Du poulet. Indéniablement du poulet. Fière d'elle, la Batgirl referma la porte de son appartement et huma une dernière fois le repas de ses voisins du dessus. Dans l'immeuble, personne ne savait que Cassandra Cain, sans doute la « flèche brisée » la plus dangereuse de Gotham, connue pour être la Batgirl, sidekick de Batman devenu autre légende urbaine, vivait içi et passait elle aussi ses soirées sans patrouilles dans un fauteuil en maudissant les tuyaux de gazs. Comme toutes les cellules en or du bâtiment, le studio de la Bird of Prey comptait quatre pièces, dont une salle à manger, une cuisine, une chambre et une salle de bain. Comme à l'habitude de Cassandra, les pièces étaient très peu meublées, voir spartiate. Même si la fille de Lady Shiva aurait été capable de traverser un entrepôt en bordel les yeux fermés, elle préférait largement l'austérité, qui convenait à son monde sobre et surtout, lui permettait une meilleure mobilité. Au bout d'une vingtaine d'années de recherche de la plus grande efficacité, c'était devenu une sorte d'obsession qui régissait sa vie.

Toujours heurese d'avoir pour la première fois de sa vie put mettre un mot sur une odeur, la justicière laissa tomber son manteau de ses épaules, déposa sur la table le journal qu'elle venait d'acheter et s'assit pour en analyser les images avec la plus grande concentration. Lire tout un article lui était encore trop difficile, possible mais trop fatiguant pour ses yeux qu'elle préférait conserver à d'autres opérations. Il commençait à se faire tard, c'est à dire qu'aucune lumière ne parvenait à filtrer des volets rouillés de l'appartement, l'obligeant à allumer sa propre lumière. Avec un petit pincement au coeur, Cassandra lâcha ses illustrations en noir et blanc de l'actualité et s'afaissa pour observer la petite télevision, le buffet au contenu hétérogène et les murs blancs, troués de çi de là par les tableaux des anciens propriétaires. Ce décor l'exaspérait, la lassait. Elle s'y sentait civile, vide, comme si sa vie n'avait pas de sens lorsque les jours s'y découlait lentement sans surprises.

Sa chambre au Ladie's Paradies et le bar en lui même, n'étant pas l'habitat de Cassandra mais celui de Batgirl lui semblait beaucoup plus s'approcher d'une maison. Depuis que la chauve souris planait sur les rues de Gotham, Cassandra y avait trouvé une raison de vivre et sa véritable place. C'était son rôle. La jeune femme se prit un instant la tête entre les mains, laissant les souvenirs d'Arkham et des derniers moments du leadership BOP de Canary se propager dans l'ensemble de son esprit et ses muscles se délier au parallèle de ses pensées. Les derniers mois avaient été plus que mouvementés pour le groupe et Gotham. La ville saillait, brillante d'une fausse beauté pourtant étincelante qui n'était que les reflets du sang versé pour la séparer d'Arkham, pour la rendre docile et pour faire semblant de la libérer de cette soumission.

«  Le sang de la déchirure... »

Aujourd'hui, plus que jamais, les justiciers et justicières devaient se dresser contre les différentes menaces, et rester en cohésion. Hélas, Shrck avait fait naître les justiciers d'état, la meilleure idée qu'il n'aurait pu avoir pour briser cette fragile solidarité. Au lieu d'aider Gotham, les justiciers allaient se courir derrière, redevenir des monstres et être traqués à la place de ceux qui devaient l'être. Lulla Brogan, la policière qui avait assitée à la co-fondation des BOPs, était une sympathisante a laquelle Batgirl faisait confiance mais qu'en serait il du reste du GCPD ? Le département de police de Gotham, acculé par la recrudescence des mafias, submergé par les sursauts arkhamiens et les pérégrinations diaboliques des jeunes criminels, avait il vraiment besoin de se chamailler aussi avec le seul véritable allié qu'il n'avait jamais eu ?

De son appartement, sans même avoir besoin d'utiliser ses sens aiguisés, Batgirl sentait les cris de Gotham torturé, entendait le cliquetis des chaînes des héritiers de la furie millicienne et de l'idiotie d'Arkham. Il fallait suivre le vol des oiseaux BOPs ou s'abriter sous l'ombre de la chauve-souris. Des chauves-souris.

