"Alors, c'est bon les rats ?"

Le Garde Arkham disparut dans un éclat de rire, après avoir hurlé ces quelques syllabes à son prisonnier, de l'autre côté du mur de pierre, dans la cellule terrifiante où il avait été laissé là depuis quelques jours.
Il n'avait plus la notion du temps, en réalité. Il n'avait plus de notion tout court, en fait. Catman était perdu.



Il avait été appréhendé par les Gardes Arkham, les nouvelles troupes de Quincy Sharp, quelques heures à peine après son retour à Gotham City. Arrivé en plein secret d'Afrique, ne pouvant demeurer plus longtemps là-bas tandis que Theodora élevait seul son fils, il avait voulu faire une surprise à ceux qui étaient désormais sa "famille" - même s'il ne savait pas vraiment comment cela pouvait fonctionner.
Lui qui avait passé sa vie à fuir, les responsabilités, l'amour, ses crimes et ses responsabilités, avait pris la difficile décision de forcer sa nature. Il éprouvait des sentiments trop forts envers la journaliste pour rester loin d'elle... et du petit. Lui qu'il n'avait jamais accepté, lui qu'il n'avait jamais assumé était trop proche de lui, selon la lettre de Theodora, pour qu'il puisse encore se comporter ainsi.

Pour une des premières fois de son existence, Thomas avait décidé d'agir en adulte et de revenir auprès des siens.
Et il se retrouvait maintenant ici.

Vaincu par une force trop grande et trop nombreuse, il avait tenté de se défendre, mais sans résultat. Transporté ici, passé longuement à tabac par Quincy Sharp lui-même, il avait découvert avec horreur que l'orphelinat avait été transformé en véritable antre du Mal par le maire par intérim. Celui-ci semblait avoir définitivement perdu l'esprit, se parlant à lui-même et se faisant appeler "Maître Arkham" par ses troupes, toutes lobotomisées et serviles.

Apparemment, Sharp avait fondé le bâtiment pour y "coincer" les enfants abandonnés, mais l'orphelinat avait été évacué après de sombres évènements liés à Pandora, la femme-enfant avec laquelle il aurait dû collaborer dans ce qui lui semblait être une autre vie. Quincy avait apparemment récupéré la bâtisse et y avait formé ses Gardes Arkham, préparant des cellules au sous-sol pour les "gêneurs" ; il était flatté d'en faire toujours partie.

Désormais persuadé que son ennemi avait perdu l'esprit, Blake n'avait eu qu'une idée en tête ces derniers jours : s'enfuir d'ici. Hélas, les Gardes Arkham semblaient encore plus violents et disciplinés que les Tyger... mais l'un d'eux venait de faire une erreur.
S'ils étaient tous sous un apparent contrôle mental, le Garde Arkham qui venait de lui parler avait été trop familier, trop lui-même pour ne pas y déceler une faiblesse. Si Catman n'était pas aussi intelligent et stratège que Batman, il savait comment survivre - et attirer l'attention.

Jusque-là, aucun de ses geôliers ne lui avait adressé la parole, et il devait agir vite pour faire revenir le garde. S'emparant d'un des rats qui rôdaient dans sa cellule, qui l'agressaient la nuit et qu'il avait dû se résoudre à dévorer pour survivre, il commença à le maltraiter en tirant ses pattes, ses griffes, son crâne. Très rapidement, la petite chose se mit à pousser des cris puissants, très désagréables - trop, sûrement.

Pendant de longues minutes, l'animal fut torturé tandis que Thomas se préparait. Son corps était recouvert de plaies, de bleues et certains de ses os le faisaient anormalement souffrir ; il avait été grandement bastonné par les Gardes Arkham, sur ordre exprès de leur maître. Apparemment, Quincy Sharp n'avalait toujours pas son rangement temporaire du côté du Pingouin, et il avait voulu le lui faire payer.
Le deuxième round allait commencer.

Quand la porte de sa cellule de quelques mètres carrés s'ouvrit, laissant entrer enfin un peu de lumière dans ce rectangle minuscule, humide et sale, il projeta en avant le rat torturé, qui s'acharna évidemment sur le visage du Garde Arkham qui avait été attiré par les bruits. Apparemment, le dispositif de manipulation mentale avait des ratés pour permettre au mercenaire d'agir ainsi et d'adopter une conduite aussi dangereuse et inappropriée.

