La nouvelle venait de tomber comme un couperet. Batman, le Chevalier Noir .... non Bruce, son père avait failli à sa tache, avait renoncé à son principe le plus élémentaire : il avait tué un homme. Non pas un criminel de base mais l'instigateur de toute la folie d'Arkham City, le terrifiant ou simplement fou Quincy Sharp. Cette nouvelle révoltait Tim, il se devait d'exiger des informations auprès de Bruce. Non seulement pour la justice mais pour la confiance qu'il accordait autrefois à Bruce et qui s'était soudainement brisé. Cet homme qu'il aimait tant, qui avait fait tant de choses pour lui, l'avait adopté, entraîné, fait de lui plus qu'un simple justicier mais un symbole, Robin l'éternel acolyte de Batman. Mais il était devenu bien plus suite à la défaite de Bruce contre Croc. Et cette défaite avait rendu Bruce profondément plus violent. Pour sa part Tim avait du choisir un nouveau rôle, une nouvelle identité pour le remplacer pendant sa convalescence. Et si Bruce avait échoué, Tim, le Red Robin , se devait de le remettre à place, et si besoin est, de le vaincre puis de le remplacer pour sauver Gotham. Il en était capable , pour ses parents, pour Gotham, pour Dick et avant tout pour lui même il devait le faire.

Bruce ! Je sais que tu es la ! Tu as tué Sharp ! Tu as tué ce monstre et tu t'es tué toi et tes propres principes que tu as mis tant de temps à m'inculquer. Tu me déçois ! Tu ne peux pas savoir à quelle point je suis déçu ! Bruce, Père ! Donne moi une bonne raison, explique moi ce qui s'est passé et tu échapperas peut être à mon courroux !

Tim venait de crier tout ce qu'il ressentait. Il avait été déçu par un homme qui était tout pour lui. Un ami, un maître, un père. Et se calmant il se prépara à continuer sa provocation.

Bruce ! Ce n'est pas le Batman qui a failli, c'est l'homme, c'est toi qui à commis ton erreur ! Cependant, une fois qu'on a passé la ligne, on ne repasse plus jamais de l'autre coté. Tu l'a tué !

Tim ,malgré les enseignements de Shiva, se laissait envahir par ses émotions, et sur le sol de la Batcave, ce lieu où il avait passé tant de temps à s'entrainer, à souffrir, sans jamais avoir le droit de pleurer, et pourtant à ce moment il fondit en larmes.

Pourquoi ?! Pourquoi ?! Tu était tout pour moi !

Je ne partirais pas. Tu as commis une erreur et tu dois l'assumer !

Tim se sentait véritablement blessé par les mots de Bruce. Etait-il coupable ? Non, c'était à son père de s'expliquer, et même de quitter ces lieux car l'homme brisé en face de lui n'était plus digne d'être le Batman. Robin était le garant de la psychologie du chevalier noir. Et en choisissant de travailler seul après sa défaite contre Croc, Bruce s'était lui même laissé sombrer.
Et il était temps de remettre les choses en place.

Je suis Robin, plus que ça, je suis ton fils. Si tu as échoué c'est que tu as choisi de te bloquer dans la solitude. Je suis prêt à parier que tu as fait partir Alfred, Rachel et tout les autres qui ne veulent que t'aider. Nous ne voulons que ton bien ! Tu es un père pour nous tous et tu ne fais que nous rejetter ! Et si tu ne désire pas t'expliquer je serais forcé de t'arracher les informations de force !

Red Robin s'était calmé. Les paroles de l'homme en face de lui avait été une terrible douche froide. Il était prêt à se battre s'il le fallait. Et si la victoire lui souriait il remplacerait Bruce ou confierait le costume à Dick. Tim dégrafa sa cape, qui chuta au sol, et prit son bâton de l'autre main. Il se sentait dans son élément mais le combat allait être difficile au niveau physique autant que psychologique. Bruce avait l'air fatigué autant physiquement que moralement. Devait-il l'attaquer ou non ? Se remémorant les enseignements de Bruce, son passé, ses propres erreurs, il sut qu'il avait pris la bonne décision. Une injustice ne doit pas être laissé impunie. Sharp ne méritait pas la mort mais il avait été tué. Il était donc temps pour le chevalier noir d'affronter son châtiment.

