Bonjour à tous et à toutes !
Je me lance...
Il y a quelques années de cela, aimant m'évader par l'écriture et la lecture, j'eus décidé de me lancer dans une histoire. Une histoire créée de toutes pièces de ma main. Un monde que j'aurais créé moi-même.
Il me fallait un univers. Après un long week-end de réflexion, je choisis finalement de m'inspirer du jeu vidéo "Fable". Pour les personnes qui l'ignorent, "Fable" est un jeu unique en son genre qui vous emmène dans un monde fantastique. Un monde fait de montagnes brumeuses, de forêts noires et enchantées, de villes très animées. Un monde habité par des marchands, des citoyens, des héros mais aussi de monstres aussi cruels les uns que les autres. Un monde où quelques élus peuvent contrôler la magie. Un monde où le héros doit choisir la voie du bien ou du mal.
Bref, un monde où l'imagination est reine. Je ne pouvais rêver mieux pour créer une histoire. Je me suis donc enregistré sur un site/forum de jeux vidéo qui m'offrait une section où je pouvais parler du jeu. C'est là que j'ai commencé à écrire. Je recevais de nombreux avis et cela m'encourageait à continuer. Malheureusement, l'école m'a empêché de poursuivre mon oeuvre. J'ai dû l'abandonner. Et ce n'est que très récemment que l'idée de reprendre mon histoire m'est revenue à l'esprit. Je l'ai recommencé, je l'ai peaufiné, et aujourd'hui, grâce au soutien de ma bien-aimée
Catgirl/Kitrina Falcone, je me dois de vous la faire partager. N'hésitez pas à m'envoyer vos avis, bons ou mauvais. Je vous enverrai les chapitres au fur et à mesure.
L'histoire que je vous propose est un mélange entre le fantastique et le dramatique. Vous vous en rendrez vite compte. Au fil des chapitres, d'autres destins, d'autres personnages se révéleront. Sans le savoir, tous ces individus sont liés par un sort commun. De gré ou de force, chacun va rencontrer l'autre et se lier autour du personnage principal, un petit garçon pauvre, que vous découvrirez dans le premier chapitre.
Je suis très... trèèèèès... loin d'avoir terminé. En fait, je ne suis qu'au début de mon histoire. J'ai déjà pu écrire 81 pages Word, soit le double en format de livre. Je tâcherai de continuer quand j'aurai le temps, ce dont je ne dispose pas en ce moment...
Allez, je me tais, et je vous fais parvenir mon premier chapitre. Comme je l'ai dit, la suite suivra. Bonne lecture à tous !
------------------------------------------------------
La dernière marche des Héros
Chapitre 1 : La tempête
Des nuages lourds et gris chargeaient le ciel. Leurs ombres donnaient au paysage un ton froid et obscur. La neige virevoltait, tournoyait violemment sous le vent. La cime des arbres ployait, les petits animaux étaient presque emportés. Tout était cent fois plus grand, plus imposant. Le moindre petit sapin semblait dominer le monde. La terre, le ciel, tout paraissait menaçant. Si on levait les yeux là-haut, on avait l’impression que le voile noir allait s’écraser. Si on portait notre regard sur le sol, on peinait à ne pas s’imaginer celui-ci s’effondrer sous nos pieds. Et pour cause : il n’y avait plus personne dehors. Pas la moindre trace de vie humaine. C’était comme si la fin du monde était là, toute proche. Le vent à lui seul suffisait à écarter du dehors tous les plus téméraires. Il sifflait, grondait, s'immisçait à travers les arbres, s’infiltrait partout là où il le pouvait. Et même si on osait le défier en sortant, il nous plaquait contre les murs, nous emportait avec lui.
Cependant ce n’était qu’une journée d’hiver, comme j’en avais vécu tant d’autres.
Un souffle sortit de l’interstice sous la porte et fit s’envoler le travail de mon père. Les feuilles glissèrent sur le sol, en désordre. Posant son stylo avec rage sur la table en bois massif du salon, papa s’agenouilla et entreprit de tout ramasser. Je ne manquai pas de relever le juron qu’il sortit. Las, je tournai la tête vers la fenêtre. Les flocons s’écrasaient toujours avec autant de force et d’acharnement sur la vitre. Le ciel était toujours aussi sombre. Pfff... Ce que j’aurais aimé pouvoir aller dehors, m’amuser un peu. Rien qu’aller voir maman à Bowerstone me ferait le plus grand bien. Mais cela faisait deux mois que ça durait. Pas le moindre rayon de soleil, le moindre brin d’herbe. Deux mois à n’avoir vu personne d’autre que mon père...
