La nuit dernière avant encore été courte pour le Docteur. Plongé dans ses palpitantes recherches, il avait perdu la notion du temps en même temps que son sommeil. Ce fut Wilfried qui le tira de son microscope pour l'avertir de son rendez-vous en claquant sur son bureau métallique un dossier de rachat. Karl avait tourné son visage marqué par la fatigue sur le nom de "Axis Chemical" imprimé sur la première page et eut un sourire amusé en tournant ses pages. Et dire qu'il allait alimenter sa guerre grâce au libéralisme de ce pays. L'ironie valait la peine qu'il se lève de son siège. Il s'étira pour réveiller son corps et fit craquer ses cervicales comme à son habitude. Une bonne journée de travail l'attendait. Mais avant, son injection de NKV. Ce n'était pas une étape qu'il aimait particulièrement dans son emploi du temps. A ses côtés, Wilfried fermait les fenêtres, il était presque 5 heures du matin et il valait mieux que personne ne voit les visages du Todeskorp sans leurs masques à gaz. Derrière lui son supérieur enlevait sa veste militaire et déboutonnait sa chemise.
-(Apportez-moi le coffret Lieutenant) demanda-t-il avec détachement.
Le militaire ouvrit l'armoire du Docteur et en sortit une boîte en ébène noire pour laquelle le Docteur semblait avoir beaucoup d'attachement. C'était de sa mémoire le seul élément qui permettait encore de dire que le chercheur était un être humain. Cette petite boîte noire était le seul élément matériel avec son masque à gaz qu'il semblait porter dans son cœur. De sa démarche raide il se rapprocha de Karl qui dégrafait le bandage de son bras gauche. L'état des membres n'étaient pas réjouissant. Leurs veines étaient colorées avec une violet-mauve similaire à ceux des hémorragies et certains endroits étaient noirs. La première fois il s'était inquiété et en avait fait part à l'intéressé qui lui avait nonchalamment répondu que la coloration était le résultat des injections et non d'une détérioration de son système veineux.
Il ouvrit la boîte que lui avait déposé Wilfried tandis que ce dernier rangeait l'espace de travail. Le Docteur Death sortit alors sa seringue et un flacon de NKV. Du point du vue du profane, le produit était incolore, similaire à de l'eau. Karl l'ouvrit légèrement et le porta à son nez pour en vérifier l'odeur âcre qui lui rappelait tant de mauvais souvenirs. Son rythme de vie devenait de plus en plus insupportable et il sentait qu'il était à la limite de ses capacités, heureusement son prochain rachat allait lui offrir une plus grande latitude que ses actuels employeurs. Il enfonça son aiguille au travers de l'opercule et remplit avec la force de l'habitude sa seringue. La première fois qu'il avait vu faire cela était à ses 3 ans. Il ne gardait pas de souvenirs des précédentes. Son père avait à l'époque le même regard que lui, concentré, sachant pertinemment ce qui se passerait.
Tel était le malheur des intellectuels et des petits génies: ils savaient. Avoir connaissance des conséquence peut apporter autant de bonheur que de malheur. L'imbécile était heureux par nature parce qu'ignorant tout des malheurs de ce monde. Karl n'était ni un imbécile ni un couard, mais il avait une connaissance quasi encyclopédique sur les effets du NKV. Le site d'injection serait aussi brûlant que la lave, son système capillaire lui ferait croire qu'un millier d'aiguilles lui transperçaient la peau, il aurait des douleurs à la plupart de ses organes interne, ses yeux le piqueraient pendant dix bonnes minutes et l'heure de repos qu'il devrait prendre serait hantée de cauchemars ignobles.
L'aiguille s'enfonçant dans sa peau agressée par ses précédents traitements. Avec la régularité d'un pousse-seringue il répandait en lui son produit miracle. Lorsque qu'il reposa son instrument, il se releva et s'installa dans une pièce voisine avec un lit de camp improvisé. Il peinait à marcher droit. Son être semblait vouloir littéralement exploser. Ses organes semblaient pousser les parois de son êtres. Son sens de l'équilibre commençait à être atteint par le produit. Wilfried le soutint en le saisissant sous l'épaule gauche.