Tu es enfin prêt à parler ? Ou alors sois au moins prêt à combattre !

Faisant tournoyer son bâton comme pour une provocation, Tim le pointa en direction de Bruce, comme un geste de défi. L'adrénaline le portait. Voila des années qu'il n'avait pas affronté quelqu'un d'aussi dangereux. Son altercation avec Catwoman et Ivy n'était rien par rapport à la terrible lutte qui l'attendait.

"M'affronter ne te donnera que des bleus, des plaies et une humiliation. Retourne chez toi, je te contacterai quand je serai reposé et que j'aurais des ordres à te donner. Tu peux prendre une moto.

Tu aurais pu vaincre Robin. Mais j'ai grandi, je suis devenu plus puissant, plus violent, plus ... sombre... Je suis plus puissant que la pauvre loque que tu es devenu Bruce ! Je suis Red Robin et je peux te vaincre !

Chaque mot avait été prononcé avec une lenteur glaciale, comme pour souligner la détermination et le courage de Tim. Chaque syllabe avait été sifflé tel un serpent s’apprêtant à frapper. Il était prêt, il avait confiance en lui, en ses talents. Il se devait de vaincre Bruce. L'homme venait de se retourner vers son ordinateur, et Tim le ressentit comme un affront.

Tu es déçu n'est ce pas Bruce ? Je t'ai déçu. Tu n'as pas réussi à faire de Dick, un pantin obéissant, tu as échoué avec Jason et maintenant avec moi ... Tu es un incapable Bruce. Un pitoyable vieil homme dépassé par les évènements. J'ai tenté de t'aider et tu as refusé mon appui. Tu pense pouvoir survivre seul mais tu n'es rien seul.

Un ricanement narquois venait d'échapper à Tim. Il se surprenait de tant d'horreurs sortant de sa bouche. Comment pouvait-il parler à son père ainsi ? Mais il ne devait pas s'encombrer d'émotions.

Red Robin sortit un shuriken de son harnais et le lança vers Bruce. Le projectile passa rapidement au niveau de l'oreille de Batman et s'enfonça dans l'écran. Le défi était lancé.

Tu aurais donc peur ? Le grand , l'invincible Batman serait un lache reculant devant un gamin ?

La provocation ne servait à rien mais cela détendait Tim et le préparait à la suite des évènements.

Dick a toujours été digne. J'ai toujours été digne. Une seule personne n'est plus digne de son rang, Bruce. Tu as échoué, tu as failli, et tu refuse de voir la vérité et d'assumer tes actes. Et sache que je ne suis plus ton apprenti depuis longtemps. Robin est derrière moi. Je suis le Red Robin. Dick est devenu Nightwing et je suis devenu Red Robin. Nous nous sommes surpassé sans ton ombre au dessus de nous.

Tim ne pensait pas réellement ces mots. Il savait pertinemment que sans Bruce, il ne serait rien mais son attitude le déprimait. Cependant sa froide neutralité l’impressionnait. Jamais il ne l'avait vu ainsi. Malgré sa froideur, Bruce gardait toujours un coté tendre et chaleureux envers lui. C'était sa dernière chance de partir mais il ne la saisissait pas. Son destin était de se battre. C'était le moment ou jamais de prouver sa valeur.

Tu tente de te faire passer pour un être cruel. Mais je sais que c'est faux. Malgré le fait que tu ai renié Dick, il reste un justicier. Et tu auras beau me renier je resterais Red Robin, et avant tout ... ton fils.

Le mélodrame ne servait a rien mais c'était un moyen de se détendre comme un autre. Mais ce n'était plus le moment d'être calme. Bruce brûlait intérieurement. Tim pouvait le sentir. Il ne riait pas. Il était temps de combattre.

Se remettant dans une position de combat, Tim ne partirait pas. Il était prêt pour son plus grand défi. Il allait engager les hostilités !