Après avoir relevé la tête, l'ex-assassin rejeta ses cheveux en arrière, consciente de devoir bientôt les couper pour garder sa vision. Ce n'était pas réellement grave. Cassandra était une perfectionniste, mais même sa génitrice, la Lady Shiva, avait les cheveux longs la dernière fois qu'elle l'avait vue et alors, cette femme avait le pouvoir de briser n'importe quel armée qu'on aurait pu lui envoyer. Huntress, la professeur d'anglais de Batgirl et coéquipière BOP de cette dernière, avait elle même une longue crinière et se débrouillait pas mal sur le terrain. La jeune femme eut un sourire, laissa ses cheveux tranquille et se releva. Dans un tiroir du buffet, elle tira une gourde au gainage de cuir en deux parties, normalement gadget de Batman, mais auquel elle avait le droît grâce à son costume. Une partie était remplie d'eau isotonique, l'autre d'antalgiques en petites portions.

Une fois ceci et une clé usb avec des programmes d'éducation suivant le cours d'Huntress, adaptés normalement à des enfants de collèges et de secondaires, posés sur un fauteil à portée de mains, Cain jeta un coup d'oeil à l'heure et entreprit de réfléchir. C'était toujours le même schéma depuis deux ou trois jours, elle réfléchissait de vingt et une heure à minuit pour savoir si elle devait se coucher ou commencer une patrouille dès le début de la journée, et dès 22h, elle allait se lever en trombe pour allumer la lumière dans Gotham avec son ombre. L'oiseau commun peut voler durant des heures sans se poser, la BOP n'est pas commune mais elle doit elle aussi voler et rendre la justice sans se poser. Pour certains, cela pouvait ressembler à un fardeau trop lourd, au plus dangereux et difficile travail du monde. Pour l'arme crée par David Cain et sa femme, c'était un plaisir permanent. Plus qu'un devoir. Le genre de choses qu'aucun Shreck ne pouvait enlever, vert ou aux cheveux blancs.

C'est à ce moment que le communicateur de la Batgirl sonna. La jeune femme réagit comme à une attaque et appuya même deux fois sur le verrou du canal. Le message provenait d'Huntress, et lui demandait de rejoindre le beffroi du Gramercy Row. Elle ne savait pas ce qu'était un beffroi, mais elle connaissait très bien le mal famé quartier de Gramercy, et décida d'en rejoindre le point le plus haut pour répondre à l'appel de Bertinelli. L'hibou d'acier n'avait pas utilisé de formule de politesse, ni de rappel du fait qu'elle connaissait son identité secrète – en partie – mais une interjection. C'était donc urgent, comme elle le précisait elle même. Tout en se levant et en cherchant son costume à sa place habituelle, Batgirl se mit à réfléchir.

Que pouvait il bien se passer ? Huntress avait toujours été agacée par le port de la responsabilité Batgirlienne par Cassandra, elle n'avait pas autant confiance en elle qu'en Black Canary ou Oracle. Il n'y avait donc que deux solutions. Soit il était arrivé quelque chose à ces deux dernières et elles étaient donc indisponibles, ou bien la cause de cet appel. Soit l'urgence que requiérait Huntress et son caractère demandait des talents précis qu'affectait plus particulièrement Cassandra. C'était bien possible. Tout cela requiérait qu'elle se change et quelque chose l'en empêchait. Son costume était tout simplement absent. Elle utilisait six places successives pour ne jamais permettre son vol, trois au bar, trois dans son studio et personne ne les connaissait. Elle-même n'était absolument pas du genre à perdre ou oublier quelque chose, et étant donné qu'elle n'était pas au bar, le costume ne pouvait que l'avoir suivi au studio. Et pourtant, il semblait être resté là bas. C'était étrange et surtout fâcheux.

L'orpheline au costume violet avait pourtant parlé d'une urgence, ce qui ne laissait pas le temps à une femme, même rapide, d'aller chercher son costume, de s'habiller et de venir plus tard, sauf si elle comptait rejoindre un champ de ruine. Huntress comprendrait, de toute façon, s'il arrivait quelque chose de grave, son port du costume ne changerait pas grand chose. En effet, Cassandra avait son grappin, quelques batarangs, et surtout son corps, qui était lui même une arme faconnée pendant des années et issue du sang des meilleurs gadgets humains. Le seul problème consistait en la ceinture, c'est à dire un rangement pour tout cela plus les affaires posées sur le fauteil. Le matériel de Batman était lourd mais la ceinture parfaitement proportionné pour que la Batgirl puisse le porter, s'en servir à son gré. Pendant une dizaine de secondes, Cassandra chercha dans sa très mince garde-robe des ceintures, en tira celle qui semblait la plus solide, enleva son jean, qu'elle remplaça par un bas plus permissif et serra la ceinture au maximum avant d'y ranger les gadgets. Pour ce soir, elle était en improvisation de chauve-souris, mais cela devrait suffir. Sans le tissu aérodynamique et la cape étudiée pour l'air, le voyage allait s'annoncer plus difficile et les prouesses acrobatiques impossible. Sans pour autant néglier la voie des toits, Batgirl mit à contribution sa souplesse pour sauter sans prendre son chemin habituel de patrouille vers Gramercy Row.