Et pourtant j’avais ressenti de l’excitation au début. Ça allait être une tempête historique. Tous les messagers avaient apporté la nouvelle, aux quatre coins d’Albion. On avait en effet découvert, il y a peu, un moyen de prévoir les gros changements météorologiques. Les gens s’étaient préparés à affronter le joug de la nature, ils avaient fait des provisions pour un bon mois d’isolement. Le peuple s’était agité. Rien qu’à la capitale, on ne parlait que de ça, quinze jours avant l'événement. Tous les matins je voyais des charrettes partir, des hommes rejoindre leur famille, des moines rentrer dans leur temple. Les voyageurs avaient demandé l’hébergement à des habitants et les marchands en avaient profité pour écouler leur stock. Toute la ville avait été en effervescence. Et j’avais été vraiment content de voir les choses sortir ainsi de l’ordinaire. J’ai même été encore plus heureux quand j’ai appris que j’allais m’en aller avec mon père, près d’une forêt, pour qu’il y étudie la magie qui y régnait. Pour moi c’était signe d’amusement. Seuls, loin de toutes civilisations. Enfin une aventure comme j’en rêvais !
Sauf que... Voilà deux mois... Deux mois que je reste assis près du feu, dans la cabane au milieu des arbres. Sans rien faire d’autre que d’écouter la plume de papa crisser, d’observer la neige s’abattre sur les vitres et de se morfondre sur le fait que l’on n’ait pas assez à manger. C’était d’ailleurs ce qui me préoccupait le plus. J’avais même peur... Je le cachais bien, mais j’avais peur. Intérieurement, je paniquais. Et si on ne survivait pas ? Et si la tempête durait encore un mois ? Rien que la pensée de mourir, agonisant, à cause du manque de nourriture, me tordait les entrailles. Mais encore une fois, je ne laissais rien paraître devant mon père. Il avait l’air déjà assez inquiet comme cela. Quand je le voyais, le nez plongé dans ses livres, les yeux plissés, la mâchoire serrée, je savais que quelque chose n’allait pas. Qu’y avait-il de si contraignant dans ses recherches ? Je n’osais même plus lui poser la question. La dernière fois que je l’avais fait, il s’était mis en colère.
_ Ca ne te regarde pas. Et puis qu’est-ce que tu en as à faire ? Ca ne t’intéresse pas tout ça !
Et bien peut être que si, ça m’intéressait. La gravité du visage de mon père ces derniers temps avait pour moi rendu ses recherches plus intrigantes qu’autre chose. De toute évidence, il avait découvert un objet, une relique ou bien encore une force extraordinaire en travaillant sur la magie des lieux. La nuit il dormait à peine. Je le savais, car c’était le même cas pour moi. Je l’entendais parler tout bas. Je ne savais pas de quoi, mais grâce à son ton j’en devinais la gravité. Le matin, ses cernes n’en étaient que plus grandes, son teint plus blanc, ses traits plus tirés. Et c’était le seul être humain avec qui j’étais en contact.
Voilà pourquoi j’étais si las, si fatigué de rester dans cette prison en bois.
Ce soir - ou bien ce matin, qu’en sais-je ? Il n’y a plus de soleil pour nous l’indiquer- nous mangeâmes l’habituelle purée de blé. Quand la plupart de nos provisions avaient disparu, nous en avions été réduits à cela. C’était immonde, surtout que papa ne prenait pas le temps de la cuisiner. Mais en portant la cuillère à ma bouche je fus surpris de constater que le goût amer de ce plat ne me faisait plus rien. L’habitude...
Mon père était en face de moi. Nous mangions sur la table même où il travaillait. De toute façon pas possible d’en mettre deux dans un aussi petit bâtiment. Il y avait à peine la place pour deux lits, une cheminée, et cette table.
Notre repas fut tout aussi silencieux que d’habitude. Nous n’entendîmes que le tintement des couverts sur les assiettes. Son visage était seulement illuminé par une petite lanterne, posée au milieu de la table. Ses yeux fatigués brillaient à sa lueur. La seule autre source de lumière venait du feu vacillant et elle éclairait l’autre bout de la pièce. Sous son influence, nos ombres s’étendaient, se tordaient et s’agitaient sur les murs, bien que nous bougions à peine. Je pris une autre cuillère de purée de blé.
_ Je vais sortir ce soir.
Je relevai la tête, surpris. Cela faisait longtemps que je n’avais plus entendu sa voix. Et puis ce qu’il avait dit était pour le moins étonnant.
_ Comment ça ? Tu ne peux pas sortir, fis-je.
_ Il faudra bien.
_ Mais tu veux sortir dehors ? Demandai-je en mettant l’accent sur ce dernier mot.