Il installa ensuite son supérieur tandis que son être était envahit par des visions de son passé...
***
Erwin avait ramené la voiture du Docteur dans Grammercy Row. Il regarda sa montre, 6 heure 15. Le Docteur avait rendez-vous à 8H00 pour la signature de son contrat, normalement il devrait déjà être prêt. Le soldat découvrait presque les lieux, il avait peu dormit dedans, ayant une réservation pour encore une semaine dans un hôtel en ville. Il gravit l'escalier qui donnait sur le laboratoire et fut surpris d'y découvrit Kurt qui travaillait déjà sur un plan de travail avec devant lui des composants de toutes sortes, électroniques, mécaniques, des morceaux de textiles et des filtres chimiques. Un large plan se déployait devant lui, celui d'un nouveau modèle pour des masques à gaz s'il en croyait le croquis final.
Lorsque Kurt était plongé dans son travail avant tant d'ardeur il valait mieux ne pas le déranger. Ludwig lui était endormi sur une chaise de l'autre côté de la place. Le début de leur association était similaire à un début de campagne, on déploie les soldats sans avoir prévu l'intégralité des casemates pour les faire dormir mais l'important c'est qu'ils soient sur le terrain. L'ambiance matinale était légère et le quartier environnant plutôt calme. Des chômeurs au mètre carré, des enfants errants, des sans abris et beaucoup de drogués. Hier le Docteur avait annoncé la fin du commerce de drogue qui lui avait permit de se faire une place ici, le quartier avait été accueillant, mais il aspirait de plus grands desseins. Pour l'heure il leur restait une quantité assez impressionnante de drogue dans leurs réserves, mais il leur avait assuré qu'il saurait quoi en faire le moment venu. On ne contredisait pas le Docteur.
La porte du laboratoire s'ouvrit à la volée, révélant un Karl Hellfern fringuant et souriant, comme s'il avait dormi dix bonnes heures avec juste derrière lui Wilfried, le visage sévère. Erwin se leva et fit un salut militaire de circonstance. Wilfried lui rendit. Ludwig se réveilla à l'entente de son camarade et se leva à son tour pour se fendre du rituel. Ils étaient peut-être peu nombreux mais l'organisation nécessitait le respect de toutes les conventions de l'armée qu'ils étaient. Ils virent que leur supérieur s'était changé. Au lieu de l'uniforme noir il avait revêtu un costume de ville décontracté essentiellement blanc, une chemise blanche, une veste écrue et un pantalon assorti. Sous son bras se tenait l'intégralité des actes notariés qui n'attendaient qu'une poignée de signatures.
-(Messieurs), fit-il avec un souriremalsain,
(Ce soir nous changerons de lieu de travail.)La nouvelle fut accueillit avec le sourire par les membres du Todeskorp. Cette cachette avait du bon, mais soyons honnêtes, elle n'était pas pratique pour leurs prochaines opérations.
Erwin rejoignit le véhicule et s'installa comme chauffeur, Ludwig et Kurt reçurent comme ordre de commencer à remballer les affaires du laboratoires dans un camion qu'il avait loué en ville et de ne surtout rien oublier. Wilfried monta à l'arrière de la berline avec le Docteur qui venait de mettre un coupe vent blanc laiteux. Le militaire eut un sourire à en observant de nouveau la tenue resplendissante du civil. Il connaissait suffisamment l'individu pour savoir que son habillement était une plaisanterie qu'il affichait ouvertement.
Le véhicule traversa sans aucun mal les rues matinales de Grammercy Row et se lança dans les rues de la ville. Ils devraient en avoir pour une bonne demi-heure à traverser le quadrillage romain de la cité.
- Doktor? demanda Wilfried en brisant le silence de l'habitacle.
- Ja?
