"... veux pas en savoir plus. Il a violé la clause principale du contrat, nous ne pouvons continuer à travailler avec lui. Mettez nos avocats sur l'affaire, je veux la proposition de son concurrent sur mon bureau dès demain."

Je referme le dernier modèle de wPhone, notre franchise téléphonique quand j'arrive dans la salle de réunion où mon rendez-vous a été installé.
Marc Rotberg. 27 ans. New-yorkais d'origine. Ancien étudiant en droit, même si officiellement l'administration universitaire ne sait pas s'il est encore inscrit ou non. Rentier, doté d'une certaine habileté en bourse. Plutôt aventurier, malgré une vie jusque-là calme et sérieuse. Récemment poussé dans une chaise roulante après une rencontre brutale et quasi mortelle avec quelques criminels locaux.

"Monsieur Rotberg. Enchanté."

Je glisse le wPhone dans la poche de ma veste de costume bleu marine, assortie au pantalon de la même couleur et à la chemise blanche. Un immense sourire s'affiche sur mon visage alors que je m'avance dans la salle et viens lui serrer la main.
Mon regard ne s'attarde pas sur sa condition, sur sa taille ou sur ses difficultés à rester assis. Après l'incident avec Bane, je n'ai que trop souffert du regard d'autrui, de la pitié et de la curiosité mal placée. Hors de question que je fasse subir les mêmes souffrances psychologiques à quelqu'un d'autre.

"Ma secrétaire m'a informé que vous avez longuement essayé d'obtenir un rendez-vous avec moi. Je vous prie d'excuser mes délais, mais je suis un homme très pris, même si je suis ravi de converser avec des gens qui attirent mon attention - comme vous."

Mes chaussures glissent sur la moquette et me portent jusqu'à une chaise. Je m'assois calmement, sors un calepin et un stylo de ma poche, et pose à nouveau mon regard sur Marc.

"Que me voulez-vous ?"

Je ne sais rien de lui : en dehors de quelques informations classiques, Marc Rotberg est un mystère, même pour mon autre identité - et je n'aime pas ça.
C'est pour ça que j'ai accepté ce rendez-vous. C'est pour ça que je le rencontre. Je veux élucider le mystère Marc Rotberg.

"Votre portrait de moi est flatteur, monsieur Rotberg."

Je n'ai rien relevé durant les réactions et le discours de mon rendez-vous. Les yeux concentrés sur mon carnet, mon stylo notant quelques mots-clés sur l'homme en face de moi et son projet, je suis resté le plus professionnel et stoïque possible. Tout invité a droit au respect.
Ma voix est calme, sobre. J'arbore un léger sourire sympathique.

"Vous oubliez juste que je suis également intelligent, en plus d'être honnête et idéaliste. Non, ce n'est pas antinomique."

Mon visage se relève, mes yeux tombent sur ceux de Marc. Mon sourire disparaît. Ma voix se durcit.

"Pourquoi vous croire, monsieur Rotberg ? Vous arrivez ici, sans légitimité, sans accompagnement officiel, sans réputation me permettant de prêter foi à vos paroles. Votre passé est flou, votre futur incertain. Vous avez été agressé par un criminel qui a failli vous emporter dans la tombe. Et vous venez me demander une somme conséquente dans un projet apparemment suivi par l'Etat et le G.C.P.D., mais sans me le prouver."

Je rentre la mine de mon stylo en appuyant dessus, et croise les mains au-dessus de mon carnet.
Je ne prends plus de note. S'il est malin, il comprendra qu'il est en train de perdre la partie, car les notes représentent mon intérêt.

"Prouvez-moi vos dires, monsieur Rotberg. Expliquez-moi en quoi je peux avoir confiance en vous. Je n'ai que peu à gagner et tout à perdre, ici. Comprenez que cela ne me laisse pas indifférent."

Ou cet homme est fou, ou cet homme est intéressant. A lui de me faire décider dès maintenant sur l'avis que j'aurais de lui pour les minutes qui viennent.

"Vous ne semblez pas comprendre, monsieur Rotberg."

Ma voix est très posée, très calme - trop calme. Marc va bientôt s'en rendre compte.