_ Oui.
Je restai muet. Il croyait vraiment qu’il pourrait marcher plus de quelques mètres ? Je savais que c’était par rapport aux découvertes qu’il avait faites, mais on ne pouvait pas lutter contre cette tempête. C’était de la folie ! Le silence reprit ses droits et plus aucun de nous deux ne parla pendant deux ou trois minutes. J’étais un peu inquiet par cette déclaration. Si mon père sortait par ce temps, il allait lui arriver quelque chose, je le savais. Soudain, il posa brutalement sa cuillère. Le bruit me sortit de mes pensées et je le fixai. Papa avait les mains qui tremblaient. Il me regarda puis, comme s’il voulait cacher cette faiblesse, ferma les poings. Une goutte de sueur brilla sur son front. Il me dévisagea, les yeux grands ouverts. Il baissa ensuite les yeux, comme honteux, vers son assiette. Il ouvrit la bouche. Il la referma, hésitant apparemment à me dire quelque chose. Mais ce fut tout. Enfin c’est ce que je crus. Parce-qu’il lâcha finalement en un souffle :
_ Désolé... désolé... je suis tellement désolé...
Il se prit la tête entre les mains. Je restai les lèvres à moitiés ouvertes, ne sachant que faire ni que dire. Il se leva brusquement. Je sursautai. Papa se dirigea, sans me jeter un seul regard, vers la porte. Il l’ouvrit, laissant passer des kilos de neige. Il faillit vaciller sous le vent, mais il tint bon et s’avança vaillamment dehors. Il fit un pas... deux pas... Il le faisait ! Il allait vraiment sortir !
_ PAPA ! NE T’EN VAS PAS !
Mais le sifflement du vent couvrit ma voix.
_ Adieu, fit une voix sanglotante que j’entendis à peine. Adieu fils !
Et la porte se referma.
Je restai là, abasourdi. Cela avait été tellement soudain, tellement inattendu. J’étais comme paralysé. Mon père, mon papa, venait de sortir pour ne jamais revenir. Il l’avait fait volontairement. Je ne connaissais ni ses motivations, ni son but. Il n’avait rien voulu m’expliquer, même quelques minutes avant sa mort. Des centaines de pensées différentes se mêlaient à présent dans ma tête. J’étais partagé entre l’incrédulité, la surprise et le chagrin. Une boule se forma dans ma gorge. Il allait revenir, oui, il allait revenir. Papa ne pouvait pas mourir, c’était tout bonnement impossible. La tempête n’était pas si forte que ça, après tout. J’eus un rire ironique. Non bien sûr ! C’était d’ailleurs pour ça que tout Albion s’était cloîtré chez soi ! A mon sourire se mêla une larme.
Pourquoi ?! Pourquoi avait-il fait ça ?! C’était tout simplement insensé ! Je tombai à genoux sur le sol poussiéreux de la cabane. Je pleurais à présent. Maintenant j’étais seul, au milieu d’une forêt, sans personne pour me venir en aide. Mon papa était parti, il m’avait abandonné. Moi qui croyais qu’il m’aimait, voilà qu’il me laissait mourir. Je n’étais qu’un enfant, un pauvre petit enfant de dix ans !
Je portai ma main à mon visage pour essuyer mes larmes. Mais en même temps la fureur s’empara de moi et je me griffai la joue le plus fort que je le pouvais en grognant comme un animal blessé. Il m’avait laissé mourir ! Du sang ne tarda pas à se mélanger à mes pleurs. La douleur ne me soulagea pas le moins du monde. Elle ne fit qu’empirer la panique dans laquelle je me trouvais. Maintenant j’avais le visage qui me piquait affreusement. Gouttes de sang et larmes se succédaient pour venir s’écraser contre le sol. Ce fut ma seule occupation durant les minutes qui s’ensuivirent. Regarder ainsi les fruits de ma souffrance se relayer. Goutte de sang. Goutte d’eau. Goutte de sang. Goutte d’eau... Certaines se glissèrent entre mes lèvres. Cela avait un étrange goût salé. Une flaque écarlate se forma à mes genoux.
Mon père était-il perdu à jamais ? Car c’était la question qui me préoccupait le plus. C’était horrible de ne pas savoir si une personne qui nous était chère avait perdu la vie... Je jouais avec la flaque avec mes doigts. Un courant d’air venant du dehors fit glisser le liquide. Il coula entre les interstices du plancher. Je préférais observer ça plutôt que de penser à ma situation. Je passai des heures entières à me lamenter. Ou des jours. Je ne savais pas. A un moment la porte s’ouvrit avec fracas. Je sursautai, complètement sorti d’une sorte de transe. J’eus un espoir, un espoir qui me fit sourire et crier, enjoué :
_ Papa ? C’est toi ?!