C'est parti !

Tim se jetta vers l'avant un lança un grand coup circulaire de son bâton, en direction de la tête de Bruce !

Rachel était là depuis un certain temps déjà, et était restée dans l'ombre pour entendre tout ce qui se disait dans la batcave. Elle était rentrée du Palais un peu plus tôt et n'ayant trouvé qu'Alfred au manoir, elle avait décidé de s'accorder une petite sieste. Cela faisait une semaine ou deux qu'elle se sentait plus fatiguée, et barbouillée le matin. Elle fermait souvent son bureau et s'accordait une demi-heure ou une heure de sieste quand elle sentait ses yeux se fermer malgré elle. A son réveil, Alfred lui avait annoncé que Bruce était rentré. Elle allait enfin pouvoir passer du temps avec lui. Une semaine déjà qu'elle ne l'avait pas vu, et qu'elle n'avait pas la moindre idée d'où il était ,ou de ce qu'il faisait. Ses absences étaient rarement aussi longues, et il chargeait Alfred de lui donner de ses nouvelles. Là rien, et plus les jours se succédaient, plus son angoisse augmentait. Il venait à peine de recouvrir toutes ses possibilités, de guérir de ses mutilations, et elle était sûre qu'il ne survivrait pas si une deuxième épreuve aussi dure survenait dans sa vie.

Elle commençait à descendre les marches raides, tellement habituée à prendre ce chemin qu'elle n'était même plus obligée de faire courir ses mains le long des parois rêches, lorsqu'elle se rendit compte que Bruce n'était pas seul. Elle reconnut rapidement la voix de Tim, qui l'accusait d'avoir tué Quincey. Son coeur rata un battement lorsqu'elle entendit les terribles accusations que le jeune apprenti portait contre son père adoptif. Sharp était mort? Comment? La nouvelle devait être tombée pendant qu'elle dormait, peut-être qu'elle n'avait même pas été encore communiquée à la presse. Elle n'eut pas le loisir de réfléchir plus longuement à ce sujet, car le ton de Dick monta furieusement. Depuis la dernière marche, elle vit Bruce au bord de l'épuisement, essayant de garder son calme, et repoussant les cris par une froide maîtrise de lui. Comme toujours. Les choses se corsèrent encore lorsque Tim tenta d'attaquer son mentor. Rachel voulut crier pour avertir Bruce, mais ce dernier avait senti venir l'attaque, bien décidé maintenant à corriger celui qui n'avait pas tenu compte de ses avertissements. Voir son homme réagir de cette manière l'effraya, comme à chaque fois qu'il se laissait submerger par la colère et la violence. Au bout de quelques secondes à peine, elle avait déjà peur qu'il ne blesse gravement Tim, au point de lui laisser des dommages sévères. C'est ce moment qu'elle choisit pour se montrer.

Vous allez arrêter tous les deux! Vous êtes devenus fous ou quoi? Vous pensez vraiment qu'avec ce qu'est en train de vivre Gotham, vous puissiez vous payer le luxe de vous mettre dessus alors que la ville a besoin de tous les justiciers!

Elle s'approchait d'eux tout en parlant, pour enfin se placer entre les deux hommes. Elle sentait la colère, le désespoir et la rage qui emplissait la pièce comme un brouillard étouffant. Posant une main sur le torse de Bruce pour lui intimer l'ordre de s'arrêter, elle tourna la tête vers Tim.

Tim, je pense qu'il vaut mieux que tu ailles faire un tour... Chacun va se calmer avant que vous fassiez encore plus de dégâts, je me suis bien fait comprendre? Tu reviendra d'ici une heure ou deux quand les choses se seront tassées...

Elle hocha la tête en guise d'encouragement muet, puis ses yeux se posèrent enfin sur Bruce, avec une expression de peur mêlée de tristesse.

Est-ce que c'est vrai ce que Tim a dit? Sharp est mort? Et pourquoi est-ce qu'il dit que c'est toi qui l'aurait tué?