Une cohorte d'idées s'entrechoquait dans sa tête sur ce qui pouvait se passer mais elle ne s'attendait pas vraiment à voir la réalité. Pourtant, désabusée des surprises, son visage resta indifférent lorsqu'elle découvrit, près du beffroi en question, la silhouette reconaissable d'Helena Bertinelli, engoncée dans la coupe reconaissable du costume de la femme chauve-souris. Un instant, Cain ne bougea plus, les yeux rivés sur sa collègue BOP. Fidèle à elle même, Helena la regardait avec le mélange constant de méprisance, de plaisir et de force féminine qu'elle administrait son arrêt au monde, et qui aujourd'hui se mélait à la fois de défi, de jalousie, de curiosité et d'une certaine fierté. Sa gestuelle de sicilienne ne trompait pas, tout comme son apparence elle même. Drapée dans sa classe et dans un costume qui ne lui appartenait pas, Bertinelli le portait pourtant non pas avec légitimité mais d'une façon très intéressante. Tous deux allaient bien ensemble, à moins qu'elle n'ait retouché le tissu pour qu'il épouse ses formes, différentes peu ou prou de ceux de la fille de Shiva.

Elle avait des cheveux plus longs, qu'elle portait beaucoup moins en queue de cheval et une peau plus mate, issue de la méditéranée. Cassandra elle, avait pour seul grand ennemi le soleil, qui agressait sa peau trop blanche si elle y restait longtemps exposée. Huntress n'avait pas d'autres grandes différences corporelles avec Cassandra, à part les traits du visage issus de leurs origines, ce qui augmentait grandement la qualité de son port du vêtement. Après avoir lentement tirée de sa poche gauche – elle était en t-shirt simple de couleur noire pour tour permettre – des gants en mitaines, bien moins costauds que ceux du costume mais essentiels pour une escalade dans le monde du verre, de l'acier et des petits clous, elle rejoignit finalement Huntress, sans grande célérité, maintenant certaine qu'il ne se passait rien de grave pour Gotham City.

« -  Toi, quelque chose me dire ? »

« Reste ici, je reviens »

Cassandra ne put s'empêcher de sourire. Elle utilisait rarement ses zygomatiques et était insensible à toutes sortes de facteurs connus pour déséquilibrer les hommes et les femmes, mais l'attitude d'Helena réveilla en elle la vieille notion d'amusement involontaire et c'est les yeux pétillants que l'arme noire regarda Huntress partir à la recherche d'elle ne savait quel objet indispensable à la soirée. D'après ce qu'elle avait compris, la jeune femme souhaitait combattre avec ou aux côtés de Batgirl, le mythe et non la femme, dans un but encore imprécis. C'était une attitude paradoxale, après avoir volé le costume justement précité et l'avoir recousu pour s'en sentir plus confortable et surtout plus légitime. Moins agile et plus droite qu'un Batman, Huntress s'en retourna et partit fermement décidée à poursuivre l'étrange idée qu'elle avait en tête. C'était une femme bornée, lucide devant ses capacités mais toujours attachée à la tâche qu'elle s'était donnée. Aucune de ses actions ne s'interrompaient au courant, aucun de ses mots n'était lâché sans aucun but. Les BOPs se connaissaient seulement en tant que justicières, et les femmes qui portaient les masques ne se révélaient que rarement, que ce soit dans leurs agissements ou dans leurs décisions, mais plusieurs séances d'apprentissage linguistique avec Huntress avait permises à Cassandra et sa connaissance du comportement humain de commencer à cerner la sicilienne. Fort heuresement, les personnes de la trempe des Birds Of Prey ou des justiciers en général étaient souvent des êtres profonds et riches, dont les personnalitées avaient de multiples facettes et l'histoire de longs plis à découvrir. Ils étaient pourvus de plusieurs niveaux qu'il fallait souvent comprendre étape par étape. Un vrai régal.