Mais je n’eus rien d’autre comme réponse que le vent qui me narguait et la neige qui jouait avec moi. Mon sourire s’évanouit. Je répétais :
_ Papa ? Papa ? Réponds-moi...
Une soudaine envie de pleurer me reprit. Ma gorge était tellement serrée que je m’étonnais de pouvoir encore respirer sans difficulté. Je me recroquevillai sur moi-même, la tête dans les bras, toujours à genoux, et je sanglotai. Les flocons me chatouillèrent. La porte n’était toujours pas fermée. Mais je m’en fichais.
Suite à une bourrasque de vent, le feu s’éteint. Le cabanon devint sombre, inquiétant. Le froid commença à s’infiltrer. Mes mains me piquèrent, mes dents se mirent à claquer. Je logeai encore plus ma tête dans mes bras. De la neige commença à me recouvrir le dos. Le froid se faisait plus intense de seconde en seconde. J’étais bête. Pourquoi est-ce que je ne bougeais pas ? Il me suffisait de fermer la porte. De me lever, et de fermer la porte. Mais en même temps, cela valait-il encore la peine de survivre ?
Une sorte de sentiment étrange me prit soudain à cette idée. Comme de l’adrénaline. “Cela valait-il la peine de survivre” ? Je me demandais ça, moi ? Bien sûr que oui, ça en valait la peine ! Mon père était mort, j’en étais presque sûr. Mais je ne devais pas me laisser abattre. J’étais triste, mais est-ce que me donner la mort était la meilleure solution ? Sûrement pas. Que dirait maman quand elle verrait mon cadavre gisant sur le sol de la cabane ? Quand elle se rendrait compte que papa était mort, lui aussi ? Et moi, qui n’avais que dix ans, est-ce que je ne voulais pas continuer à vivre ? Si, bien sûr. Je me forçai à sourire et nettoyai le sang séché qui me parsemait le visage d’un revers de la main. Je me levai, la neige qui me recouvrait le dos tombant, puis refermai la porte en luttant contre le vent.
Quand la petite cabane fut close, tout me parut beaucoup plus calme. Même mon esprit fut plus clair. J’avais l’impression de m’être réveillé d’un long sommeil profond. Je balayai la pièce d’un regard nouveau. Un frisson me parcourut. Il faisait très froid. Il fallait que j’allume un feu... Je m’approchai de l’âtre et fis la grimace. Devant ces bûches, ce soufflet, ces pierres à feu je me rendis compte que je ne savais rien faire. Jusque-là je m’étais laissé porter par mes parents. Ils faisaient tout, mon lit, le ménage, à manger. Moi je n’avais que dix malheureuses années. Je n’avais aucune expérience. Je tentai tout de même quelque chose. Je plaçai deux bûches dans la cheminée en les recouvrant de brindille. Je me munis ensuite de la pierre à feu. Avant de l’utiliser je la retournai dans mes mains et l’admirai.
C’était quelque chose de rare, et je voyais bien que c’était précieux. D’après mon père (je refoulai mon envie de pleurer) c’était l’invention du même homme qui avait découvert le moyen de prévoir les gros changements de météo. Si je me souvenais bien il s’appelait Edgard Olswar. Tout le monde en parlait à Bowerstone, avant mon départ. Il était à l’origine de nombreuses révolutions dans lesquelles figurait le mini-canalisateur de magie. La pierre de feu était l'une de celles-là. Même les gens n’ayant aucun don particulier pouvaient se servir de magie, pourvu qu’ils aient un peu d’argent.