La main qui était posée sur son torse vint glisser sur une de ses hanches, alors que son autre main vint occuper la deuxième, se plaçant ainsi face au justicier, et attendant des explications qu'elle jugeait plutôt bien méritées.

La réaction de Bruce était excessivement violente comme Tim l'avait prévu. Il l'avait poussé à bout mais s'était montré présomptueux. Malgré son état de fatigue physique et psychologique, Batman restait incroyablement dangereux. Les coups pleuvaient sans temps mort et Tim dut utiliser tous ses talents pour rester en vie. Bruce frappait non pas pour prévenir, mais pour blesser, pour mutiler, pour tuer !

Vous allez arrêter tous les deux! Vous êtes devenus fous ou quoi? Vous pensez vraiment qu'avec ce qu'est en train de vivre Gotham, vous puissiez vous payer le luxe de vous mettre dessus alors que la ville a besoin de tous les justiciers!

Rachel ! Tel un sauvetage divin, la jeune femme s'interposa. Cependant un nouveau problème s'annonçait. Son bras ! Tim ne pouvait plus sentir son bras droit autrement que comme une grande source de douleur. Bruce l'avait cassé sans la moindre hésitation.

Tim, je pense qu'il vaut mieux que tu ailles faire un tour... Chacun va se calmer avant que vous fassiez encore plus de dégâts, je me suis bien fait comprendre? Tu reviendra d'ici une heure ou deux quand les choses se seront tassées...

Je ne partirais pas. Je n'ai plus nulle part où aller. Je ne suis plus rien. J'ai été renié Rachel. Renié parce que je recherchais la vérité comme tu la cherche habituellement. Mon bras est cassé car Bruce n'a pas supporter de se remètre en question et a préféré me briser, alors que je n'ai fait que suivre ses enseignements. J'ai assumé mes actes contrairement à lui. J'obtiendrais la vérité

Tim ne pouvait pas partir maintenant. Il avait trop souffert, sa vie avait trop changé en si peu de temps qu'il ne pouvait pas s'en aller malgré les conseils de Rachel. Il devait et voulait savoir. Et tacher de la protéger si la colère qui rongeait Bruce s'étendait vers elle. C'était son devoir. Mais il n'était plus rien, plus un héros. Sa vie et ses reves venaient d'être brisé.

Elle fut choquée de voir Bruce déployer une telle violence, et elle le fut presque autant quand Bruce s'adressa à elle. Il ne s'adressait quasiment jamais à elle de cette manière, et elle fut blessée quand il lui annonça qu'il ne souhaitait pas sa présence. En général, elle avait l'habitude de ses grands moments de solitude, et elle arrivait à sentir quand elle devait le laisser seul. Sauf que là le couperet était tombé, sec et raide. Ainsi elle était reléguée au même rang que Tim...

Bruce commença à s'expliquer, et elle espéra qu'il lui donnerait les informations qui lui manquaient, qu'il se confierait à elle, comme il l'avait fait souvent depuis qu'ils étaient ensemble. Mais rien, rien d'utile en tout cas, à part qu'il venait de renier son fils. La crise était on ne peut plus grave, car jamais elle n'avait vu Bruce agir avec tant de dureté et d'implacabilité envers un de ses "fils". En général il était dur, mais il savait aussi pardonner et comprendre. Jusqu'à maintenant. C'était un homme épuisé et brisé qu'elle avait en face d'elle, et elle pouvait lire dans ses yeux une lassitude et une fatigue peut-être encore plus importante que quand il avait perdu son bras et son oeil. Et cela l'effrayait.

Il retourna s'asseoir devant sa console de pilotage, et resta silencieux. Rachel échangea un regard lourd de sens avec Tim, avant de se rapprocher de son amoureux. Son regard se regarda se posa sur la série d'écrans diffusant en boucle la chute de Sharp, et la silhouette de l'homme chauve-souris en haut du building. Elle n'en croyait pas ses yeux, tout était si surréaliste, incroyable. Ce qu'elle voyait ne pouvait pas être vrai,non! Lui qui avait toujours farouchement opposé contre le meurtre, il aurait balancé Sharp du haut d'un gratte-ciel. Elle resta silencieuse quelques secondes. D'une voix qu'elle voulait douce, et non accusatrice, elle lui posa la question qui lui brûlait les lèvres.