Une fois la silhouette noire qui, de loin, ressemblait presque exactement à la sienne, disparue dans la brume de Gotham, Cassandra resta seule avec sa seconde meilleure amie, la nuit, et cultiva la discrétion pendant le temps qu'il fallut. Les yeux ouverts mais le sourire toujours présent, elle observa au loin un volet qui se fermait sur la chambre d'une habitation spartiate, dont les occupants ne pouvaient pas la voir. D'après ses observations, aucun point de vue ne permettait un bon angle de tir près d'eux et il ne se passait pas grand chose dans le quartier choisi par Huntress. Pas grand chose d'important en tout cas. En conclusion, la demande d'Huntress n'était pas si urgente que cela, et ne concernait pas de situations proches difficiles. Les deux femmes n'étaient absolument pas en danger, et si ce dernier survenait, il serait largement visible. Cette constatation était confirmée par le départ de l'italienne, qui ne serait pas allée chercher ce costume si elle avait une urgence et qui savait pertinemment que Cassandra n'avait pas besoin d'un costume pour intervenir dans le cadre de ses fonctions. «  Reste-ci je reviens ». C'était un ordre dissimulé, tout comme son invitation très floue à venir afin d'être certaine de sa présence et le doute qu'elle laissait sur le but de cette dernière. En tant que collègue Birds Of Prey et peu habituée à la gestion sociale, Cassandra ne tiendrait pas rigueur de cette petite entreprise mais se demandait sur quoi cela allait aboutir. Ne pas savoir ce que la nuit lui réservait était un sentiment nouveau, car la connaissance de ses adversaires et des conditions étaient devenues des habitudes vitales, mais plutôt exaltant. Tout ce qui n'était pas connu représentait un challenge, et depuis qu'on l'avait formée à s'entraîner et à se défier elle même chaque jour, le challenge était sa façon de vivre.

Etre Batgirl était le plus grand qu'elle se soit donnée, et il lui sembla qu'aujourd'hui en était une bonne étape. Un instant, l'idée de laisser Huntress seule lui effleura l'esprit. Blessée dans son amour-propre et face à un contre-ordre, la jeune femme aurait peut être compris que le rôle ne se négociait pas, mais cette attitude était contraire aux envies de Cassandra et à son regard envers la Chasseresse. De plus, cela pouvait mettre du plomb dans l'aile des oiseaux de proies en corrompant leur cohésion unique et indispensable, chose qui serait particulièrement désagréable à la maîtresse en arts martiaux. Elle attendit donc, concentrée et calme comme à son habitude, pensive sous les murmures de la nuit et de ses ombres.

Enfin, quelque chose troubla la nuit. Férue de discrétion, Huntress ne pouvait tout de même pas couper sa respiration et sa pulsation cardiaque, ni mettre fin au frottement furtif de ses pas. Peu de temps s'étaient écoulés mais le silence premier n'avait pas été rompu. Or, dans le silence, chaque son était décuplé, ce qui permit à Cassandra d'éloigner son dos du mur où elle s'était adossée et de mettre un pied dans la lumière, histoire d'être visible et de se rapprocher de l'italienne. «  Reste ici, je reviens ». Le sourire de Batgirl s'était estompé depuis un moment mais son regard mêlait toujours curiosité, amusement, plaisir du combat qui approche et appréhension lorsqu'il prit ancre dans les iris enflammés d'Helena Bertinelli. Parfaitement sérieuse, toujours enfermée dans la voie qui menait à l'étrange et toujours mystérieuse idée qu'elle avait derrière la tête, Huntress tendit à Cassandra un costume qu'elle ne reconnut pas au premier abord comme celui d'une Batgirl. Bien moins sombre, plus gris que noir et même doté d'un jaune plus présent, il avait pourtant les caractéristiques principales d'un costume de femme chauve-souris. C'est à dire le symbole de Batman sur la poitrine et une taille féminine de style universelle. Sûrement crée dans une période où les justiciers pensaient que le kitch était aussi important que le paf ! Pour venir à bout des criminels, il était terminé par un masque ouvert au contraire de l'actuel et des oreilles stylisées colorées pour bien ressortir. Partagée entre ses doutes sur le goût d'Huntress, ses doutes sur la nécessité de mettre ce vêtement aux longues bottes de plastique jaune, et ses questions sur le fait que ce soir, deux Batgirls allaient arpenter les ruelles de Gotham City, Bertinelli utilisa alors sa bouche pour formuler des réponses sous formes de mots, un moyen de communication que Cassandra avait provisoirement oublié et elle dut donc quitter l'artefact légendaire des yeux pour s'accrocher au discours et le comprendre.