"Vous me demandez une somme faramineuse sans aucune assurance, alors que les temps financiers sont durs. Vous semblez être appuyé par le G.C.P.D. et des hautes sphères, mais ce n'est pas une carte joker qui vous permet de me convaincre. James Gordon et des élus ont déjà commis des erreurs - je considère qu'ils en font une actuellement."

Mes mains sont toujours jointes sur mon bureau. Mon regard ne cille pas, et reste fixé sur le visage de mon interlocuteur. Il n'a pas réussi à me convaincre.

"Je comprends l'idée de manipuler le crime de l'intérieur. Le principe, même s'il est romantique, est attirant car il peut fonctionner. Cependant... la drogue... c'est différent."

Ma mâchoire se crispe légèrement - j'en rajoute à ma réaction naturelle. Autant voir comment il essayera de reprendre la main en voyant son "espoir" refuser de l'aider.

"Trop de dangers, trop d'éléments incontrôlables... et trop de dégâts. Même si vous parvenez à faire tomber les Falcone, les Maroni ou les autres, combien de vies seront détruites par votre faute ? Combien de personnes vont mourir, s'abandonner à la violence et à la dépendance ? Evidemment, sans vous, sans votre opération, ces personnes subiront aussi cet enfer, et d'autres pourraient éviter ce cycle si vous réussissez, mais... si je m'associe à vous, j'aurais tout cet enfer sur les mains."

Je pousse un long soupir.
Le plan est bon, sensé, mais... pas suffisamment vendeur pour que je l'accepte. Marc Rotberg a une bonne idée, courageuse, mais les risques sont trop grands pour Bruce Wayne et mon entreprise. Je suis prêt à prendre tous les risques sur ma vie, mais la société de ma famille, qui compte tant pour Gotham City... c'est encore différent.

"Ma réputation ne le supporterait pas."

J'assiste sans réagir au discours de Marc Rotberg. Je vois bien qu'il est pris par la colère et l'indignation, mais il essaye de se modérer et de se contrôler - sans forcément réussir totalement.
Alors qu'il achève sa présentation, je reprends mon wPhone et envoie un SMS spécifique à Lucius Fox. Je laisse volontairement un silence pesant entre lui et moi, pour bien appuyer mes prochains mots et mettre mon interlocuteur en mauvaise posture. Les yeux rivés sur mon appareil, je compte en silence le nombre de secondes adéquat, dans ce difficile exercice entre l'arrogance et la suffisance.

"Alterner les insultes et les flatteries, les accusations et les suppliques, c'est un procédé difficile. Quand il réussit, quand il est maîtrisé, il convainc directement l'autre, car celui-ci ne peut qu'être impressionné par un tel discours. Malheureusement, vous ne maîtrisez pas encore cet exercice, monsieur Rotberg."

Calmement, je me relève et range dans ma veste mon wPhone, mon carnet et mon stylo. Mon visage n'est qu'un masque de neutralité, ma voix qu'une succession d'intonations autoritaires.

"Deux cent millions de dollars ne sont pas une pincée d'argent. Et je ne sais pas si je suis un grand homme, mais je suis un homme capable de se regarder dans la glace. Des milliers, des millions d'emplois dépendent de moi et de mes choix. J'espérais faire face à quelqu'un de sensé, comme vous dites, mais si vous ignorez ce fait, et ce que ma réputation entraîne, je n'ai plus rien à faire ici."

Je referme la veste de mon costume en poussant un léger soupir. Je suis bien conscient de ruiner ses espoirs, mais je n'ai aucun remords. J'ai entendu ce que je voulais savoir, je peux décider sur la proposition qu'il m'a soumise - et je le fais.

"Je ne peux pas me permettre d'engager autant, de risquer autant, pour un homme qui n'a pas conscience de mes difficultés et de mes besoins. Adieu, monsieur Rotberg. Bonne guérison, et bonne continuation."

Sans lui serrer la main, je quitte le bureau et m'évapore dans les couloirs du siège social de mon entreprise, sans un regard en arrière.
Ma décision est prise. Je n'ai plus rien à faire ici.

