Département des archives de la Bibliothèque nationale de Gotham City.

En passant devant les archives de la bibliothèque les visiteurs ne pouvaient refréner leur curiosité et jeter d'indiscrets regards à l'homme qui consultait lentement les reliures des vieux livres entreposés. Peu de personnes avait l'autorisation d'ouvrir les grilles permettant l'accès à ces ouvrages précieusement conservées, renfermant une partie de la mémoire de Gotham. Des savoirs que la majorité de Gotham ignore volontiers.
Ce n'était donc pas par curiosité intellectuelle que les gothamites ralentissaient le pas, mais par curiosité figurative : Voilà donc un Justicier d’État ? A l'allure aussi extravagante que les criminels de Gotham qu'il est censé éliminer... Est-ce nécessaire ?
Impressionnant, certes, du fait de la carrure, mais ces bandages, quelle utilité ? Il fallait probablement une heure pour se couvrir de la sorte ; quelle perte de temps...

Le dénommé Silence au bout de longues minutes sortit le livre qu'il recherchait et observa la couverture pour s'en assurer. Elle était terne, sans illustrations, avec un titre simple et mystérieux : Autobiographie de Nathaniel Wayne.
Silence s'installa ensuite devant une petite table sur laquelle il posa l'ouvrage avant d'allumer la lampe de bureau pour l'éclairer. La pièce était très sombre, aucune fenêtre ne perçait les murs. Cette absence protégeait les écrits de la lumière du soleil. De même un courant d'air tiède balayait l'espace pour en réduire l'humidité.
Silence tourna les pages, on pouvait y lire en première partie, les notes de celui qui avait consigné ces écrits ainsi que la date : 1680.
Cette même année, un homme de la vieille Europe inventait la première Cocotte minute.

Il semblait bien connaitre le livre car il ne lisait pas les textes mais parcourait rapidement les nombreuses pages pour s'arrêter finalement à un passage particulier. Il consulta sa montre : 14h50. Un visiteur ne devrais pas tarder.
Cependant le temps ne lui manquait pas, c'est pourquoi il relut le passage en question, ne pouvant s'empêcher d'afficher un sourire sibyllin devant certains mots.

L'ensemble du bâtiment était calme, un rare lieu dans la ville qui pouvait vous offrir ce luxe sans être une zone industrielle désaffectée et malfamée ou un égout puant et oppressant.
Chacun avait le nez plongé dans divers ouvrages, parfois des feuilles de notes à ses cotés ou bien un ordinateur portable. Plusieurs classes de l'Université de Gotham était ainsi présentes dans l'édifice, absorbé par une lourde tâche au sujet des grands architectes de Gotham. Le bâtiment lui même renfermait de passionnantes anecdotes historiques.
Rebecca Linson traversait justement le hall avec un livre consacré à Cyrus Pinkey sous le bras, lorsqu'elle tourna sa tête couverte d'une crinière rousse, confirmant ses traits typiquement Irlandais selon les physionomistes, en direction d'un vieil homme qui venait d'entrer dans la Bibliothèque. Son allure robuste couplée à son âge avancé lui donnait une prestance considérable.

Plus loin Silence leva la tête du livre et fixa les étagères en bois claire d'épicéa.
Ce lieu était parfait pour une première rencontre.

Un début d'après-midi plutôt calme se présentait à Andrew aujourd'hui. Il était tranquillement au volant de sa voiture, dégustant un magnifique hamburger d'un fast-food traînant sur la route qu'il empruntait. Malgré l'interdiction du code de la route, l'Artiste dégustait son plat extrêmement non raffiné tout en conduisant d'une seule main. Ce n'était pas ça qui le tuerait après tout, il avait presque appris à conduire dans les jungles vietnamienne quand il n'était encore qu'un adolescent. Entre chaque goulue bouchée, il en profitait pour se faire une rasade de coca servant à faire descendre le tas de nourriture coinçant dans sa gorge suite à son appétit trop grand. D'habitude, il aurait profité de son temps libre pour déguster sa malbouffe dans le local des Justiciers d'Etat mais une fois n'était pas coutume, aujourd'hui il avait un rendez-vous avec une personne inconnue mais d'une certaine importance à ses yeux. Ce n'était autre qu'un de ses coéquipiers de son propre corps de sécurité.