Je tentai donc d’actionner la pierre. Le temps de penser à cela, une gerbe de flamme jaillit du canalisateur et vint brûler le bois que j’avais mis. Je n’avais même pas visé. Il m’avait juste suffit de penser à la chose, et elle s’était produite. Un petit sourire se dessina sur mon visage. J’avais maintenant un avant-goût de la satisfaction que pouvait ressentir quelqu’un capable de maîtriser la magie. Et c’était vraiment jouissif. J’en oubliai presque mon père. Le feu s’éleva brusquement, et la chaleur m’agressa. Je m’éloignai rapidement de la cheminée, en m’affalant sur mon lit. La cabane semblait maintenant beaucoup plus rassurante, emplie d’une lueur orangée. La neige, entrée quand la porte était ouverte, se mit à fondre. Je ressenti un sentiment de bien-être intense. Je m’apprêtais à fermer les yeux quand mon regard se porta sur les parchemins de mon père. Ils étaient toujours là, sur la table. Certains étaient éparpillés un peu partout sur le plancher, aux alentours. Je me levai de mon lit bien chaud et accueillant, et pris une des feuilles au hasard. Je plissai les yeux, les forçant à ne pas se fermer sous la fatigue, et me mis à lire :
“que c’est un mal plus profond. Non, personne ne voudra le croire. Je sais que c’est quelque chose de bien plus ancien, quelque chose qui aurait existé dès la création d’Albion. Une chose profondément liée à ce monde. Il faut que j’y aille, il le faut. Ce n’est pas seulement ça. Je sens que le simple fait d’avoir découvert ceci me ronge. “Ca” m’attire. J’ai l’impression que quelque chose s’empare de moi petit à petit. Mais il y a encore des tonnes de mystère à éclaircir. Je touche au but, je le sens ! Concernant les ondes qui”
Les écritures s’arrêtaient là. Autour, il y avait d’écrit plein de calculs compliqués que je ne comprenais pas. Je m’emparai d’une autre feuille :
“admettre, Olswar est décidément ignoble. Je viens de découvrir le signe qu’il m’a envoyé par bourrasques. Il me nargue. Le même signe que j’ai découvert sur le tome intitulé “Le commencement” ou encore que j’ai retrouvé dans un livre parlant de la civilisation Girow est présent dans ses messages. Il sait que je sais. Mais il ne peut m’atteindre autrement que par moquerie. Ah ! Si je”
Puis c’était tout. Je retrouvai le même schéma que sur le précédent parchemin que j’avais lu. Autour de ces mots étaient tracés toutes sortes de lignes, de calculs, de pentacles incompréhensibles. Mais Olswar ? Que venait-il faire dans les recherches de papa ?
Je passai un temps qui me parut infini dans cette cabane. J’avais réussi tant bien que mal à me faire de la purée de blé tout seul, et j’arrivais à subsister à mes besoins. Mais qu’est-ce que c’était long... Qu’est-ce que je m’ennuyais... Mes vêtements étaient tous sales, couverts de poussières, de sang séché et autres détritus, comme du blé écrasé. Quelques araignées avaient établi domicile dans les coins du cabanon. Mes journées étaient toutes aussi monotones les unes que les autres. Moi, un enfant de dix ans, réduit ainsi à déprimer, coupé de tous les contacts extérieurs. Et cette neige qui n’en finissait pas, ce vent qui faisait toujours craquer les fondations de la cabane... Peut-être que certains auraient dit que je gagnais en maturité. Moi je pensais plutôt que c’était une expérience qui nous marquait à jamais, qui nous ébranlait au plus profond de nous-même. Et ça, c’était contre nature pour un petit garçon comme moi. A dix ans on voulait courir, s’amuser, prendre les choses avec légèreté. On ne voulait pas penser à notre prochain repas, à nos provisions de bois et à la mort. Oui, car je songeais de plus en plus à cette éventualité. A chaque fois que j’y pensais mon sang se glaçait et je sentais mon coeur battre plus fort que jamais. Mon père avait dit un jour que mourir de faim était la pire des morts qui puissent exister. Certes, pour l’instant je ne manquais de rien. Mais chaque jour, je voyais mes réserves s’amoindrir et chaque jour je craignais le pire. Que se passerait-il si la tempête durait une année entière ? Je devrais faire comme mon père et sortir. Sortir à la recherche de choses à manger. Et je mourrais sûrement. Comme lui...
D’ailleurs j’avais espéré qu’il revienne. Je me disais qu’il était peut être resté là où il était parti plusieurs jours, pour étudier les lieux. Mais ce vague espoir avait dépérit en moi, au fur et à mesure que je voyais mes réserves de nourriture faire de même. Le mauvais temps m’étouffait, m’enlevait toute joie de vivre. Ces nuages noirs de neige me pesaient. Le vent me déprimait. Et cette neige... Cette neige si incessante, cette neige qui me semblait infinie. Elle cognait encore et encore aux vitres, comme si elle espérait les casser. La froideur du paysage s’immisçait en moi et je finissais par en assimiler la lourdeur. J’étais las, tellement las.