Comme pour le reste de ses interventions précédentes, Huntress utilisa un ton sec, moralisateur, le genre de ton que l'on utilise pour un disciple. D'un côté, Cassandra était disciple de sa maîtrise de la langue mais elle préféra faire passer dans ses yeux les émotions nécessaires pour faire passer un message à Huntress, sachant pertinemment que la très intelligente sicilienne le comprendrait. Elle avait toutefois raison, bien que son injection passée – « C'est urgent » - tranchait avec sa plainte concernant le manque de préparations de sécurité. Mais le noyau du discours fut déroulée quelques secondes plus tard, lorsqu'Huntress expliqua enfin la raison de cette mascarade. Une fois les raisons expliquées, Cassandra chercha en elle une once de surprise mais n'en trouva pas, comme si elle s'était préparée depuis un bon bout de temps à cette jalouse demande. Tout s'éclairait mais elle avait dèja mis un pied dans le noir lorsqu'au fil des séances, la Batgirl s'était aperçue que l'aversion de Bertinelli pour elle avait pour origine une jalousie originelle, non pas celle de Lilith ou d'Eve mais tout simplement le rêve de devenir Batgirl et la destruction de ses espoirs par un Batman pragmatique duquel elle avait depuis pris ses distances. Ayant une certaine sympathie pour la justicière, Cassandra était assez compréhensive devant tout cela mais au delà du défi qu'on lui lançait, qui fut pour elle aussitôt indispensable, non seulement pour prouver à Helena certaines choses sur elle même et sur la fille de Shiva, mais aussi pour elle. Le rôle de Batgirl lui avait été octroyé d'une façon assez rapide, et tout doutes pouvait entraver son efficacité. Helena était donc la femme parfaite pour cela. Pendant un instant, Cain considéra son « adversaire » comme elle l'avait dèja fait tant de fois mais avec un nouveau regard. Grande, la finesse de ses bras cachant mal les muscles hérités de son entraînement, Huntress était rapide, précise, puissante et aussi agile qu'un chat. Sa connaissance des arts martiaux pouvait faire trembler Black Canary elle même, et sa maîtrise de l'arbalète n'avait d'égale que celle des armes à feu et d'autres projectiles utiles. C'était une menace redoutable pour les criminels et un défi parfait pour ses compagnons. L'alliée idéale. Elle avait du être une Batgirl provisoire de talent, mais son caractère trempé et la violence de son combat était plus taillés pour un rôle comme celui d'Huntress. Elle avait simplement besoin d'en être certaine et Cassandra se fairait un plaisir de l'aider.

Cette dernière se rendit compte qu'elle avait toutefois une légère peur envers son rôle, sachant qu'elle pouvait bien le perdre cette nuit, et laisser ce doute la submerger. Le doute est une force, qui faisait reculer certaines personnes mais que d'autres savait utiliser pour être poussés en avant. Elle n'hésita pas un instant, posa sa main sur le costume que tendait Huntress et prit le temps de communiquer oralement pour marquer sa position, avant de le soutirer.

- J'accepte le défi, Huntress. Cette épreuve sera bénéfique à nous deux. Tu semble avoir définit ce que tu voulais vivre cette nuit, sache que je suis prête. A Gotham, nous trouverons très certainement ce que tu cherche. Y compris la vérité sur la légitimité de Batgirl...

Quelque chose entra alors dans l'esprit de Cassandra Cain et gratta à la porte de son esprit. Il n'y avait pas de cabines d'essayages par ici, ni d'appartements inusés ou de cabines téléphoniques. S'éloigner pour se changer ne serait certainement pas du goût d'Huntress et pourtant, la jeune femme tenait à ce que son adversaire porte le costume légendaire. Il n'y avait donc qu'une seule solution pour cela. Parcourue de certains frissons attribuables par une âme naîve au froid des hauteurs, Cassandra se retira tout de même légérement en arrière à l'ombre de la nuit et tira la fermeture éclair de son ensemble. Huntress était sicilienne, elle avait sûrement le regard ailleurs et puis de toute façon, toutes deux n'avaient pas grandes appréhension à voir des femmes nues, mais au delà même des facteurs de pudeurs et autres généralités, l'éducation spéciale de Cassandra l'avait longtemps éloignée de certaines facettes du monde et elle se demanda tout de même fortement où était le regard de Bertinelli. Ne perdant pas de temps une fois en sous-vêtements, elle retira ce qui devait l'être et enfila d'une façon semblable au sien le costume flashy qui jurait moins avec ses cheveux noirs de jais qu'avec la coiffe rousse de Barbara Gordon. Les formes de l'actuelle Oracle étant proche des siennes, les premières perceptions pour le moins étranges s'estompèrent bien vite, et la Batgirl se mut rapidement dans son costume pour en vérifier les limites. C'était parfait
Prête et sereine quoi qu'empourprée, la jeune femme émergea de l'obscurité et ne dit mot, comme à son habitude, attendant patiemment qu'Huntress trouve les étapes à poursuivre pour pouvoir suivre sa voie. C'était la soirée d'Helena et son avis était de toute façon sensiblement le même pour un groupe de criminels comme pour un autre.