Quelle blague ! Andrew avait longtemps pensé être le seul à avoir rejoint ce bazar depuis le temps. En plusieurs mois de services, il n'avait entendu que de nom ses alliés mais n'en avait jamais vu un seul de ses propres yeux. Au final, il avait conclu qu'ils avaient pu déserter suite à la peur de se confronter au monde sombre et criminel de Gotham. Ce ne fut qu'aujourd'hui qu'il eut la preuve du contraire, il avait reçu un message d'un dénommé Silence pour une rencontre dans la bibliothèque de la ville. Le lieu était sûrement un des plus bizarres pour les meetings mais une pointe d'ingéniosité de faisait pas de mal de temps en temps. L'Artiste préférait généralement les endroits plus lugubres comme les bars insalubres ou les ruelles abandonnées, des endroits plus discrets que les lieux bourrés d'intellectuels aimant la passion des livres. Loin le complexe d'infériorité de la part de Blake, il n'avait cependant jamais aimé la lecture hormis l'horaire de la télévision...

Après une bonne heure de conduite, il se gara rapidement sur un recoin de bâtiment et sortit lourdement de sa bagnole. Un hamburger encore à la main ainsi que son soda encore glacé, il se dirigea lentement vers l'entrée tout en regardant avec étonnement le bâtiment. Il n'y avait jamais été, c'était une découverte pour lui. Tout en montant les marches, il ne fit qu'une bouchée des restes et engloutit cul sec son cola tout en jetant les détritus dans la poubelle se situant devant les deux énormes portes bloquant l'entrée au complexe. Etant dérangé par une légère coulée de ketchup sur le bord de sa bouche, il l'essuya d'un passage rapide de sa grosse main et se décida à rentrer pour aller à la rencontre de ce fameux collègue. La bibliothèque était énorme et extrêmement bien décoré dans un style non déplaisant. Des gens s'attardaient sur de longues échelles pour trouver leur perle rare, leur livre fétiche tandis que d'autres venaient juste pour louer un bouquin et repartir aussi vite.

L'entrée d'Andrew fut cependant remarquée par nombre de personnes qui le fixèrent tel un pestiféré pendant tout son trajet vers le fond de la pièce. Cela était vrai que l'on n'avait peut-être pas l'habitude de voir un colosse musclé et habillé de la sorte débarouler dans ce genre d'enceinte publique. Blake s'approcha lentement du guichet d'accueil et posa son bras imposant sur la sonnette. La femme se retourna automatiquement vers lui et le dévisagea du regard, ne sachant pas quoi faire.

"J'aimerais trouver un homme m'ayant donné rendez-vous ici. Je sais que ce n’est pas votre boulot mais je vais me perdre dans votre bidule si je n'ai pas d'informations sur lui. Z'avez pas vu genre un mec bizarre en costume un peu comme moi ?" demanda l'Artiste avec une délicatesse à toute épreuve de vieux rabougri de soixante piges.
"Non je ne pense pas." répondit avec gêne l’hôtesse . "Mais il y a un homme avec des bandages sur la figure qui est partit lire un livre bien spécifique vers votre gauche, ça doit être votre copain je pense. Et pas trop de bruits, des gens sont là pour le calme !"

Blake remercia la femme d'un mouvement de tête accompagné d'un clin d'oeil puis se dirigea vers l'endroit indiqué par cette dernière. Au détour d'une bibliothèque, il trouva un homme assit à une table qui dévorait un livre du regard. Andrew s'approcha le plus silencieusement possible de cet homme, évitant les lourds pas de bottes pouvant '"déranger" les érudits réunis en ce jour. Une fois à côté, il posa sa main sur son épaule puis s'empara d'une chaise non loin et s'assit à côté de son collègue.

"Et bien, si l'on m'avait dit qu'un jour j'aurais eu un meeting avec une véritable momie, je ne l'aurais jamais cru ! Blague à part, enchanté je suis l'Artiste et vous devez être sûrement le dénommé Silence." tandis qu'il finissait sa phrase, Blake se redressa correctement sur le dossier de la chaise et essaye de fixer ce qui semblait être des yeux entre les bandages. "Quelle est cette chose dont vous devez me parler mon cher ami ?"