Je ne comprenais rien aux rapports de mon père. J’avais tout lu, jusqu’à la dernière feuille, mais impossible de voir ce qu’il avait découvert. Il y avait cependant des choses récurrentes dans ses recherches. Mon père parlait souvent de la création d’Albion. Il évoquait aussi la magie ancienne de ce monde, et un cycle qui devait se perpétuer. D’après lui, quelque chose allait bientôt se passer. Quelque chose de très grave. Etait-ce pour cela qu’il avait dû partir ? Pour empêcher une catastrophe d’arriver ? Cela me semblait tiré par les cheveux, mais je préférais croire que mon père était mort en héros plutôt que bêtement. De plus, j’avais remarqué un signe qui apparaissait souvent autour des informations écrites de mon père. On aurait dit une sorte de croix. Une croix insérée dans une rosace étrange. Le nom d’Olswar n’était plus reparut. Mon père ne l’avait évoqué que deux ou trois fois. Il avait peut-être seulement été paranoïaque en pensant que le savant lui voulait du mal. J’avais essayé de feuilleter un peu les livres que lisait papa pour ses recherches, mais c’était vraiment trop compliqué pour moi. Je savais lire, mais il y avait des tas de mots incompréhensibles. J’avais donc vite abandonné l’idée de comprendre ce que faisait mon père.
Les journées passaient donc. Elles défilaient, une par une, lentement. Trop lentement, à mon goût. J’étais usé. Je n’espérais même plus revoir un jour le soleil. Mes cernes se creusaient de plus en plus, bien que je dormis le plus souvent que je pus. La vie me semblait désormais vide et sans consistance. Plus aucune motivation, aucun but. Seulement manger, dormir, manger, dormir... Des actions répétitives et sans intérêt.
Cette nuit-là je m’affalai, une énième fois, dans mon lit, en ayant marre d’attendre quelque chose qui ne viendrait jamais. J'éteignais de quelques gestes mécaniques le feu pour économiser le bois. J’attendis, comme d’habitude, des heures et des heures, les yeux ouverts, la gorge sèche, avant de m’endormir sous le claquement du vent. Je fis des rêves peuplés des silhouettes fantomatiques de ma famille. J’étais dans le noir complet, et je les voyais bouger, se déplacer, tout autour de moi. Ce fut mon père qui s’approcha de moi. Son corps ondulait étrangement. Il tenait quelqu’un d’autre par la main, mais celui-ci était dans l’ombre. Papa fit quelques pas et me tendit sa main, celle qui était libre. Bizarrement je pris peur. Ce geste avait quelque chose d’effrayant. Ca me repoussait, m’horrifiait atrocement. Ce qui aurait pu être un simple rêve se transforma en cauchemar, seulement par un sentiment d’horreur de ma part. Mon père insista, m’invita à coup de tête à lui prendre la main qu’il me tendait. Mais moi je ne voulais pas. Je ne voulais pas ! Je tentai de bouger, mais l’ombre qui m’entourait m’avait comme ligoté les pieds. Elle flottait comme de la brume jusqu’à mes chevilles et avait un effet paralysant. Mon coeur se mit à battre dans la réalité. Il me fallait partir ! Mon père s’approcha encore plus. Désormais il n’était qu’à quelques centimètres de moi. Il me tendait toujours sa main, et moi je le regardais avec des yeux exorbités, comme si c’était le diable en personne. Soudain, mon regard se porta vers l’autre personne, qui était cachée. Celle-ci s’apprêtait à sortir de l’ombre. Elle fit un pas, deux pas. Son visage m’apparut clairement. C’était ma mère. Elle avait un sourire bienveillant qui semblait me dire de ne pas m’inquiéter. J’oubliai alors toute peur. Mon ventre se décontracta, et je souris à mon tour à ma mère. Puis, sans plus aucune hésitation, je saisis la main de papa.
Dès que j’entrai en contact avec sa peau, je sus que j’avais fait une erreur. Une terreur sans nom m’envahit. Je hurlai. La peur envahit le moindre pore de ma peau, la plus petite parcelle de mon corps. Je n’avais plus qu’une envie : partir. Le plus horrible c’est que ça me paraissait atrocement réel. Je me débattis de toutes mes forces toujours en hurlant. Mais impossible de me libérer de l’étreinte de mon père. Ma mère me regarda. Elle avait désormais la mine sérieuse. Elle m’observa comme une chouette, les yeux exorbités, en tournant la tête d’un côté. Puis elle sourit à nouveau. Mais son sourire n’avait plus rien de bienveillant. On aurait dit un monstre, une machine prête à tuer. Ses lèvres s’étirèrent jusqu’aux oreilles. Mes mains tremblaient, mes jambes flanchaient. Un filet de bave s’étira de la bouche de maman. Elle me parla ensuite, d’une voix étonnamment douce, qui contrastait avec les traits qu’avait pris son visage.
_ Tu vas devoir te débrouiller sans nous, d’accord ?
Je ne dis rien, tétanisé. Que voulait-elle dire par là ? Je voulus lui demander, mais ce ne fut pas nécessaire.
_ Car je suis morte, vois-tu, morte ! Me hurla-t-elle au visage, la voix rauque à présent. Morte !
