Cela faisait deux jours que l’empoisonneuse avait eu sa petite rencontre avec le nouveau maire, le froid et distant Maximilien Shreck, et les choses s’étaient déroulées au-delà de ses espérances. En effet, le tout récent élu avait réagi plus que positivement à ses charmes, et à une dose concentrée de ses phéromones, et il avait été plus qu’enchanté par les différentes propositions qu’elle était venue lui faire, et il s’était même précipité pour signer les documents qu’elle venait de lui apporter. Il s’était saisi du stylo comme un naufragé qui s’agrippe à sa planche de bois, et avait jeté un regard plein d’espoir une fois qu’il avait apposé sa bafouille au bas de la liasse de feuilles qu’elle lui avait tendues. Après un petit compliment qui fit un effet monumental à monsieur le maire, elle sortit, triomphante, de la mairie, ses documents officiels en main, ces précieux papiers qui faisaient d’elle la nouvelle reine de New Gotham City.
Elle allait enfin pouvoir montrer de quoi elle était capable, prouver à tous ces sceptiques qui pensaient que l’écologie n’était que pour les doux rêveurs, les idéalistes, que c’était possible, il fallait juste s’en donner les moyens. Et ces moyens, elle venait de les obtenir, à l’aide d’une bonne dose de phéromones concentrées. Elle fit valider ses paperasses, puis retourna dans son antre, au Robinson Park, avec un puissant sentiment de triomphe.
Dès le lendemain, elle se mit au travail, surtout après avoir appris que l’usine désaffectée qu’elle avait repérée comme le futur siège des opérations lui avait été accordée par la mairie. Pendant les deux semaines qui suivirent, elle se rendit sur les lieux tous les jours, pour superviser les opérations. Curieusement, les travaux de rafraîchissement et d’aménagement furent achevés avec une rapidité quasi miraculeuse, comme si les ouvriers, qui étaient des détenus de New Gotham, avaient été stimulés par une force quasi extraordinaire, et le seul but de satisfaire la future occupante des lieux.
L’installation de son laboratoire fut tout aussi rapide, même si ce ne furent pas des détenus qui se chargèrent des opérations, mais des professionnels venus de la grande ville. Un laboratoire dernier-cri, le tout à la pointe de la technologie, car c’était dans les plans d’Ivy de créer un pôle de recherches à New Gotham en même temps que faire devenir la ville un modèle d’écologie. De la place, de la main d’œuvre gratuite et surtout… interchangeable.
Au bout d’à peine deux semaines, le bâtiment était flambant neuf, et était entouré d’une végétation luxurieuse mais choisie, tranchant avec le désordre et le chaos qui régnaient encore dans l’ensemble de la ville. Comme une sorte d’oasis de paix, une petite fenêtre ouverte sur la nature, pour ceux qui l’auraient oubliée. Pamela Isley était dans son univers, son labo, baignant d’une lumière tamisée en cette heure tardive, et vêtue d’une blouse, comme du temps où elle était encore toute jeune chercheuse. De l’eau avait coulé sous les ponts depuis… Elle sourit lorsqu’une de ses protégées pencha la tête vers elle, et caressa sa corole du bout des doigts. La plante sembla ronronner, satisfaite, et Ivy retourna à ses fioles et ses éprouvettes. Son projet allait bientôt aboutir… très bientôt, et elle avait trouvé l’endroit idéal pour ça…