Un mystère qui demandait à être élucidé, l’Artiste n’était sûrement pas venu pour raconter des histoires avec un inconnu comme ce justicier. Le temps devenait de plus en plus précieux et la ville de plus en plus sombre. Peut-être serait-ce une information capitale sur la sécurité de la ville ou peut-être serait-ce un message du maire qu’il faisait passer discrètement ? Au point où Andrew en était, la seule chose dont il était sûr était le fait qu’il se trouvait dans une bibliothèque et qu’il ne pouvait pas se permettre de fumer son cigare habituel, chienne de vie…

Silence releva la tête lorsque l'Artiste s'assit à ses cotés, débutant la conversation par une boutade. Le vieil homme semblait avoir des rapports humains aussi correcte que ces faits d'armes avait la réputation d'être sanglant. Un héros au sens noble du terme.

Silence ne tarda pas à répondre pour confirmer le ton :

Il sourit, malgré les bandes, cela se percevait aisément.


Silence caressa le livre de ses mains également cachées par des gants en cuir brun. Pas une parcelle de peau ne pouvait se voir sur le Justicier. Était-il blanc, noir, jaune ?...
Seul sa voix trahissait un accent typique de l'Est des États-Unis, à moins qu'il ne s'agisse d'une imitation.
Sa réelle identité, dû moins celle qu'il s'est conçut, était uniquement connue par l'administration de la Mairie. Le grand public n'avait aucune information sur ce dénommé "Silence".

HJ : Je conseil aux non protagonistes de ce sujet de le lire tout de même afin d'en appendre un peu plus sur Silence


L'Artiste prenait cette information avec merveille.
Imperturbable, Silence resta muet durant ses réflexions autour de la capture du Batman. Mais, au fond de lui, il était quelque peu étonné. Il ne s'attendait pas à ce que le Justicier d’État soutienne aussi aisément cette cause.
C'était pour cette raison qu'il avait abordé délicatement le sujet par des questions.

L'Artiste est un idéaliste, un homme de foi qui soigne son image. La figure de proue des Justiciers d’État. Silence avait étudié son profil, qu'il jugeait proche du Batman, à quelques points près. Les justiciers sont si similaires...

Il ne s'attendait pas à ce qu'il dédaigne cette mission, la déclarant quasiment impossible. Un réaliste répondrait ainsi ; un homme de raison et non de foi... Non, Silence s'attendait a ce qu'il remette d'avantage en cause sa moralité. Des pontes du crime agissaient dans l'ombre et la lumière sans être inquiété, mais la proie de cette chasse était le Batman. Un homme qui a œuvré tant d'année pour sauver des vies de la sauvagerie humaine.
Acclamé par la foule, qu'il commette ou non des meurtres, il paraissait si proche de l'Artiste : des figure de justice pure, qui frappent là où les lois ne peuvent agir, faute de temps, de pouvoir et d'éthique.

Mais, l'Artiste ne considérait pas le Batman comme un frère d'arme. Silence le percevait dans ses mots et son regard. Le Batman est un ennemi, un insoumis, une figure d'inspiration, mais une figure du passé.
Nul doute que l'Artiste brillerait d'avantage en devenant celui qui a vaincu le Batman.

Silence souris intérieurement. Il avait trouvé son homme.
Il était donc inutile de le convaincre... à moins qu'il ne s'agisse là d'un jeu de comédie ; après tout il s'agissait bien d'une facette d'un véritable artiste. Tant pis, il aurait l'occasion de le tester plus tard.
D'ici là, les informations pouvaient tomber avec fracas.


Il fixa le Justicier confortablement assis sur sa chaise rembourrée.


Sur ces mots, il se leva, contourna l'Artiste et ferma soigneusement les portes des Archives.


Il se rassit alors sur son siège.


Silence s'arrêta quelques secondes et caressa les pages de son livre comme si de la poussière l'agaçait ou comme s'il s'agissait d'un tic.
Il savourait plutôt cet instant. L'instant où son invité était pendu à ses lèvres... normalement ivre de ses informations.


Silence croisa les doigts et s'approcha du Justicier, posant ses bras sur le livre, le fixant intensivement sur un ton de confidence.