***

Environ deux minutes après que Bruce Wayne ait claqué la porte de la pièce et de la réunion avec Marc Rotberg, cette même porte se rouvrit, laissant apparaître la figure sympathique et connue de Lucius Fox, le directeur exécutif des Entreprises Wayne et véritable maître d'oeuvre de la stratégie de la société.

"Monsieur Rotberg ?"

Sa voix chaude tira certainement Marc de ses réflexions, alors que le vieil homme s'asseyait sur le bureau de Bruce. Un léger sourire apparut sur son visage alors qu'il sortait de son manteau une enveloppe, avant de la déposer négligemment sur le meuble.

"J'espère que vous avez apprécié votre séjour au sein des Entreprises Wayne. Je tenais à vous encourager personnellement pour votre initiative. Bon courage."

Lucius s'avança, serra la main de Marc Rotberg, et disparut comme son employeur.
Si l'invité éconduit par le maître des lieux avait la curiosité, et il l'aurait sûrement, d'ouvrir l'enveloppe laissée par Lucius Fox, il découvrirait des données de compte et des mots de passe, liés à une banque des Caraïbes. Avec une rapide vérification sur son téléphone portable, certainement doté d'un dispositif Internet, Marc Rotberg découvrirait qu'un compte à son nom, ouvert avant la réunion, venait d'être crédité de cinquante millions de dollars par un compte inconnu - mais dont l'origine ne ferait certainement aucun doute.

Bruce Wayne ne pouvait pas se permettre de financer le projet de Marc Rotberg, autant pour son montant que pour la réputation de l'homme d'affaires.
Ca ne voulait cependant pas dire qu'il ne lui donnait pas un petit coup de pouce, discrètement.

(HJ/ Voici ma conclusion à ce sujet. Ce fut très agréable, et j'espère que la solution finale te conviendra. A bientôt ! /HJ)

Cette réponse insupporta Marc.

Wayne n'avait pas entièrement tort, cependant. Marc ne savait pas faire très bonne impression dans les entretiens. C'était quelque chose qui l'avait toujours inquiété, un véritable handicap.
Calmement, je me relève et range dans ma veste mon wPhone, mon carnet et mon stylo. Mon visage n'est qu'un masque de neutralité, ma voix qu'une succession d'intonations autoritaires.

Et vinrent ces mots :

"Je ne peux pas me permettre d'engager autant, de risquer autant, pour un homme qui n'a pas conscience de mes difficultés et de mes besoins. Adieu, monsieur Rotberg. Bonne guérison, et bonne continuation."

La colère emplit tellement Marc que s'il avait été valide il aurait saisit à la gorge Wayne. Ce milliardaire égoiste et inconscient mettait fin à son plus grand rêve et des années de calculs. Non seulement, mais avec une indifférence insolente. Il ne serra même pas la main de Marc et s'en alla. Avec lui, c'était comme l'âme de Marc qui parait. Ce dernier cria le poing levé :

Il n'y avait rien d'autre à dire. Que faire ? Jessica avait rompu et tout son rêve s'était effondré. Cette vie n'avait plus d'intérêt, plus aucun. Il réfléchit à la meilleure façon de se suicider.

**

"Monsieur Rotberg ?"

Ah, un sourire, une voix agréable. Ce brave Lucius Fox.

"J'espère que vous avez apprécié votre séjour au sein des Entreprises Wayne. Je tenais à vous encourager personnellement pour votre initiative. Bon courage."

Marc lui serra la main avec sincérité, cet homme vallait sans doute mieux que son patron.

Mais que ? Une enveloppe ? Hey, était-ce le signe qu'il y avait encore un peu d'espoir ? Rien n'était encore perdu. Il lirait le contenu une fois chez lui. Il appela sur son portable son nouveau garde du corps, nommé Krauzer (idée de Mr Rotberg). Il remplaçait l'ancien garde du corps chauffeur récemment abattu par la tueuse Dak Hawk. Il était temps de rentrer

[voilà une conclusion en demi-teinte pour moi. Créer un commerce solide et bien parré pour la concurrence avec la mafia sera délicât, mais peut être y arriverai-je avec de la patience. Merci de cet entretien]