- Ceci est un résultat de gage .. -
Une confrontation libre indirecte sous forme de justice urbaine. Idée parfaite s'il en est. Productive et intéressante, sportive et lucrative pour la communauté. Du trois en un. Cassandra n'avait rien à redire là dessus. C'était dans ses cordes, voir même dans son sang. Un tremplin solide pour commencer un défi à la hauteur du costume de Batgirl. Huntress n'ayant pu prévoir de combats ou ciblé un groupe de malfrats déjà déployés, les justicières, toutes deux membres des Birds of Prey, devraient trouver seules leurs proies ce soir mais à Gotham, ce problème n'en était hélas jamais un, tant la ville était corrompue et rongée par les chancres délinquants et criminels. En soi, la phase de recherche de ces épouvantails serait donc loin d'être une épreuve, ni une difficulté mais une simple formalité que Cassandra se promit pourtant de ne pas rater. Elle ne voulait pas de lavettes, pour son plaisir personnel et pour faire du défi un véritable challenge mais il ne fallait pas se jeter dans la gueule d'un loup non plus, car un gang bien armé et bien rempli, si ses constituants avaient une assez bonne jugeote, faisait reculer tous justiciers sauf cas exceptionnels, même Batman, Shiva et les meilleurs combattants ou bretteurs de Gotham et Blûdhaven. Pour ce genre de groupe, une approche plus furtive, plus lente mais plus efficace était nécessaire alors que l'exigence première de Bertinelli requérait une force brute, sans artifices, le raffinement seul d'un combat loyal.

Du petit lait en vérité. Cette situation était pour Cassandra Cain un acte presque banal, s'il n'avait pas été exécuté à deux et dans les rues d'une ville mal famée contre des hommes non formés. C'était même la situation qui avait été le moyeu de sa jeunesse : seule contre tous avec son corps et son regard sur le combat. En la défiant sur ce terrain, la chasseresse vérifiait si un singe savait bien grimper aux arbres, mais tout pouvait dépendre du groupe qu'ils allaient affronter. Après avoir jaugé une dernière fois sa rivale et alliée du regard, constatant qu'en tant que Batgirl elle n'allait pas utiliser sa fameuse arbalète multifonctions mais les gadgets de Cassandra, soit des batarangs et les toutes dernières productions prévues pour la ceinture du plus symbolique des justiciers. Sur ce premier coup, elles allaient jouer en tandem et bien que la coopération entre les deux femmes, comme parmi toutes les Birds, était dèja éprouvée et aiguisée par l'attaque d'Arkham et d'autres missions en groupe, la fille de David Cain n'avait jamais travaillée avec la Batgirl Bertinelli mais l'inimitable Huntress. Quel serait les changements ? Une sorte de hâte anticipée la prit alors que Cassandra se tournait vers le brumeux cœur de la ville, qui les bras ouverts, attendait que l'on plonge dans ses profondeurs pour réveler l'Enfer qui grondait en son sein. Le plaisir du combat lui était venue très jeune, alors qu'assise dans un coin de dojo, elle assistait à l'incroyablement bel art de sa mère tandis qu'elle même ne pouvait pas encore l'imiter. Bien des années avaient passées et Cassandra avait égalée, voir dépassé la mercenaire mais son initiation à la beauté de la plupart des formes de combat l'avait marquée à jamais. Comme tout art, le martial était différent selon la discipline ( comme pour la peinture ) mais aussi et surtout selon la personne qui le produit. Chaque être a une façon de se battre différente, qu'il raffine à l'usure des années et c'est ce qui faisait de chaque combat une expérience différente.

Huntress avait un style de combat à la fois italien et influencé par des maîtres d'une envergure démuserable dont Cassandra avait du faire couler jusqu'aux dernières gouttes de sueur, de sang et de savoir lors de son apprentissage. Elle était un allié de très haute gastronomie, le repas s'annonçait donc somptueux. Etant donné que Bertinelli ne bougeait pas, il sembla que c'était à Cassandra de choisir les mets. Cette dernière fit donc un pas sur le côté, pour profiter de la fraîcheur de son «costume » et vérifia qu'elle pouvait tout de même planer ou sauter assez loin. Avec l'impression fugitive de courir sur des talons, l'ex assassin de noir vêtu quitta le toit sur lequel elle avait laissé, dans un recoin difficilement accessible et non plus visible ses vêtements pour s'abandonner dans la noirceur de Gotham City.