Bien que son interlocuteur possédait une certaine grâce dans sa façon d'expliquer les choses, Andrew restait perplexe. L'Artiste suivait l'homme d'un regard de plus en plus perplexe au fil des phrases. Ne pas pouvoir vaincre quelqu'un physiquement restait quelque chose d'impossible pour le soldat qui l'avait été. Dans sa longue vie, il en avait vu plus d'un possédant des capacités hors normes et pourtant se ramasser un obus et finir les intestins à l'air dans une agonie des plus horribles. Personne n'est invincible, en effet le Batman a montré au fil des années qu'il pouvait être qualifié de surhomme mais cela n'en faisait pas un Dieu pour autant. Certes ce ne serait peut-être pas le vieux Blake qui aurait sa peau vu son âge avancé mais il y avait assez de criminels loufoques dans cette ville pour mettre un terme à son règne. L'approche psychologique semblait effectivement être la plus courte et la plus rapide étant donnée les capacités hors du commun de la chauve-souris, cependant Andrew n'était pas un doué pour ce genre de plan.

"Vous vous méprenez à mon sujet mon cher Silence. Je suis un soldat et non un psychologue. Vous voulez briser psychologiquement le lion de la ville, n'oubliez pas que je suis un lion aussi. Je suis revenu dans les institutions politiques pour me battre comme je l'ai toujours fait, au sein d'un commandement de qualité. Si je peux me permettre, ne vous méprenez pas sur mes intentions. Le Batman est considéré comme un criminel ce qui fait que je suis obligé de le mettre en état d'arrêt le plus vite possible de par son niveau de dangerosité. Je ne m'occupe que des criminels cependant car jamais au grand jamais je ne me permettrai de toucher à un innocent pour arriver à mon but. J'ai un code d'honneur qui certes peut paraître dérisoire mais je le possède malgré tout."

Andrew décroisa les coudes et se mit à gratter sa barbe, tel un philosophe des temps anciens. Au final, cela n'était qu'un tic qu'il avait quand il se mettait à réfléchir ardemment. Dans ce cas-ci, il fallait évaluer la chose car traquer un roi de la jungle était toujours une opération risquée. Au moindre faux pas, il savait pertinemment que le Batman aurait sa peau, qu'il deviendrait automatiquement le zèbre. Le problème résidait surtout dans le fait qu'il deviendrait un vieux zèbre et que ce sont les proies les plus faciles pour les prédateurs.

"Le Batman peut très bien être innocent et être victime d'un complot et de ce cas-là je trouverais ça hypocrite de le traquer comme les racailles que je pourchasse chaque jour de la semaine. Il a protégé cette ville pendant de nombreuses années, cela en fait un justicier honorable de notre cité." Andrew soupira puis reprit sa phrase : "Je l'avoue, je n'apprécie pas ces méthodes où les criminels sont automatiquement épargnés et renvoyés soit à la prison soit à l'asile. Si cela ne tenait qu'à moi, tous les crimes du Joker inculperaient la chauve-souris involontairement mais suis-je dans le vrai ? Je ne pense pas être apte à juger cela malgré ma grande gueule. Chacun ses méthodes, jusque maintenant le Batman a toujours su passer la serpillière là où se trouvait les saletés."

Les dossiers de la mairie avaient toujours montré le Batman comme un ange protecteur de la ville. Son quota d'arrestation en moins de six mois dépassait ceux de la police en une année, à peu près comme Andrew. Entre ces deux-là, la seule différence était sûrement de le respect de la vie. L'Artiste avait perdu beaucoup de bon sens pendant toutes ces guerres où les barbaries s'enchaînent à une vitesse folle voire déroutantes contrairement au Batman qui résidait fièrement dans sa ville à chasser les bandits de tout genre. Il fallait être quelque peu réaliste, il était difficile pour quelqu'un qui a tué toute sa vie tel Andrew que d'épargner les criminels de cette ville. Dure réalité, il y avait un véritable fossé entre ces deux types de justice, d'un côté la miséricorde et de l'autre côté le châtiment, le dilemme sans fin.

