous au sein même du secteur. C'était une jeune femme terrorisée, en sueur et secouée qui était à présent assise dans son lit, toujours enveloppé par les Ténèbres et victime une fois de plus d'un cauchemar comme elle n'en avait jamais fait.

"....................."

Mais au moins, elle était de retour à Gotham, dans cette chambre sans avoir constaté que malheureusement, cette dernière avait rapporté quelque chose lors de son voyage sur Chimerica.....et que cela allait sans doute nécessiter des frais de teinturiers extrêmement élevés.

C'est à présent que je vous laisse, chers lecteurs et chers lectrices afin que vous ne soyez plus qu'observateur d'une situation qui, bien qu'elle pourrait sembler banale pour le commun des mortels, semble être doté d'un élément qui pourrait bien sortir du lot. Après tout, ce n'était pas habituel de sortir d'un rêve en étant recouvert de sang.....et de quelques autres petites choses que je refuse de vous décrire à cet instant.

A présent, laissons donc cette jeune femme à ses ennuis....et à un réveil qui promet d'être très particulier.

Nous ressentons tous la peur face à l'indicible, l'incompréhensible et l'irrationnel et pourtant, ces deux êtres faisaient face aux ténèbres ésotériques qui bordaient leur vie depuis fort longtemps.Et malgré cela, il arrivait parfois que la terreur la plus primale puisse faire vibrer toutes les cordes de notre être.

C'était ce qu'il se passait à cet instant.

Nul n'entendit la suite de ce que l'Empereur et la Déesse s'échangèrent mais au vu de l'expression d'horreur qui se dessina sur la visage de Terra, nul doute qu'elle semblait comprendre bien des choses.
Nombreuses sont les questions que vous devez certainement vous poser: Quelle était la créature? C'est une question à laquelle vous avez eu votre réponse mais pour les autres?

Qui était le puissant géant? Pourquoi les enfants ainsi qu'Akasha avaient fait ce rêve sur cet étrange géant? Que savait réellement Terra par rapport à tout cela et quelle serait sa décision? Akuma allait il tenter d'en savoir plus?

Tant de question et autant d'impatience. Votre curiosité semble aussi dévorante que la faim et je ne peux que vous comprendre. A vrai dire, vous ne pouvez que priez pour connaitre à la fois la suite de l'histoire et espérer que Terra ne daigne pas encore quitter l'immense échiquier sur lequel elle se trouve malgré elle. Sachez toutefois que le moment de dire "Echec et Mat" est encore loin d'être arrivé et bien des péripéties l'attendent dans ce monde.

A Gotham? Possible !
Ailleurs? Qui peut le dire car même moi, je ne suis pas certain du futur et ne peut en percevoir que d'infimes petites bribes acceptant de se dévoiler à moi. Après tout, leur futur n'appartient qu'à eux. Quant à ce chapitre, tout était dit à cet instant mais rappelez vous ce que j'ai dit: La fin est encore bien lointaine et tout cela ne fait que commencer alors que progressivement, une nouvelle menace semble se profiler.

La Reine bouge........et le Roi en fait de même. Chaque mouvement est comme une force incroyable se mouvant dans l'Univers, traversant des éons d'existence insoupçonnés. Ma seule possibilité est maintenant de rester jusqu'au dénouement final, qui, j'en suis sûr, secouera jusqu'aux fondations même de l'Existence toute entière. C'est ainsi que l'avenir survient à son propre rythme.

Mais je peux au moins me permettre de dire ceci: La choix de Terra à cet instant est fait.
Est il définitif comme en atteste à présent les quelques bagages qu'elle est en train de faire, prête à laisser l'enfant même ici pour sa propre sécurité?

N'oubliez pas: L'avenir n'est pas écrit à l'avance et il est parfois lourd de porter sur soi et en soi la culpabilité de l'abandon de ses amis....mais aussi d'une enfant.

A présent, il est temps pour moi de fermer ce livre et de clore ce chapitre qui, certes, fût court mais assez empli d'émotions dont il faudra un moment pour se remettre.