Pendant plusieurs poignées de secondes, deux minutes plus précisément, les prédatrices survolèrent Burnley, l'oeil aux aguets. Au détour d'une ruelle, Cain aperçut la silhouette tremblante mais se voulant ferme d'un homme ou d'une femme dôté d'un bonnet, tentant de cisailler un barbelé pour s'introduire dans un entrepôt et voler un bien. Ce n'était pas intéressant, du tout, mais elle jeta un batarang en même lieu qu'un coup d'oeil. L'homme leva la tête et aperçut deux Batgirls sous l'ombre de la nuit, ce qui lui inspira la bonne idée de prendre ses jambes à son cou sans détruire le matériel d'autrui. Le reste de Gotham semblait aussi calme qu'une ville respectueuse devait l'être à une heure pareille, excepté quelques lumières allumées et même des fenêtres par lesquels s'éparpillaient des musiques agaçantes et des rires goguenards d'adulescents – boutonneux probablement - en party, mais c'est au croisement d'une avenue plus large que la cible parfaite se profila enfin.

Les bras chargés de provisions qui ne leur appartenaient sûrement pas, un groupe de huit hommes et d'un leader à la lampe torche promenait leurs ombres sous les réverbères crachotants. Ils avaient l'allure de délinquants mal dans leur peau et n'était pas beaucoup mais certaines caractéristiques que la Batgirl s'était longtemps entraînée à constater lui sautèrent aux yeux. D'abord, tous portaient des habits certes décontractés mais pleins de poches, à l'orée desquels brillaient à intervalles réguliers pour des yeux qui savaient regarder des lames polies de couteaux de sûreté mais aussi de lames moins conventionnelles. Deux d'entre eux au moins, grisés par la nuit, portaient sous leurs vêtements, inconscients de la bosse que cela formait, une arme à feu et surtout tous marchaient en silence. La plupart des bandes de jeunes à la recherche d'esprits échauffés évoluaient dans les rues sans organisation, riants de blagues salaces et enchaînant des menaces rassurantes contre au choix la société, la municipalité, leurs proches et leurs femmes. Pas eux. Ils marchaient en rangs serrés dans un silence complet. Forte de cette considération, Cassandra qui venait d'atterir au deuxième étage d'un immeuble et longeait les fenêtres d'un appartemment inoccupé jeta un nouveau regard sur les pantins de l'exercice que proposait Huntress. Leur respiration irrégulière héritée du casse qu'ils venaient de réaliser s'était très vite calmée et avait des accents apparents de sérénité et de contrôle qui ne pouvaient que provenir d'un entraînement conscencieux. Leurs mouvements, bien que peu gracieux et trop mal ordonnés pour faire d'eux de bons combattants, de la trempe de justiciers, avaient la précision et l'économie efficace reconaissables d'anciens soldats ou d'anciens membres d'un gang sérieux et réduit, assez en tout cas pour prodiguer un véritable entraînement à ses membres.