Puis vint la fameuse explication de son collègue sur les événements concernant Sharp. Une sombre affaire, le premier véritable meurtre de la chauve-souris. En regardant d'un certain œil, cela paraissait vraiment louche surtout quand l'on connaissait le ripou qu'était Quincy. Il dirigeait la ville comme une poissonnerie mais pourquoi aurait-il pu être tué par le plus grand justicier de la ville ? Cette organisation louche, la cour des hiboux aurait peut-être dévoilé son identité au maire et, pris de panique, la chauve-souris aurait éliminé ce dernier pour le faire taire. Admettant qu'il y avait vraiment une preuve de la vraie identité du Batman qui avait été cachée de manière louche par son ami James Gordon, cela devenait une preuve irréfutable de l'incrimination du justicier. Si ce Silence disait vrai, il avait la véritable identité du plus grand mystère de la ville... Peut-être était-ce pour cela qu'il mettait toutes ces bandelettes ? Pour protéger son identité et ne pas se faire avoir comme Sharp contrairement à Andrew dont tout le monde pouvait savoir le nom sans aucun problème ?

Le massacre du bar de Blüdhaven n'était pas très clair dans les pensées de l'Artiste. Blüdhaven n'étant pas dans le territoire de législation de Gotham City, les dossiers de la mairie n'évoquait pas clairement l'altercation qu'il y avait eu entre la pègre de Gotham et les Marshalls. Le tout était de savoir si ce Silence était de confiance, il ne pouvait pas partir dans une des plus grandes affaires du siècle sans se permettre de remettre en question la fidélité de ce justicier bandé et si mystérieux.

"Vous me parlez de doute, j'en ai un effectivement... J'ai un doute sur la santé mentale du Batman, sur le fait qu'avoir servi autant d'années dans une ville aussi pourrie ne l'ait pas rendu marteau au point de commettre l'irréparable... Vous possédez son identité apparemment, mes ordres sont clairs : mettre hors d'état de nuire les justiciers non assermenté, de plus si ils sont des criminels recherchés. Je ne prétends pas être le plus apte à mener une guerre psychologique, une guerre "froide" avec le Batman mais je jure de faire mon possible pour honorer mon serment à la mairie. Le reste dépend de vous, allez-vous accepter de faire confiance à un soldat ou préférez-vous faire cavalier seul dans cette épopée sauvage ?"

Un léger sourire sur les lèvres, Andrew regarda Silence. Il était impatient de savoir une bonne fois pour toute qui était le fameux sauveur de la ville, son rival.

La tentation remplissait le cœur d'Andrew, c'était à la fois une saveur douce mais aussi un plaisir malsain. Le vieux se souvenait du jour où il avait décidé de remettre son costume et de rentrer dans cette danse infernale et infinie contre le crime. Il était en peignoir assis sur son vieux divan à regarder les informations défilant sur sa télévision mais au final, il ne trouva que des messages d'alertes. Le commissariat avait été réduit en morceau et le Batman était accusé de meurtre, la fin d'une ère en quelque sorte. Mais une ère laisse toujours place à une autre et qui sait ? Peut-être celle-ci serait plus bénéfique pour la ville ou plus négative, seul l'avenir le dirait.
En face de lui se trouvait ce rouleau de papier qui devait contenir l'information que tout le monde voulait, le véritable Saint Graal de Gotham City. L'Artiste restait cependant hésitant à ce sujet, il croisait les bras tout en regardant attentivement l'objet déposé sur la table. Décision cruciale de vouloir savoir une information aussi confidentielle que celle-ci, il pourrait facilement devenir la cible numéro un du Batman... Et puis devoir piéger cet homme prendrait un temps considérable, temps durant lequel il ne pourrait pas traquer la clique de malades qui défilent dans les rues comme une nuée d'insectes.

Au final, il se tenait là à côté d'un homme au visage indescriptible, un homme qu'il n'avait jamais vu malgré les mois de service déjà passés. Et pourtant, ce Silence avait peut-être autant accompli de son côté que Blake. Il ne fallait pas le nier, mettre en place tout ce plan pour arrêter le Batman avait dû prendre des mois et était d'une importance cruciale pour la suite des événements. Même si l'Artiste brillait de par son quota d'arrestation et d'escarmouche contre les criminels les plus importants de cette ville, il n'en demeurait pas moins qu'un simple soldat et non un stratège confirmé. Il savait tendre des pièges, il l'avait appris pendant toutes ses missions à l'étranger mais cependant l'ennemi n'était pas le même ici, si on pouvait l'appeler vraiment "ennemi". Silence pointa le fait que l'homme était encore innocent jusqu'à preuve du contraire mais au fond de lui ce justicier avait l'air tellement sûr qu'il était coupable que cela se ressentait dans toute la pièce.