- (Pourquoi avoir besoin d'une telle entreprise, ne faudrait-il pas mieux jouer la carte de la discrétion et faire appel à des sous-traitant?)- (Axis Chemical est une proie de choix Wilfried), expliqua Karl,
(elle nous permettra de blanchir l'argent de nos opérations tout en synthétisant nos armes chimiques dans les délais qui nos arrangent. Nous ne pouvons pas compter sur STARS Labs, ni sur aucune autre entreprise américaine, imagine un peu les question qui pourraient survenir. Nous ne faisons pas simplement des bidons d'acide, nous voulons des toxines et aucune entreprise n'acceptera de les synthétiser. J'ai longuement réfléchit à comment les saboter pour prendre leur production, mais le temps nous manque. Avec Axis, nous allons pouvoir commence immédiatement la production.)
- (Si quelqu'un met son nez dans les comptes de l'entreprise?)
- (Axis Chemical est le vide juridique le plus complet de cette ville, des années de vols de produits par des criminels, si nous leur offrons une meilleure sécurité et des services de qualités ils ne se poseront aucune question.)Le militaire se tut, il connaissait les champs de bataille, il savait reconnaître des objectifs stratégiques lorsqu'il les voyait mais devoir ainsi s'insérer dans les rouages de l'économie ne le rassurait pas. Karl avait passé des semaines à trouver des comptables assez zélé pour ne poser aucune question et les mettre dans cette entreprise sitôt achetée, mais l'on ne pouvait s'assurer du silence de chacun. Le Docteur leur avait résumé la situation en "nous auront de nombreux subordonnés qu'il nous faudra surveiller au maximum, la moindre faiblesse de l'un d'eux et il est licencié". Wilfried ne connaissait qu'une seule manière de congédier un élément dissident, la même que le Docteur.
Le voiture s'immobilisa devant les grilles d'Axis. Karl montra sa carte d'identité, on ne la demanda pas aux accompagnateurs. Un point que Wilfried nota en son for intérieur pour le changer aussitôt que possible. Le Docteur était du genre peu méfiant, toujours prompt à présumer de sa propre force et par extension de sa propre supériorité, avoir un adjoint qui puisse assurer ses arrières était une nécessité.
Sitôt le frein à main tiré, Karl ouvrit sa portière. Le petit parking ne payait pas de mine. Deux individus peu souriants s'approchèrent de lui. Les anciens propriétaires. Le Docteur leur serra la main avec le sourire du conquérant. Les pourparlers pour le rachat de leur entreprise avaient été mouvementés. Ils prononcèrent leurs plus "sincères salutations" avec le ton des deux hypocrites qui avaient de toute façon perdu. Tout cela était tellement pathétique songeait le criminel alors que les deux futurs ex-gérants lui parlaient de la pluie et du beau temps. Lui observait la silhouette de la zone de production. Bientôt ses cheminées cracheraient dans le ciel de Gotham pour soutenir les rythmes de productions d'armes de guerre, SES armes de guerre.
Une fois dans la salle de réunion, les avocats des deux partis se levèrent de leurs sièges. Ce furent dix minutes de plaisanteries pour détendre l'atmosphère, cinq pour ramener des boissons et enfin dix longues minutes de signatures. Près de cinq jours de négociations pour en arriver là. La direction n'avait de toute façon pas les moyens de supporter l'offre de rachat. Deux millions de dollars s'étaient déjà, disaient les experts-conseil, un million de trop. Mais Karl aimait la victoire. La transaction se fit sous les meilleures auspices, on fixa le montant du premier versement, le Docteur fournit un numéro de compte qu'il avait remplit récemment sous l'intitulé de ventes de brevets avec une obscure entreprise biochimique Russe.
Lorsque la pointe du stylo de Karl quitta le dernier papier, il devint officiellement le Directeur Général d'Axis Chemical. Autour de la table on se félicita, on sortit une bouteille de champagne pour boire officiellement à la transaction, officieusement pour arroser la déconfiture des deux anciens propriétaires qui avaient mené l'entreprise vers nulle part. Lorsque les verres tintèrent, le Docteur rit en son for intérieur. Savaient-ils qu'ils trinquaient au début de la fin de Gotham City?
[HRP]Avec l'autorisation de l'administration, Karl Hellfern devient officiellement le Directeur de l'entreprise Axis Chemical.[/HRP]