Je ne savais pas pourquoi, mais je devinai que c’était la réalité. Sa voix était monstrueuse. Son ton diabolique. Je me mis alors à hurler, le plus fort que je pus. Plus fort que je n’avais encore jamais hurlé. La terreur me contrôlait à présent, je n’étais plus moi-même.
Je m’éveillai en sursaut, la respiration haletante. Mes cheveux étaient collés à mon front moite. Mes habits trempés de sueur. Je fus soulagé de voir cette pièce habituelle, ces mêmes meubles avec lesquelles je cohabitais depuis plusieurs mois. Plus jamais ça. Plus jamais... C’était le pire cauchemar que je n’avais jamais fait. Cette peur... Je n’avais jamais rien ressenti de tel auparavant. Je me pris la tête entre les mains en soufflant. C’était fini. Ce n’était qu’un rêve, un bête rêve. Ma mère n’était pas morte, mon père n’était pas un monstre. Tout ça n’était pas vrai ! J’essayai de me convaincre comme cela pendant quelques instants. Allez... Il fallait que je me reprenne.
Un bruit attira soudain mon attention. Non, pas un bruit. C’était différent, une impression étrange. J’avais la sensation qu’il manquait quelque chose qui était présent dans ma vie depuis ces derniers mois. Voilà, il manquait un bruit. Un bruit régulier, qui berçait mes nuits et qui rythmait mes journées. Comme un clapotement. Je réfléchis un moment, quand soudain la réponse vint à moi. La neige ! Le vent ! Je ne les entendais plus ! Ces craquements incessants, ces fracas entêtants ! Ils n’étaient plus là !
Frémissant d’excitation, je me précipitais vers la fenêtre. Là, plus de flocons ! Plus rien pour me gâcher la vue ! Je clignai des yeux plusieurs fois, comme pour me convaincre que c’était vrai. Mais c’était bien là. Ou plutôt, ça n’était plus là ! Je ris aux éclats. Puis je regardai à travers la vitre. Les arbres ne se balançaient plus avec colère. Le ciel n’était plus noir et lourd. Il y avait encore des nuages, mais un petit rayon de soleil perçait au travers. Tout paraissait beaucoup plus calme et paisible. Je vis un lapin bondir. Je ne pus m’empêcher de rigoler une deuxième fois. Une bouffée de joie m’envahit. La tempête était terminée !
J’ouvris la porte à la volée et me précipitai dehors. Mes pieds crissèrent sous la neige. L’air était délicieusement frais. J’inspirai profondément en profitant au maximum de mes premiers pas à l’extérieur depuis des mois. L’ambiance était magique. Les rayons de soleil filtraient à travers les arbres, et les effets de lumière étaient époustouflants. La lumière se reflétait un peu partout sur la neige et me rendait béat. Les ombres noires des arbres s’étendaient à l’infini sur la neige immaculée, les reflets des sinistres nuages se teintaient de scintillements éclatants, ce qui donnait un magnifique contraste. On se serait cru dans une oeuvre de grand peintre entièrement en noir et blanc.
Pour la première fois depuis une période qui m’avait paru durer des années et des années, j’observai réellement ce qui m’entourait. Tout me paraissait plus clair, plus net. Enfin j’étais sorti de cet enfer ! Enfin j’allais pouvoir retrouver ma mère, manger quelque chose de bon, et dormir dans un lit propre ! Je retrouvai soudain mon excitation d’enfant et ma joie de vivre. Je souris et me mis à courir le plus vite que je pus à travers les sapins. Sans autre but que de me dépenser le plus possible. Mon sourire se mua en un rire. Un rire innocent et niais. Je bondissais de tronc en tronc, le coeur désormais léger. La neige m’éclaboussait à chacun de mes pas. Je me répétai sans cesse la même phrase dans ma tête : la tempête était terminée ! La tempête était terminée ! C’était tout ce qui m’importait. Je ne savais pas où j’allais comme ça en filant, mais je m’en fichais. Je voulais partir le plus loin possible de cette cabane. Loin de ce quotidien monotone, de cet ennui affreux.