Bruce... qu'est-ce qui s'est passé sur ce toit? Il y a eu un accident?

Rachel le fixait droit dans les yeux. Le message qu'elle voulait lui faire comprendre était parfaitement clair. Il devait s'en aller et laisser Bruce seul.

Leslie Thompkins sera ravie de te soigner, Timothy, et tu peux toujours prendre une moto pour y aller. Cet engin, ton costume et les armes que tu portes sont les dernières choses que tu auras de ma part. Si tu te considères meilleur que moi, si tu viens pour me juger, si tu refuses mes demandes de solitude, alors tu n'as plus rien à faire ici

Je vais m'en aller. Tu veux être seul et bien tu le seras. Mais un jour tu auras besoin de Robin. Un jour tu m'appellera, et comme tu as chassé Dick et l'a rappelé, je reviendrais Bruce. Tu veux paraitre dur et sans coeur mais tu as besoin de moi, besoin de nous.

Tim était déçu. Déçu par Bruce, déçu par lui même pour son comportement. Seul Rachel s'était montré a peu près honorable dans cette affaire. Tim avait besoin d'être seul, besoin de reflechir. Il avait besoin de temps pour se soigner également, non seulement son bras mais également son esprit. Il enfourcha sa moto et partit à toute vitesse par la sortie principale de la Batcave.

Je reviendrais !

Tim transperça la cascade a toute vitesse. Son bras le faisait souffrir, il se devait d'aller rapidement a l'hopital.

[HRP : Bon ben je crois que moi je m'en vais. Ce fut un plaisir de faire cette histoire avec vous]

Depuis les quelques mois qu'elle avait passés avec Bruce, elle avait compris qu'un affrontement frontal et direct ne servirait à rien sinon à faire en sorte que le justicier noir ne s'enfonce encore plus profondément dans sa coquille, et n'offre qu'une façade glaciale et impassible. Elle avait compris qu'elle devait juste attendre, et qu'il faisait toujours le premier pas quand il se sentait prêt. Elle Attendit donc quelques instants, le temps que Bruce finisse de pianoter fébrilement sur son clavier, et lui accorde enfin une minute d'attention, comme si, en l'ayant attendu patiemment, elle avait daigné recevoir une réponse.

Mais les premiers mots qui sortirent de la bouche du justicier lui firent regretter d'avoir attendu. Elle se pétrifia, espérant avoir mal compris, et attendit encore, le temps de voir si Bruce allait lui donner de plus amples explications. Ce qu'il fit, hélas. Elle avait l'impression qu'on venait de lui mettre la tête dans une bassine d'eau, les oreilles bourdonnantes de la bombe qu'il venait de lâcher. Elle sentait son coeur battre à ses tempes et ses mains se serrer sur son ventre. Comment? Pourquoi? Elle venait d'entendre le monologue de Bruce Wayne, et ce qui la terrifiait le plus, c'était que malgré tout, elle ne pouvait pas ne pas être d'accord avec la suite d'arguments implacables qu'il venait d'énumérer. Enfonçant encore le clou en lui rappelant à quel point elle aussi avait été au coeur de toute cette tourmente, de toute cette période absolue qui avait quand même eu du bon parce que ça leur avait permis de se rapprocher, et de se retrouver. Tout l'univers de Bruce avait souffert, Alfred qu'il croyait mort, elle qu'on avait kidnappée, les entreprises Wayne épinglées, les accusations publiques, les calomnies. N'importe quel homme sain d'esprit aurait fait ce qu'il sous-entendait avoir fait. N'importe qui aurait, s'il avait pu, ôté la vie de celui qui avait fait de la sienne un enfer s'il l'avait eu entre les mains, offert sur un plateau. N'importe qui aurait eu raison de le faire. Mais Bruce Wayne n'était pas n'importe qui.