En conclusion, ce n'était pas des morceaux de choix mais ils étaient farpaitement parfaits pour la tâche dont elles s'étaient incombées. Une inspiration savoureuse plus tard, Cassandra dévia un instant son regard vers Helena, avec le soin de déposer sur son visage à moitié masqué une expression impassible avec une touche d'un curieux mélange sur la composition duquel elle même avait des doutes, puis elle se laissa tomber en biais vers le sol avant de ne faire qu'un avec la plage d'ombre qui s'étendait sous elle. Dans le deuxième « rang brisé » du groupuscule, l'un des hommes s'arrêta brusquement, et la tête baissé, se mit à tenir son nez. A part lui, personne n'avait vu le pied jaune qui venait d'enfoncer ses arcades faciales. Trop occupé à endiguer le sang qui le quittait, il dut compter sur l'attention de ses camarades de méfaits qui comprirent bien vite le problème et toutes armes dehors, se précipitèrent dans l'obscurité à la recherche d'une ombre parmi les ombres. Cassandra bascula alors dans la lumière et s'attaqua à la plus grosse montagne de muscles, qui vit bientôt l'aide miraculeuse de deux autres criminels. Plus rapide que les coups de feu, Cassandra fit de l'air son terrain et bondit de corps en corps pour finalement entourer de son bras le cou de son premier adversaire, qu'elle assoma d'un coup de son poing fermé après avoir reculé d'un pas. Un deuxième coup de feu la frôla, mais elle était dèja à moitié allongée au sol et ses deux pieds balayèrent les jambes du second homme tandis qu'il tentait de la perforer avec son couteau. Coup adroit et plutôt bien pensé pour un délinquant. Coup grossier et ridicule de lenteur pour une Cain. L'homme s'écroula, fixa une moitié de seconde le soleil avec la ferme idée de se relever rapidement mais tomba dans l'inconscience au contact d'une main ouverte légère comme un rêve mais pourtant trop dur pour sa « fameuse » résistance. Voyant la mélée qui s'apprêtait, le troisième homme, pas bête pour deux sous, substitua une dague probablement volée à son pistolet mais Cassandra l'avait dèja contourné et du plat de la main, caressait son plexus solaire, puis l'arrête de ses côtes. La douleur le fit s'agenouiller avant que son couteau ne prenne vacances de ses mains et que son pommeau ne rencontre son front. Il ne bougea plus pour un petit moment.
De son côté, Huntress devait elle aussi faire étalage de tout son talent italien, et lorsque Cassandra voulut y jeter un œil, elle constata la fuite du reste du groupe, qui procédait à un repli stratégique au lieu de devoir attendre un voyage moins stratégique à l'hopîtal. Avant de les poursuivre, la Batgirl resta pour regarder son alter-ego en improvisation mettre fin aux fous espoirs des plus courageux puis entreprit de lancer ses bottes jaunes ridicules dans l'allée en comptant sur son orientation et son instinct à la recherche des derniers criminels. Le destin n'était pas de cet avis. Attiré par les bruits et l'attrait du combat, deux hommes venaient de quitter la maison dans laquelle ils se livraient à dieu sait quel jeux étranges et repoussèrent leurs mèches brunes de mafieux pour mieux visionner les dérangeurs. A la faveur de la nuit, leur discrétion poussa Cassandra à ne les voir qu'à la dernière seconde, alors qu'elle tournait en marchant un virage et que leurs canons était assez bien braqués sur elle pour ne pas la rater, sauf si elle avait un mouvement exceptionnel. Encore plus proche de cette menace, Huntress, qui les avaient peut être dèja vu, risquait elle aussi de finir plus rapidement que prévu son séjour dans le costume de Batgirl et la véritable femme-chauve souris dut agir dans une réaction désespérée et complètement instinctive. Sans tirer de gadgets, elle se jeta sur Huntress et...

l'embrassa furieusement. Sans aucun doute attaquée par surprise, Huntress se laissa faire et toutes les sensations qui devaient venir arrivèrent, frappant Cassandra comme une vague innarêtable. Bien loin des contacts durs du combat et de l'odeur de transpiration et de sang qu'elle venait de quitter, Cassandra fut submergée par l'odeur d'Helena, un parfum sicilien aux notes féminines qui évoquaient une couleur rouge capable de rendre fou tous les taureaus d'espagne, le goût de ses lêvres encore humides des dernières gorgées d'avant-bataille et même le contact de ses longs cheveux aussi noirs que ceux de Cassandra, chatouillant son visage et tombant sur ses épaules. Une sorte de choc électrostatique retourna l'ex-assassin lorsque les deux regards, aussi étonnés l'un que l'autre, se croisèrent et il fut surprenant de ne pas voir des éclairs formidables quitter les cieux pour déchirer le ciel comme la raison de Cassandra déchirait son instinct à coups douloureux. Sentant que la comédie devait être très largement assez réaliste comme ça, la jeune fille n'alla pas plus loin mais la passion de deux jeunes femmes amoureuses du cosplay se déroula sur dix secondes, dix fragments d'éternités qui semblèrent à Cassandra aussi éternellement longs que incroyablement rapides. Elle n'entoura pas la chasseresse de ses bras mais les pulsations de son cœur devaient de toute façon ameuter les amateurs de tambours de l'amérique entière, elle n'avait donc pas besoin de se rapprocher. Dix secondes plus tard donc, les deux jeunes femmes se quittèrent en même temps que leurs lêvres, dans un silence absolu. Complètement repoussées par le moment vécu, les pensées de Cain brisèrent alors le barrage de ses sensations et se déferlèrent dans son esprit ou elles roulèrent pendant un bon moment. Une tonne de questions écrasa sa réflexion et, n'ayant pu toutes les traiter en même temps, elle tira en quelques fractions de secondes les éléments suivants : OMG ! Les criminels ne doivent pas être loin, il faut absolument aller à leur recherche – OMG ! - La comédie à marché, encore un sourire de jeune femme et ces deux hommes quitteront la rue, ils ont dèja abaissés leurs armes et doivent attendre de voir s'ils peuvent se rincer l'oeil – OMG ! - En voilà une drôle de rivalité ! - OM...

La menace disparue, Cassandra ne dit mot et se mit à réfléchir intensément à ce qui allait suivre cette première phase de défi en reprenant la poursuite des jeunes proies, dix secondes et quatre ou cinq pas plus loin...

- HRPG : J'ai réussi ^^ Que va piano va sano -