Je déambulai des heures et des heures comme ça, profitant de la moindre odeur, du moindre piaillement d’oiseau. Au bout d’un moment, les arbres se firent plus rares ou se muaient en simples arbustes. Je remarquai que j’approchai de la lisière de la forêt. Mes jambes commençaient à fatiguer, aussi fus-je soulagé d’approcher de la sortie. C’est ainsi qu’en traînant les pieds, j’émergeai de sous le couvert des sapins. Après l’euphorie, je me sentais courbaturé et fatigué. Mon ventre commençait à gargouiller intensément et j’avais froid aux pieds, la neige s’étant infiltré dans mes chaussures. J’arrivai à une plaine, lisse et blanche. Je m’assis tranquillement sur une souche d’arbre. J'entrepris d’enlever mes chaussures et d’en chasser l’eau glacée. Je restai longtemps là, à me reposer et à regarder les environs. Je remarquai que le ciel se dégageait petit à petit. Le soleil n’allait pas tarder à se montrer, à moins qu’il ne fasse nuit avant. Les pieds nus, je me prélassais, en pensant à des choses et d’autres. Ma mère allait être si contente de me revoir ! Mais... Un énorme doute m'envahit, en y pensant. Comment allais-je la retrouver ? Je ne connaissais absolument pas le chemin ! J’étais perdu en montagne, je ne savais où, en Albion. Ce monde était vaste, tellement vaste ! Je me rappelais avoir marché plusieurs jours avant d’avoir atteint la cabane, avec papa. Rien que cette clairière était trop grande pour moi. Je m’imaginais devoir en traverser des dizaines comme cela, pour finalement m’écrouler sur le sol neigeux. Si je ne savais pas où aller, je risquai rapidement de mourir de faim. Mourir de faim... Encore et toujours cette peur abominable. Elle me traquait assidûment et me prenait par surprise à chaque fois, tantôt camouflée sous les réserves de blé, tantôt me guettant sur ces vastes territoires blancs inhabités.
Je commençai à claquer des dents. A force de rester sans bouger, le froid avait fini par s’emparer de moi, lui aussi. Je m’emmitouflai dans mes propres bras, en serrant la mâchoire. J’avais été heureux, mais j’étais en fin de compte tout aussi perdu et voué à la mort qu’avant. Mon regard s’assombrit.
Tout à coup, me sortant de ma semi-dépression, des claquements se firent entendre, derrière une colline. Intrigué, je remis mes chaussures et me levai. De toute façon je n’allai pas rester là à ne rien faire, si je voulais avoir une chance de survivre. Je grimpai la côte. Mes jambes tremblaient ainsi que tout le reste de mon corps, mais peu m’importais. Arrivé au sommet, un spectacle s’offrit à moi. Un spectacle qui me redonna de l’espoir. J’écarquillai les yeux. J’avais vraiment une chance incroyable. Oui... Vraiment incroyable. En contre-plongée, se trouvait une route. Une route ! Je ressentis le même sentiment de soulagement que lorsque j’avais vu la tempête terminée. Puis mon regard fut attiré par ce qui avait produit le bruit. C’était une caravane, tirée par des chevaux. Mes yeux s’emplirent de larme. Enfin des gens ! Mais je n’eus pas le temps de m'attarder plus sur ce fait, car je m'aperçus que la diligence filait vers ma droite. J’allais bientôt la perdre de vue. Sans perdre plus de temps, je dévalai le versant de la colline qui descendait vers la route. La neige voltigeait autour de moi. Je glissai presque sur le sol. J'atteignis bientôt le sentier, tant bien que mal, puis me dirigeai le plus vite possible vers le chariot, en dérapant au tournant. Fort heureusement, le véhicule n’allait pas très vite. Ainsi, même si j’étais fatigué, je pus le rattraper en courant de toutes mes forces. Tout en continuant à cavaler, je fis de grands signes de la main en hurlant. Au bout d’un moment, le chariot freina, s’étant apparemment rendu compte de ma présence. J’arrivai, tout essoufflé, derrière la roulotte. Un homme en sortit, surpris. Il me dévisagea un moment puis me demanda :
_ Mais que fais-tu ici, jeune homme ?
Je soufflai quelques secondes, puis :
_ J’ai... j’ai été pris dans la... la tempête... et puis... et puis mon père... il est mort. Je... perdu...
Je m'arrêtai car les larmes me montèrent aux yeux en racontant cela. L’homme parut déboussolé :
_ Euh... Ecoute petit, je ne comprends pas bien ton histoire. Tu m’as l’air d’avoir souffert...
Une boule se forma dans ma gorge. Oh oui, j’avais souffert...
_ Je sais, tu vas venir un peu dans la caravane, je vais te faire une boisson chaude, tu me raconteras tout ça, d’accord ? Mais... Qu’est-ce qu’il y a ?!
Rien qu'en entendant ces paroles, j’avais éclaté en sanglot. Cet homme... Il était si bon. Si attentionné avec moi. Je n'avais plus l'habitude. J’avais enfin quelqu’un sur qui me reposer. J’avais passé tellement de temps à me débrouiller tout seul... Enfin je pouvais laisser tranquillement aller mes peurs et mes angoisses, évacuer mon stress. Tout allait bien maintenant. Une grande personne s’occupait de tout…