Depuis qu'elle le connaissait, elle avait appris à connaître ses principes, et parmi eux de ne jamais tuer, de ne jamais sacrifier une des choses les plus sacrées qui régnaient encore en ce bas monde, la vie humaine. Elle savait qu'il avait épargné les pires des pires, ceux qui avait fait des horreurs qui dépassaient l'entendement, qui avaient terrorisé des villes entières, tué des centaines d'innocents. Il les avait humiliés, il les avait battus, il les avait souvent laissé dans l'ultime zone qui sépare le monde des vivants de celui des morts, mais pas une fois la limite n'avait été franchie. Jusqu'à ce soir. Jusqu'à Sharp. Une partie d'elle sentait, savait qu'il avait fait le bon choix, mais l'autre moitié était horrifiée par le fait que justement, il se soit aventuré à faire ce choix. Trop, trop de choses étaient en train de se bousculer dans sa tête à l'instant présent. Etait-il toujours le même qu'elle avait connu? Quelque chose en lui avait-il changé pour qu'il apparaisse ainsi comme une menace? Elle chancela, se rattrapant à la rembarde de métal glacé qui finissait l'escalier, et la serrant à blanchir les jointures de ses doigts. Ses yeux se fermèrent alors qu'elle était prise d'un violent étourdissement. Il lui fallu quelques secondes pour se ressaisir, se redresser lentement, inspirant profondément, et rouvrir les yeux.

Je... Est-ce que tu regrettes ce que tu as fait? Est-ce que tu es en paix avec ta conscience?

Si l'annonce de la mort de Sharp avait été perçue comme une gifle pour la jeune assistante du procureur, le fait qu'il avoue l'avoir tué de façon calme et posée eut l'effet d'un coup de massue. Comment? Comment était-ce possible? Elle l'avait connu, elle l'avait aimé depuis des années, elle avait vu ses réussites et ses échecs, ses victoires et ses humiliations. Et pas une fois il n'avait franchi cette ultime barrière. Pourtant, les raisons qu'il invoquait ne pouvaient être ignorées, elle le savait, mais lui plus que quiconque aurait pu, aurait DU trouver une alternative. Et la douloureuse surprise fut encore accentuée lorsqu'il lui affirma qu'avoir tué Sharp, avoir franchi cette barrière du meurtre, de prendre la vie à un autre être humain, de jouer à Dieu, était attendu par les citoyens de la ville. Comment en était-il arrivé à penser ça? Gotham avait besoin d'un symbole, Gotham avait besoin d'une preuve vivante qu'on pouvait faire régner l'ordre et châtier les criminels sans se mettre du sang sur les mains.

Elle aurait voulu en parler, elle aurait voulu discuter du bien fondé de cette action, savoir ce qu'il pensait, ce qui l'avait motivé, la façon dont il avait géré l'avant, et donc il comptait gérer l'après. Mais elle connaissait on ne peut mieux son ténébreux justicier, et elle sentait qu'il était fermé. Personne mieux que lui n'arrivait à faire comprendre à quelqu'un qu'il voulait être seul, offrant l'image ô combien agréable d'un mur fortifié aussi imprenable qu'infranchissable. Elle soupira, de lassitude et de déception, et tourna les talons.

Je te laisse dans ta forteresse de solitude... Tu sais où me trouver si tu veux qu'on... discute, ou... qu'on se voie...

Elle se mordit les lèvres avant de détourner le regard. Depuis des semaines elle sentait qu'ils s'éloignaient, enfin, que Bruce s'éloignait d'elle. Toujours sombre, toujours mutique, il ne quittait pratiquement jamais la batcave, et passant des jours sans lui accorder un regard ou une parole. Heureusement, elle avait Alfred. Et la foi en son homme, inébranlable jusqu'à ce soir. C'était ce qui la faisait tenir, endurer tout ça sans ciller, sans faire aucune remarque désobligeante, car elle savait que c'était pour le bien d'une ville, le bien de tout une population, une lueur d'espoir. Jusqu'à ce soir.