D'une main décidée, le vieux attrapa le bout de papier et le serra dans sa main, il avait fait le premier pas. Il lança un regard perçant à son interlocuteur puis marqua un sourire distingué sur sa figure, l'aventure ne faisait que commencer mais elle semblait déjà avoir été tellement loin que cela en devenait excitant. Savoir l'identité du plus grand justicier de la ville était un honneur ou un cadeau empoisonné selon le point de vue mais cela restait cependant une obligation pour découvrir la vérité sur toute cette affaire.

"Je marche avec vous, même si ce document n'est qu'une photocopie je fais l'effort de vous croire sur parole. N'oubliez cependant pas une chose : ma confiance n'est pas faite pour être brisée ou cela risquerait de vous coûter extrêmement cher par la suite. Je vous remercie de partager avec moi ce document plus que confidentiel, il est temps de voir qui est le fameux chevalier noir de la ville..." fit Andrew d'une voix sérieuse.

Le vieux enleva l'élastique d'un geste brusque puis déroula le papier. Le document était un serment écrit d'un médecin apparemment. Beaucoup de blablas se pavanait dans les premières lignes, l'Artiste les lit entre les lignes pour en arriver vraiment à ce qu'il voulait. Il descendit vers le bas puis découvrit enfin le pot-aux-roses. Il décrivit un regard étonné sur son visage et regarda immédiatement l'homme bandé en signe de confusion, il n'en croyait pas ses yeux. Bruce Wayne, un des plus grands hommes de la ville, le descendant de l'illustre famille ayant construite Gotham City, n'était autre que cette chauve-souris. Difficile à croire à première vue, ce gamin n'avait l'air que d'un gentleman mal tapé ne servant qu'à draguer des filles et organiser des fêtes pour les riches. Où avait-il donc appris à se battre de cette façon, à avoir cette dextérité dans ses mouvements et cette façon de faire les choses aussi méticuleusement ? Tant de questions qui resteraient peut-être sans réponses mais qui se trimbalaient dans la tête du vieux soldat.
Tout Gotham se souvenait de l'assassinat de ses parents mais cela était-ce donc une raison suffisante pour mener une telle croisade contre le crime ? Et puis ce costume, cet emblème pourquoi donc un millionnaire tel que Bruce Wayne irait s'embêter à se déguiser comme au carnaval, il pourrait tout simplement se construire une armure grâce à ses entreprises sophistiquées... Au final, Andrew resta complètement estomaqué par cette nouvelle. Difficile à croire et cependant il avait juré de faire confiance à Silence il n'y a même pas cinq minutes. Derrière les personnes les plus loufoques peuvent se cacher les meilleurs justicier dirait-on.

"Qui l'aurait cru mon cher ami ? Le grand Bruce Wayne, le sauveur de la ville n'est autre que le Batman en personne ! Du moins si j'en crois ce bout de papier... Vous avez raison, nous devons confirmer cette preuve même si cela restera extrêmement difficile. Je ne peux me résoudre à laisser traîner une personne avec autant de moyen financier en liberté alors qu'il est accusé de meurtre... Cela promet d'être rock'n'roll si je peux me permettre... Moi qui espérait avoir quelques semaines tranquilles, je pense que je me suis trompé sur toute la ligne n'est-ce pas ?" Il soupira, le fait de dire ça était comme une libération pour lui, pour évacuer toute cette pression sur ses vieilles épaules de vétéran. "Une idée de par où commencer pour attraper notre lion ?"

La traque allait bientôt commencer, l'issue en déciderait le sort de la ville. L'Artiste n'avait aucun problème à laisser le Batman en liberté s’il était innocent, même si ses ordres étaient d'arrêter tous les justiciers non assermentés. Il avait déjà fait tellement pour cette ville, il méritait du respect... Mais était-il devenu fou ? Avait-il sombré dans le chaos de la ville pour en arriver à tuer ? Tant de questions, si peu de temps.