Poussant quelques cris de surprise puis de terreur, le Garde recula et subit un violent coup de poing au ventre. S'écroulant sur le sol, il tentait encore d'arracher le rat vengeur de son visage, dont des lambeaux de peau tombaient au sol, quand ses deux mains furent prises entre les doigts de Blake. Celui-ci les bougea d'une façon si violente et si anormale que les poignets furent brisés immédiatement, l'empêchant de pouvoir se servir de ses appendices correctement.
Son hurlement de douleur fut stoppé par quelques paroles de son agresseur, proférées au creux de son oreille.

"Les autres n'auront pas ta chance."

Calmement, Catman s'avança alors dans le couloir mal éclairé. Au loin, des bruits de course et de voix se faisaient entendre : les collègues du garde, attiré par les cris et les chocs ; ça ne lui faisait pas peur. En marchant sereinement dans le petit espace, il enlevait sa cape et son masque, conservant uniquement sa tunique sur son torse et ses jambes.
Les autres arrivaient en face, en nombre et en trombe. L'air morne, robotique, ils étaient encore contrôlés et devaient être persuadés de vaincre, à dix contre un - ils se trompaient.

En s'accroupissant près du Garde Arkham, il avait récupéré sa matraque et fixait calmement le premier adversaire, qui fonçait vers lui avec la même arme ; Blake l'évita de justesse en se poussant au dernier moment, le laissant filer à côté de lui pour finalement le rattraper au collet. En le tirant vers lui, il usa de son autre bras pour le placer sous sa gorge, et tirer un coup sec en arrière - il s'écroula silencieusement sur le sol tandis que son meurtrier se tournait vers ses collègues.

Deux d'entre eux tentaient de l'appréhender de concert, mais il évita leurs frappes en se baissant et en frappant ultra violemment leurs parties intimes. Tandis qu'ils se baissaient par réflexe, lui se relevait et frappait, alternativement, leurs crânes avec sa matraque. Ses coups étaient si forts que du sang se mit à couler de leurs narines, avant qu'il ne les achève par deux tapes franches et brutales sur leurs nuques ; le coup du lapin fonctionnait toujours.

Les sept autres gardes comprirent alors qu'ils ne pouvaient continuer ainsi, mais le couloir était trop petit, les manoeuvres trop compliquées pour réellement pouvoir lutter contre Catman. Celui-ci ne laissa aucun répit à leurs esprits lobotomisés et s'élança vers eux, se baissant au dernier moment pour glisser et faire s'écrouler cinq ennemis. Les deux autres tentèrent de reculer, mais déjà leur bourreau se propulsait sur ses jambes pour les faire tomber au sol.

En les dominant, allongé à cheval sur les deux, Thomas enfonça sa matraque dans la gorge d'un des Gardes Arkham tandis qu'il faisait pénétrer ses doigts dans les yeux du second ; tous deux s'éteignirent quelques secondes après, alors qu'il se relevait, les mains ensanglantées mais armé d'une deuxième matraque.

Trois ennemis étaient déjà debout, et il les entraîna dans un ballet mortel, les harcelant de coups, les empêchant de le toucher alors qu'il frappait avec justesse les poings cardinaux du corps humain. Rapidement, leurs muscles ralentirent, leurs gestes furent plus lents et plus douloureux ; quelques frappes bien placées suffirent pour les faire chuter et les empêcher de reprendre le combat.

N'en restaient donc plus que deux, qui hésitèrent avant de lui faire face - relents de leurs personnalités premières, sûrement. Ce moment d'absence fut suffisant pour que Blake puisse à nouveau se jeter sur ses victimes, les achevant par quelques coups à nouveau bien placés et de nouvelles souffrances mortelles.

Et c'en était terminé ; pour le moment.

Il savait très bien qu'il avait encore beaucoup à faire et à tuer pour sortir d'ici : plus de gardes devaient se trouver dans le Saint des Saints de Quincy Sharp, là où il avait élevé un autel à la gloire d'Amadeus Arkham, dans une salle qu'il avait entraperçue en arrivant ici.
Oui, il avait encore beaucoup à tuer - mais ça ne lui faisait pas peur.

Thomas récupérerait ses armes et sortirait d'ici. Il retrouverait Theodora et Tommy et les emmèneraient en lieu sûr. Et il mettrait la main sur Quincy Sharp.
Il était allé trop loin, l'avait trop fait souffrir ; il devait payer.

En montant lentement les escaliers, le costume ensanglanté, les mains rougies, Blake se fit une promesse.
Ce soir, Quincy Sharp meurt. Et il était maintenant homme à tenir ses promesses.